Ne nous mentons pas, depuis quelques années durant nos cours de SES, de ESH, de Géopo ou encore d’histoire géo, nos professeurs nous ont toujours vendu la Suède comme étant un eldorado économique où tout est beau et où la crise n’est qu’une légende urbaine. Mais qu’en est-il dans la réalité? Construit dans les années 1930, le modèle suédois était financé par un impôt élevé, c’est ce qui a fait la force du système durant des décennies, mais aujourd’hui, ce modèle social suédois est mis à mal, le plein emploi n’est qu’un mythe et l’Etat ne parvient plus à corriger les inégalités.

I – Le rôle de l’impôt élevé en Suède

L’impôt élevé a toujours joué un rôle très important dans la construction du modèle social suédois et cela durant tout le XXè siècle, comme dans plusieurs autres pays scandinaves. Et ce fut un pari relativement gagnant, car une forte fiscalité permet de combiner un très fort dynamisme économique, la réduction des inégalités sociales sur le long terme et de proposer un niveau élevé de protection sociale pour les citoyens Suédois.

Ainsi, pendant que plusieurs pays arrivaient à trouver un compromis plus ou moins réussi entre offre marchande, solidarité familiale, protection sociale et services publics, l’Etat suédois grâce à cette fiscalité importante arrivait à combiner tout cela car tous ces services étaient financés abondamment par l’impôt, le service était de qualité et pour tout le monde.

De plus, le découpage territorial et le rôle accordé aux collectivités territoriales sont très bien définis; et la France devrait prendre exemple sur cela. Ainsi ce n’est pas l’Etat qui finance ces services (le service des soins, de la petite enfance, de la santé ou encore de l’éducation par exemple) mais ce sont les collectivités territoriales. Le rôle de l’impôt local est donc très important dans le système de l’Etat providence à la suédoise. L’essentiel de l’imposition est prélevé localement à hauteur de 32% en moyenne, un taux relativement stable depuis les années 1980’. De plus, pour les revenus supérieurs à 47000€ annuel, une seconde imposition est prélevée par l’Etat avec un taux de 20%.

Cette imposition importante est complétée par un système d’assurance sociale historiquement très protecteur. L’offre de services publics, entièrement découplée du pouvoir d’achat des ménages suédois s’est avérée un excellent investissement dans le capital humain. Et cela est visible partout, si l’économie suédoise est en perpétuel mouvement: si l’économie est très innovante et compétitive dans les secteurs en pointe, c’est qu’elle est fondée sur un niveau de confiance dans l’Etat combiné à une mobilité sociale plus élevés qu’ailleurs. Le tout donne un niveau d’inégalités plus bas que la moyenne.

II – Mais depuis peu, ce compromis social qui faisait la force de la Suède semble être de plus en plus fragilisé

Cette fiscalité importante s’appliquait à l’époque durant une période de plein emploi en Suède et ce modèle présupposait que toute la population active en âge de travailler contribue au financement de l’Etat et des collectivités territoriales, d’ou un taux d’emploi très élevé et une assiette fiscale large, comprenant les revenus de remplacement (pensions, allocations chômage etc), ce qui est très rare.

Aujourd’hui la situation en Suède est différente. Tout le modèle repose sur un compromis social qui est fragilisé par les transformations sociales, certes moins importante mais de même nature que celles qui affectent le reste de l’Europe (polarisation du marché du travail entre les qualifiés et les « non employables », hausse des inégalités, hausse des emplois précaires, exclusion croissante d’une partie de la population (et notamment celle de la récente immigration) ainsi de suite).

Le résultat, c’est qu’en une petite vingtaine d’années la société suédoise est devenue beaucoup moins homogène, que ce soit d’un point de vue social ou d’un point de vue culturel. Les inégalités augmentent (le coefficient de Gini est passé de 0,22 en 1990 à 0,33 aujourd’hui). Et les inégalités en terme de pouvoir d’achat augmentent également, car si les plus riches et la classe moyenne voient leurs pouvoir d’achat augmenter, les 20% de la population en bas de l’échelle salariale, eux, voient le pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil.

III – Une vingtaine d’années de réforme en Suède

Le premier choc restera la crise des années 1991-1993. L’économie suédoise voit son PIB (Produit Intérieur Brut) chuter de manière dangereuse et le chômage va commencer à augmenter progressivement. A ce moment, plusieurs économistes commencent déjà à parler de « la fin du modèle économique suédois ». Des annonces qui restent prématurées: en 1996 l’économie suédoise va rebondir, le chômage va baisser et les exportations vont augmenter, contribuant ainsi à refaire partir le cercle vertueux de la croissance économique suédoise.

Mais on peut souligner qu’à ce moment, l’Etat va commencer à baisser la fiscalité pour augmenter le pouvoir d’achat des ménages et soutenir la consommation intérieure du pays. Un mythe persiste alors sur la réelle nature de la relance de l’économie suédoise, hausse de la production ou baisse de la fiscalité, il n’empêche que la machine repart et que les chiffres re-deviennent positifs.

Mais le véritable changement concerne le taux marginal d’imposition sur les plus hauts revenus: il est ramené à seulement 57% après avoir été fixé pendant plusieurs décennies à 75%, et même à 87% à la fin des années 1970 !! (Replacer cela dans le contexte en France, c’est juste impensable et hallucinant ..).

Cela combiné à une baisse des dépenses publiques de la part de l’Etat afin d’assainir les finances publiques. Cela fonctionnera parfaitement car la dette publique qui était de 80% du PIB en 1995 est aujourd’hui d’environ 30%, un chiffre qui ferait rêver 90% des gouvernements mondiaux. Mais socialement, cette baisse des dépenses avait des conséquences catastrophiques, les classes moyennes et démunies n’ont plus pu profiter des services de l’Etat gratuits ou peu coûteux.

Ainsi, en l’espace d’une grosse vingtaine d’années, la société suédoise est devenue nettement moins homogène socialement, culturellement et économiquement parlant.

IV – La volonté d’inverser la tendance de la part du gouvernement suédois

Après une vingtaine d’années à essayer de retrouver le niveau d’emploi d’avant crise de 1991-1993, le modèle suédois qui vendait du rêve à tant de pays est devenu nettement moins correcteur des inégalités. Pire, il semblerait que le modèle suédois tende dorénavant à accroître ces inégalités.

Dans le passé, l’Etat était vu comme un gendarme luttant contre les inégalités via une fiscalité particulièrement élevée, et si, encore aujourd’hui, la population semble assez réceptive à l’idée d’un Etat social « universel », cette politique se vide lentement mais sûrement de son idéologique.

Ce sera le grand défi dans les années à venir pour la Suède: reconstruire son modèle social comme avant la crise de 91. Mais aujourd’hui cela semble compliqué. Certains économistes sous entendent que le renouveau du modèle Suédois passera par les nouvelles énergies et la transition énergétique. C’est l’un des grands défis de la gauche revenue au pouvoir en 2014.

L’Etat suédois doit faire un choix, relancer son modèle en augmentant sa fiscalité et en menant des politiques structurelles d’envergue ou alors continuer sur une trajectoire de faible imposition que ne cessera de faire augmenter les inégalités.

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