En économie, mais également en géopolitique, on entend souvent parler de « L’école de Chicago » sans réellement savoir à quoi cela réfère. Il est temps de régler ce problème ! L’école de Chicago est une école de pensée économique défendant une vision libérale de l’économie. On l’associe généralement à :

  • La théorie néoclassique des prix
  • La vision positive du libre marché
  • Au monétarisme
  • Et évidemment, à l’opposition au keynésianisme.

L’école de Chicago est évidement une référence directe au département d’économie de l’Université de Chicago car la majorité des professeurs et des anciens élèves se rattachent à cette école de pensée. Dans la culture économique, l’icône qui incarne ce mode de pensée est Milton Friedman et on limite trop souvent l’école de Chicago aux économistes monétaires, mais en réalité, cette école couvre également l’usage du calcul stochastique aux marchés financiers, ce qu’on appelle plus couramment la théorie moderne du portefeuille, mais cela ne concerne pas nécessairement le programme en prépa, que ce soit en filière ECE, ECT ou ECS.

Les grandes figures qui sont rattachées à cette école sont Milton Friedman, George Stigler, Frank Knight, Richard Posner, Gary Becker, Ronald Coase ou encore Robert Lucas (liste non exhaustive).

Dans l’histoire économique, ce mode de pensée a influencé les politiques économiques de la Banque mondiale à partir du milieu des années 1980, ce qui a conduit aux redressements de leurs comptes publics et à la réduction des lacunes de certaines Etats par la privatisation d’entreprises dans de nombreux pays en développement (notamment en Afrique).

Mais l’école de Chicago a également influencé les politiques monétaires aux Etats-Unis à partir de 1979 et de l’arrivée de Paul Volcker à la présidence de la FED (Volcker reprenant les théories monétaristes de Milton Friedman).

Après cette brève analyse de l’école de Chicago, arrêtons-nous sur les quatre figures principales de l’école, à savoir Milton Friedman, George Stigler, Gary Becker et Robert Lucas, tous d’anciens Nobel, et appuyons-nous sur l’ouvrage de Johan Van Overtveldt, The Chicago School: How the University of Chicago Assembled the Thinkers who Reviolutionized Economics and Business (2007).

Milton Friedman (Prix Nobel 1976)

LA figure de cette école, la super-star, Friedman est à l’école de Chicago ce qu’est Neymar au PSG (oui bon désolé de la comparaison… mais tout cela pour dire que c’est grâce à lui que l’école de Chicago a pris une place si importante dans le débat économique mondial). Ses grandes idées sont les suivantes :

La théorie quantitative de la monnaie et l’action de l’inflation : c’est Friedman qui va réhabiliter la théorie quantitative de la monnaie qui explique les mouvements des prix par la variation de la masse monétaire. Il n’en est pas l’inventeur (Jean Bodin, William Petty ou encore Irving Fisher utilisaient déjà cette théorie), mais Milton Friedman va la remettre au goût du jour. C’est à cause de cette théorie qu’il est critique vis-à-vis de la politique menée lors de la Grande Dépression des années 1930. Il écrivit dans The lucky people : Memoirs : « La FED est largement responsable de l’ampleur de la crise de 29. Au lieu d’user de son pouvoir pour compenser la crise, elle réduisait d’un tiers la masse monétaire entre 29 et 33… loin d’être un échec du système de libre entreprise, la crise a été un échec tragique de l’Etat ».

La nouvelle conception du rôle de l’Etat dans l’économie : Friedman défend le retrait du gouvernement du marché et se fait le chantre des taux de change flottants. Il justifie le recours à ces derniers par l’ajustement que ce système doit permettre entre les devises des pays inflationnistes et des pays non inflationnistes. Il critique totalement l’intervention étatique dans l’économie, et il raconta durant un entretien avec Richard Helfner que « l’une des plus grandes erreurs possibles est de juger une politique ou des programmes économiques sur leurs intentions et non sur leurs résultats ».

Une forte critique du keynésianisme et la défense du libéralisme : les conclusions des travaux de Friedman sont opposées à celle de Keynes qui dominaient largement après la Grande Dépression et après la Seconde Guerre mondiale. Il disait d’ailleurs que « nous utilisons tous le langage et l’appareil d’analyse keynésiens, mais plus personne n’accepte les conclusions keynésiennes originelles ». Enfin, Milton Friedman s’est fait le chantre du libéralisme ; son ouvrage le plus populaire (en termes d’importance, c’est discutable mais passons) fut Capitalisme et liberté publié en 1962 aux USA où il fait l’éloge philosophique d’une économie libérale.

George Stigler (Prix Nobel 1982)

Moins médiatique mais tout aussi important, George Stigler a travaillé sur la théorie économique de la réglementation. Il est connu pour avoir développé une théorie économique qui décrit comment des groupes d’intérêts et des acteurs politiques vont utiliser les moyens de réglementation pour orienter les lois et les règles dans des directions qui les favorisent. En gros, c’est une analyse des conflits d’intérêts et des intérêts de chacun dans la théorie économique de la réglementation.

Pour Stigler, la réglementation doit s’analyser comme la création d’un service de redistribution politique, qui est offert par les décideurs politiques et demandé par les entrepreneurs et les entreprises. Les acteurs étant rationnels (condition importante dans l’analyse de l’école de Chicago), les offreurs maximisent leurs chances de réélection et les demandeurs, eux, demandent des privilèges de monopole.

En conclusion, le décideur est soumis aux intérêts des producteurs. Aujourd’hui, cette théorie se retrouve dans l’école du Public Choice qui a pour texte fondateur The Calculus of Consent publié en 1962 par James Buchanan et Gordon Tullock.

Gary Stanley Becker (Prix Nobel 1992)

Gary Becker a été parmi les premiers à modéliser la notion de capital humain et à travailler sur la discrimination des minorités dans les pays développés. Il est connu également pour ses travaux visant à élargir le champ de l’analyse microéconomique à de nombreux comportements humains et familiaux.

Travaux sur la discrimination : les travaux de Becker montrent que lorsque les minorités représentent un pourcentage faible de la population, une grande partie des coûts discriminatoires retombe sur cette minorité. C’est la théorie principale de son ouvrage The economics of discrimination écrit en 1957.

Théorie du capital humain : son ouvrage Human Capital: A theoretical and empirical analysis (1964) a servi de base pour développer l’idée d’une possible augmentation du capital humain dans le temps.

Economie de la famille, complément de sa théorie du capital humain : dans A treatise on the family (1981), Becker s’intéresse au rôle de la famille dans la formation de ce capital humain. Pour lui, les décisions touchant les comportements au cœur d’une famille peuvent s’expliquer dans le cadre conceptuel des coûts et des gains marginaux.

Robert E. Lucas (Prix Nobel 1995)

Défenseur du libéralisme, il est à l’origine de la Nouvelle macroéconomie classique qui veut fonder des modèles macroéconomiques sur les comportements individuels par la politique économique mise en place par les gouvernants.

Il s’oppose néanmoins à la pensée keynésienne et affirme d’ailleurs que « ce qu’on doit retenir de Keynes est moins sa contribution à la théorie économique que le rôle que ses idées ont joué pour endiguer l’extension du socialisme ».

Mais Lucas est avant tout connu pour la théorie des anticipations rationnelles, introduite par John Muth en 1961. Il va compléter ce dernier en se souciant de la théorie développée par Milton Friedman, et il va donner de la rigueur à la théorie de l’incapacité des politiques monétaires en remplaçant l’hypothèse d’anticipation adaptative par celle de l’anticipation rationnelle.

Enfin, Lucas a contribué durant quelques années à faire avancer la théorie de la croissance et des cycles. Avant d’être remplacée par la théorie de Kydland et Prescott, Lucas va suggérer que l’élément déclencheur des cycles économiques est un choc de nature monétaire.

Conclusion

Pour conclure, nous pouvons affirmer que l’école de Chicago a révolutionné à sa manière la façon d’appréhender la théorie économique. Courant à tendance libérale et s’opposant le plus souvent au keynésianisme. Cette pensée dans les années 1970 va s’imposer comme étant la meilleure alternative à la pensée de Keynes.

Cependant, cette théorie aujourd’hui n’est plus réellement d’actualité. Petite anecdote, en 2008, après la gestion de la crise de 2008 par le gouvernement américain, l’homme de l’année d’après le New York Times sera J.M Keynes. Preuve, s’il en est, que la théorie keynésienne reste d’actualité et domine encore notre amis chicagoans.

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