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Salut à toi ! Aujourd’hui, nous abordons un chapitre d’économie sur la redistribution des richesses et les différentes actions des autorités publiques pour lutter contre la précarité et la pauvreté. Tout d’abord, nous verrons les objectifs de la redistribution des richesses, pour ensuite étudier les moyens de financement de cette dernière, et enfin, nous constaterons ses effets.

I. Les objectifs de la redistribution des richesses

La redistribution des richesses peut viser de multiples objectifs complémentaires tels que la réduction des inégalités et la protection sociale.

A) Les deux types de redistribution des richesses

La redistribution verticale : son objectif est de réduire les inégalités (de revenus et de patrimoine) entre les personnes les plus aisées et les personnes les moins aisées. Cette redistribution repose donc sur des transferts monétaires des plus riches vers les moins riches. La logique est double : au niveau des prélèvements (car en France, l’impôt est progressif = progressivité de l’impôt, c’est-à-dire que les plus aisés contribuent davantage que les moins aisés aux ressources publiques) et au niveau des versements (en effet, certaines prestations sociales sont fonction du niveau de revenu, comme les allocations familiales).

La redistribution horizontale : son objectif n’est pas la réduction des inégalités, mais la couverture des risques sociaux auxquels tous les individus sont exposés, quel que soit le revenu. Ici, les risques sociaux peuvent être la maladie, la vieillesse, la retraite, l’accident du travail, la dépendance, qui touchent tout le monde, sans distinction de revenus. La logique est double : une logique contributive/d’assurance (prestations en contrepartie de cotisations) et une logique non contributive/d’assurance (prestations sans contrepartie, pour les plus démunis, touchés par un risque social).

Conclusion

Dans la redistribution horizontale, personne n’est exclu, quel que soit le niveau de revenu, là où dans la redistribution verticale, certaines personnes peuvent être quasiment exclues. Les inégalités salariales ne jouent pas toujours au bénéfice de la prestation…

Enfin, la redistribution à un objectif de cohésion sociale. Cette cohésion renvoie à l’idée d’intégration sociale, de valeurs communes acceptées de tous, de solidarité, de lutte contre l’exclusion sociale, ou encore de lutte contre les phénomènes de polarisation sociale excessifs.

B) Un objectif de réduction des inégalités

1. L’idée de justice sociale

Le philosophe John Rawls défendait l’idée de justice comme l’équité, contre celle de justice comme unique égalité, c’est-à-dire qu’une société juste est une société équitable, non égalitaire. Donc, une société inégalitaire peut être juste et une société égalitaire injuste. Il faudrait, en ce sens, distinguer parmi les inégalités, celles qui sont justes de celles qui sont injustes. Seules seraient justifiées les inégalités profitant aux plus défavorisés et n’affectant pas les droits fondamentaux (concept de discrimination positive).

L’économiste Sen a créé le concept de capacité/capabilités afin de déterminer ce qui renvoie, pour lui, à une société juste. Ce concept renvoie à l’idée de possibilités réelles, bien différentes de celle d’équité dans la répartition des biens. Il critique Rawls, car la question de la justice, pour lui, ne doit pas être liée à la recherche de la « bonne répartition des biens » et des « principes et procédures justes », mais à la recherche de l’égalisation des libertés et possibilités réelles des individus. Ce qu’il faut chercher, c’est l’augmentation des libertés de chacun et des possibilités pour chacun de choisir sa vie et ses directions, sans vraiment chercher à atteindre une justice pure, qui finalement n’existe pas, selon lui.

2. Lutter contre les inégalités, une nécessité

Les inégalités impactent directement et négativement les variables clés de la croissance.

  • Impact sur l’éducation et le capital humain : les inégalités ne permettent pas à tous les individus de se constituer le même stock de capital humain. Or, ce capital humain influe directement sur le niveau de la croissance (faiblesses au niveau des qualifications et donc des possibilités d’innovation, qui créent, en règle générale, du progrès technique, une hausse de la productivité, des gains de productions et donc de la croissance).
  • Impact sur la santé et la productivité : les inégalités empêchent l’égalité d’accès à la santé et à la même qualité de soins. En effet, la santé se répercute sur le niveau de productivité du facteur travail. Les inégalités viennent donc peser négativement sur la croissance.
  • Impact sur la démographie : la pauvreté peut inciter à réduire le nombre d’enfants afin de maintenir un niveau de vie. De plus, un revenu moindre peut mener à différer le mariage et le premier enfant. À terme, la population et la croissance sont moindres.
  • Impact sur la consommation : la croissance est portée par la consommation. Or, cette dernière ralentit si les inégalités se creusent, car les plus aisés ayant une propension marginale à consommer plus faible que les moins aisés, le surplus de richesse qu’ils dégagent peut-être largement épargné et ne pas se convertir en consommation.
  • Création d’une certaine instabilité politique et sociale : le creusement des inégalités est mal accepté par une partie de la population (sentiment d’injustice). En général, l’inégalité favorise la montée électorale de partis populistes.
  • Impact sur l’endettement : les inégalités entraînent des niveaux de revenus plus faibles pour la population, qui est donc contrainte de se tourner vers l’endettement pour financer ses projets.

Conclusion

L’ensemble théorique majeur qui se dessine aujourd’hui prend le contre-pied de la théorie du ruissellement (trickle-down), selon laquelle une hausse des revenus des plus riches (donc une baisse de la fiscalité) entraîne des effets bénéfiques pour la société dans son ensemble, par le biais d’un ruissellement vers les moins aisés.

Enfin, d’un point de vue théorique, nous pouvons dire que l’accroissement permanent des inégalités impacte la croissance. Nous allons désormais voir quelques chiffres qui témoignent de cet impact sur la croissance.

3. Quelques chiffres

Selon un rapport de l’OCDE (2015), les écarts de richesses se sont creusés depuis le milieu des années 80 dans de nombreux pays, à la fois pendant les périodes de croissance et les périodes de crise. Cette augmentation des inégalités, entre 1985 et 2005, aurait coûté près de 4,7 points de croissance cumulée dans les pays avancés.

En 2015, le revenu des 10 % les plus riches était 9,6 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres.

On peut mesurer les inégalités grâce à plusieurs outils statistiques :

  • le coefficient de Gini : c’est un indicateur systémique d’inégalités de salaire. Il est passé de 0,29 à 0,315 entre 1980 et 2010 dans les pays de l’OCDE. Il atteint 0,4 aux États-Unis et dépasse 0,5 au Chili par exemple. En France, il était de 0,295 en 2019 ;
  • le coefficient de Theil : il est passé de 0,95 à 0,72 entre 1990 et 2010, ce qui témoigne plutôt d’une réduction des inégalités de 24 %. Or, nous avons bien une réduction des inégalités entre pays, mais pas au sein des pays.

Quelle en est l’explication ?

Cette réduction des inégalités entre pays peut s’expliquer par une croissance rapide et forte de plusieurs pays émergents, qui sont entrés dans une dynamique de rattrapage économique des pays développés (convergence économique) depuis les années 90.

Le creusement des inégalités au sein des pays s’explique par le fait que la moitié de la richesse mondiale est détenue par seulement 1 % de la population (le coefficient de Gini témoigne de ce creusement des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres). Ces personnes les plus riches ne sont plus seulement issues des économies développées, mais proviennent également des économies émergentes.

Quelques chiffres à retenir en France (2018) :

  • niveau de vie médian vaut 1 771 euros mensuels ;
  • on est pauvre lorsque l’on vit avec moins de 885 euros par mois. Le niveau de vie des 10 % les plus pauvres est de 715 euros ;
  • on est riche à partir de 3 542 euros par mois. Le niveau de vie des 10 % les plus riches est de 5 090 euros ;
  • les 10 % les plus riches touchent, en moyenne, 7,1 fois ce que touchent les 10 % les plus pauvres ;
  • ratio Palma : il est de 1,12 en 2018. Cela signe qu’à eux seuls, les 10 % les plus aisés captent 1,12 fois le montant global des revenus que touchent les 40 % les plus modestes, alors que ces derniers sont quatre fois plus nombreux ;
  • le niveau de vie moyen des 10 % les plus modestes a diminué de 13 € en 10 ans ;
  • le niveau de vie moyen des 10 % les plus aisés stagne (baisse entre 2011 et 2013, puis augmente à nouveau entre 2013 et 2018).

II. Les prélèvements obligatoires comme source principale de financement de la redistribution des richesses ?

Les prélèvements obligatoires sont généralement décomposés en trois sous-ensembles : les impôts (payés par les contribuables par voie d’autorité, sans contrepartie directe), les taxes (payées en contrepartie d’un service défini) et les cotisations sociales.

Or, la totalité des prélèvements obligatoires ne finance pas la protection sociale. En effet, cette dernière est essentiellement financée par les cotisations salariales, les cotisations patronales, la CSG, la CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale) et les contributions publiques. Le reste des prélèvements obligatoires sert notamment à financer d’autres dépenses complémentaires telles que les services et biens publics, ou les actions publiques diverses (armée, justice = biens collectifs)…

En France, les prélèvements obligatoires représentent 44 % du PIB. 56 % de ces prélèvements obligatoires sont consacrés au financement de la protection sociale. Enfin, la protection sociale est financée à 56 % par les cotisations sociales, selon les chiffres de 2019. Nous allons de plus en plus vers une logique d’assurance, c’est-à-dire recevoir des prestations en échange de cotisations => nous voyons que les prélèvements obligatoires sont de moins en moins financés par les cotisations sociales et plus par la CSG par exemple.

III. Les difficultés rencontrées lors du financement de la redistribution des richesses

A) La crise de l’État-providence ?

Selon l’économiste Richard Musgrave, l’État à trois fonctions : une fonction d’allocation des ressources (ou encore « affectation »), une fonction de distribution (ou « répartition ») et une fonction de stabilisation.

Une crise de l’État-providence se matérialiserait sous trois angles complémentaires (triple crise) :

  • une crise financière = déficits structurels ;
  • une crise d’efficacité = pauvreté, chômage et inégalités persistantes ;
  • une crise morale, de légitimité, philosophique = degré d’intervention jugé excessif (point de vue des libéraux, des classiques et des néoclassiques).

En France, même si la crise d’efficacité semble toujours ancrée, les deux autres crises ne sont plus si évidentes. En effet, pour une grande majorité de Français, il y a toujours une demande croissante de protection sociale et d’intervention étatique (renforcée par la crise de la Covid-19), même s’ils ne sont pas contre une réforme du système dont ils ont conscience qu’il comporte certaines limites intrinsèques (le coût). La crise de légitimité ne semble donc pas être si évidente.

De plus, les comptes de la protection sociale sont désormais quasiment à l’équilibre et si la dette sociale reste très élevée, elle est sous contrôle et en cours de remboursement. La crise liée à la Covid-19 a forcément chamboulé cela, certains objectifs sont repoussés de plusieurs années.

B) Le poids de la protection sociale dans le coût du travail et les questions de compétitivité (prix ou hors prix)

Plusieurs facteurs propres à la France causent certaines difficultés non négligeables :

  • le taux de chômage élevé provoque un effet ciseau ;
  • des niveaux de prestations élevés : nous verrons sûrement dans un prochain article que le grand défaut de la France, c’est son positionnement de milieu de gamme et son coût du travail particulièrement élevé (perte de compétitivité) ;
  • un allongement de la durée de vie : cela engendre une hausse du volume des prestations sociales liées à la vieillesse (pensions de retraite) et à la santé (remboursement des soins pour les personnes âgées).

IV. Les mesures redistributives de la protection sociale et leurs effets

La protection sociale renvoie aux opérations qui couvrent les risques sociaux tels que la santé, la vieillesse, l’emploi, la famille, le logement, la pauvreté et l’exclusion sociale. Elle repose donc sur un ensemble de mesures diverses appelées prestations sociales, qui permettent de prendre en charge ces différents risques.

  • Effets positifs attendus : maintien du pouvoir d’achat et donc de la consommation, de la demande et de la croissance (soutien à la demande dans une perspective keynésienne). Les prestations sociales jouent également un rôle de stabilisateur et d’amortissement en cas de crise, elles ont un effet psychologique sur les travailleurs, qui se sentent alors plus protégés et assureront davantage de risque (entrepreneuriat), et ont un rôle de cohésion sociale (« vivre-ensemble »). Enfin, elles réduisent les inégalités, font reculer la pauvreté, offrent un accès à la santé et à l’éducation pour tous, et de ce fait, augmentent l’espérance de vie et la croissance.
  • Effets négatifs possibles : la question de l’assistanat, de la désexcitation du retour à l’emploi, de l’existence possible d’une trappe à pauvreté (enfermement). Également un risque d’évasion des plus riches ou de perturbation des mécanismes de marché.

Conclusion

Nous remarquons que la France a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’UE (environ 44,8 % contre une moyenne de 40 % à l’échelle européenne). L’objectif n’est pas de critiquer ni de glorifier notre système, même si nous pouvons en être fiers. Le but est d’analyser s’il profite à tous et s’il réduit les inégalités malgré les obstacles.

N’hésite pas si tu as des questions !

À très vite !