Moyen-Orient

Le Moyen-Orient est une région difficile à maîtriser, mais qui peut tomber à l’écrit comme à l’oral. Cette fiche sur le panarabisme au cours du XXᵉ siècle peut te permettre de maîtriser certains évènements ou concepts essentiels à glisser dans tes copies !

I – De 1916 à 1948, le peuple arabe voit dans l’intervention occidentale une occasion d’accomplir la nahda

(1) Le peuple arabe rétablit sa souveraineté sur la Péninsule en 1916 dans le cadre d’un nationalisme de révolte

La péninsule voit naître la nahda, la « renaissance », nationaliste au XIXᵉ dans un contexte de domination ottomane. En défendant une identité arabe en même temps qu’elle promet son essor, la nahda est un mouvement nationalisteLa grande révolte de 1916 est alors l’occasion d’une union du peuple arabe dans la lutte. Pour l’Entente, l’affaiblissement de l’ennemi ottoman est une priorité. En 1916, T. E. Lawrence (Lawrence d’Arabie, un officier et écrivain britannique) est donc envoyé pour organiser une révolte intérieure. Il s’adresse ainsi à la grande tribu hachémite du roi Hussein, promettant l’indépendance des peuples arabes. Par conséquent, le 6 juin 1916, Hussein se soulève contre les Turcs. L’Empire ottoman signe alors l’armistice de Moudros le 30 octobre 1918.

Mais assez paradoxalement, cette révolte divise déjà le peuple arabe marqué par les rivalités entre les grandes tribus. Au nord, le puissant roi Hussein est le libérateur de la péninsule, animé par une volonté unificatrice du peuple. Au sud, la famille Al-Saoud victorieuse est déterminée à asseoir sa domination.

(2) La décennie de 1916 à 1928 opère le passage du peuple arabe du giron des grandes dynasties à celui des puissances occidentales

Les puissances victorieuses prennent en main la région après l’armistice de Moudros. Le traité de Sèvres prévoit le démembrement de l’Empire ottoman. Les territoires à majorité arabe de l’Empire sont donc placés sous mandat SDN. Français et Britanniques ont prévu ce découpage dès les accords de Sykes-Picot de 1916. Cela permet leur introduction dans une zone très convoitée comme carrefour commercial et potentialité économique. En effet, la découverte de pétrole en Iran se fait en 1908, en Irak en 1928 et en Arabie saoudite en 1938. La Syrie et le Liban sont ainsi confiés à la France, la Palestine et la Mésopotamie à la Grande-Bretagne. Cependant, le peuple arabe s’oppose aux conceptions franco-britanniques. La guerre franco-syrienne de 1925-1927, notamment, aboutit à la défaite du nationalisme syrien, mais pas à sa disparition. 

Cette période de transition semble donc préparer de futurs conflits. Les manifestations du peuple arabe contre les visions françaises et britanniques reflètent une inadéquation entre les attentes des peuples arabes et les intentions occidentales. La déclaration Balfour de 1917 promet la création d’un foyer national juif en mandat britannique. En 1923, la Grande-Bretagne scinde la « Palestine mandataire » en zone juive et « Émirat hachémite de Transjordanie ». Parallèlement, la famille Hussein subit l’assaut des Al-Saoud qui prennent la Mecque et Médine en 1924-1925, et constituent le Royaume d’Arabie saoudite entre 1928 et 1932. Les rivalités s’installent donc entre les familles, alors devenues États, et projettent des tensions sur tout le siècle, ainsi que l’échec d’une union du peuple arabe. 

(3) Mais dans les années 1930, le modèle occidental de l’État-nation est déjà en butte avec les contradictions de la nahda

La nahda, entre modernité et tradition, procède d’une contradiction que l’État-nation ne peut résoudre. Le modèle de l’État-nation européen va de soi comme objectif à accomplir pour la nahda comme poursuite de la modernisation et de la montée en puissance du peuple arabe. Cependant, la nahda s’oppose aussi à l’oubli des traditions qu’entraîne la mise en place du modèle occidental.

Les États-nations se constituent et accèdent à l’indépendance. Les Français optent pour le modèle de la République parlementaire en Syrie et au Liban. Les Britanniques préfèrent la monarchie constitutionnelle en Transjordanie sous Abdallah Ier. Le Royaume d’Irak est le premier à obtenir son indépendance en 1932. Le rôle de la légion arabe du lieutenant Glubb de l’émirat de Transjordanie dans la guerre lui permet aussi d’accéder à l’indépendance en 1945. Américains et Britanniques poussent quant à eux la France à accorder l’indépendance au Liban et à la Syrie en 1945. 

Mais cette intervention occidentale contribue à accentuer la crise du monde musulman et à orienter le nationalisme arabe vers le panarabisme laïque. La chute de l’Empire ottoman, en amenant à la disparition en 1924 du calife d’Istanbul, initie une crise du monde musulman. Cette vacance de l’autorité musulmane est accentuée par la politique laïque des tuteurs. On assiste donc dans les années 1920-1930 à une évolution critique du nationalisme arabe. L’imitation du monde européen amène d’abord une forte réaction islamiste, dans le mouvement égyptien des Frères musulmans de Hassan-el-Banna. Cette réaction est cependant insuffisante à contenir l’apparition en 1941 d’un nationalisme concurrent dans le parti Baas. Ce parti panarabe et laïque subordonne l’identité arabe musulmane à une identité géopolitique.

II – Le panarabisme nassérien des années 1950-1970 apparaît comme le rêve d’accomplir la nahda hors de l’orbite de l’Occident

(1) Jusqu’en 1956, les tensions culminent avec les anciens tuteurs occidentaux et permettent de fédérer le peuple arabe

Les unions nationalistes grandissantes au sein des mandats en avaient chassé les tuteurs, à contrecœur. L’armée encourage le séparatisme des régions, selon la logique impériale de « diviser pour mieux régner ». La France développe une conception très coloniale du mandat. En 1944, le général Georges Catroux déclare l’indépendance sans prévoir aucun changement administratif. La France ne quitte ses mandats que dans la véritable guerre qui l’oppose au Baas, laquelle n’est réglée que par l’ultimatum britannique. 

Cependant, ce départ n’est que de façade et les puissances européennes espèrent bien profiter encore d’une influence sur la région. La Grande-Bretagne consent à partir pour mieux rester et ainsi à s’arranger une influence économique sur ces régions riches. Elle met en place la Ligue arabe en 1945. Cette organisation régionale (Égypte, Arabie saoudite, Irak, Jordanie, Liban, Syrie) a un statut d’observateur aux côtés de la future ONU. La France ne peut espérer, quant à elle, maintenir de relation diplomatique institutionnalisée avec les anciens mandats.

À Suez, en 1956, la péninsule rompt avec ses anciens tuteurs. Abdallah Ier de Jordanie, allié des Britanniques dans la Ligue arabe, est assassiné en 1951. Au même moment, les intérêts économiques britanniques sont contestés par la nationalisation de ses anciennes compagnies pétrolières. Celle de l’Anglo Iranian Company est l’occasion, en 1953, d’un combat avec le nationalisme de Mossadegh qui aboutit au régime autoritaire du Shah soutenu. En Égypte, la situation se gâte après l’indépendance du Soudan. Le roi Farouk est renversé en 1952 et Nasser arrive au pouvoir en 1954. La crise se poursuit en 1956, quand Nasser nationalise le canal, alors que la France et la Grande-Bretagne en sont actionnaires majoritaires. En réaction, Eden et Mollet organisent secrètement l’intervention mousquetaire avec Israël. Son échec achève de ruiner leur influence dans la zone. 

(2) Débarrassé de ses tuteurs, le monde arabe devient le chef de file du mouvement de revendication du tiers-monde

La nationalisation du Canal de Suez est fondamentale du panarabisme des années 1950, dont Nasser devient le chef de file. La nationalisation est un évènement historique démontrant le succès du nassérisme naissant. Cette idéologie naît dans l’opposition à la monarchie du roi Farouk et à la domination britannique. C’est avant tout dans son opposition aux hégémonies occidentales et sa volonté d’indépendance que le nassérisme se définit. Dès 1956, la souveraineté de la Ligue arabe revient aux peuples légitimes, sous la direction de Nasser. 

Cependant, la guerre froide substitue déjà d’autres tuteurs au couple franco-britannique. La nationalisation reste une défaite militaire égyptienne devant la coalition franco-britannique et israélienne. L’Égypte a eu besoin de l’intervention de l’URSS au travers de l’ultimatum atomique et des États-Unis via les pressions financières sur la livre. Nasser signe un accord d’armement avec la Tchécoslovaquie. Le pacte de Bagdad (Irak, Turquie, Pakistan, Royaume-Uni, Iran) signé en 1955 représente le volet américain dans la zone.

Pour autant, le panarabisme n’est pas dupe de la logique de guerre froide et maintient une distance avec les supergrands. Le nassérisme qui domine le panarabisme met l’accent sur la libération nationale et l’indépendance du monde arabe. Cependant, il a besoin de l’aide des grandes puissances dans son projet moderniste. Les États-Unis refusent de financer le barrage d’Assouan, amenant Nasser à nationaliser le canal de Suez. Le nassérisme effectue la synthèse de ce dilemme dans le neutralisme positif tout en profitant de leur soutien.

(3) Le nassérisme s’avère toutefois impuissant dans le projet unioniste panarabe sur le long terme

Le nassérisme tente de créer une union arabe autour de l’opposition à Israël. Alors que le Livre Blanc britannique restreignait en 1929 l’immigration juive et promettait un État unitaire arabe, le traumatisme de la Shoah pousse l’ONU en 1947 à accorder un État juif. En 1948, Ben Gourion proclame l’État d’Israël. En conséquence, la première guerre israélo-arabe dure jusqu’en 1949, se soldant par un avantage israélien. Le statu quo signé ne met pas fin à l’état de guerre. La région connaît d’autres guerres israélo-arabes : la guerre des Six Jours en 1967 et la guerre du Kippour en 1973.

Mais le nassérisme est muet face aux incohérences régionales léguées par les puissances occidentales. Le mauvais découpage de la région crée des tensions internes insolubles. En Irak, dans un contexte de répression sociale et de soutien aux Britanniques, la monarchie est renversée en 1958. La République est récupérée par les Baasistes lors du coup d’État de Saddam Hussein en 1968. En 1963, le coup d’État de Hafez en Syrie installe un Conseil national de révolution débouchant en 1970 sur le début de la dynastie el-Assad. Enfin, le peuple palestinien, constamment réfugié sur le siècle, s’oriente aussi vers une forme de dissidence. Lors du « Septembre noir » de 1970, les réfugiés palestiniens sont fortement réprimés par Hussein de Jordanie.

Comme le raisonnement panarabe semble erroné, le nassérisme place la modernisation du monde arabe comme priorité des années 1970. En 1970, el-Sadate succède à Nasser. Son objectif est de faire prospérer économiquement l’Égypte. L’aide soviétique, profitable dans les années 1960 pour construire le barrage d’Assouan, ne suffit plus pour son projet modernisateur. Il rompt donc avec les conseillers soviétiques en 1972 et opère une stratégie de rapprochement avec les États-Unis, c’est-à-dire un rapprochement diplomatique avec Israël.

III – Le retrait de l’Égypte à la fin des années 1970 laisse la main à un panarabisme plus radical qui échoue autour du conflit israélo-palestinien

(1) Le retour du nationalisme islamiste au début des années 1980 balaye définitivement le panarabisme nassérien

Le nassérisme est en butte avec la division traditionnelle des États arabes choisissant une organisation sociopolitique laïque ou confessionnelle. Il se tourne spontanément vers les valeurs traditionnelles de l’Islam pour supporter son projet socialiste. Cependant, Nasser est opposé à l’obscurantisme du fondamentalisme. Cela s’observe notamment dans son combat contre les Frères musulmans qu’il dissout en 1954. Nasser considérait davantage l’Islam comme un élément identitaire indispensable au projet panarabe.

La politique de Anouar-al-Sadate dans les années 1980 révèle ses intentions dans le projet panarabe. L’assaut égypto-syrien contre Israël est l’occasion pour l’union panarabe de récupérer le Sinaï occupé depuis 1967 et le Golan. Cela permet aussi à Sadate de projeter légitimement la signature d’un accord de paix avec Israël. En 1977, Sadate voyage à Jérusalem pour manifester sa bonne volonté. Au sein de la Ligue arabe se forme le « front du refus », qui exclut l’Égypte de l’organisation. 

Sadate affronte alors les anciennes oppositions radicales qui viennent remplacer le panarabisme nassérien en 1981. Sadate signe en 1978 les accords de Camp David avec Begin, sous la médiation de Carter. Ces accords spécifient l’avenir des relations israélo-égyptiennes, en même temps qu’ils préparent un règlement de la question de la bande de Gaza et de la Cisjordanie occupées depuis 1967. Surtout, ils préfiguraient le traité de paix israélo-égyptien de 1979. Enfin, ils marquent l’ultime trahison à la cause panarabe. En 1981, une organisation djihadiste issue des Frères musulmans assassine Sadate au Caire.

(2) Cet islamisme s’unit à peine autour du conflit israélo-palestinien et s’oppose dans les années 1980

Le problème de la succession à l’Égypte se pose en priorité. Après Nasser, la direction du panarabisme devient compliquée, les différents dirigeants du monde arabe ne partageant plus de politique commune. Au Nord, Hussein est prosoviétique, alors que le voisin el-Assad chasse les conseillers soviétiques en 1970. Leur point commun est leur nationalisme très fort, partagé avec le colonel libyen Kadhafi. Ce nationalisme, mêlé de républicanisme, provoque le dégoût des monarchies du Sud. L’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis conservent en effet un héritage tribal et féodal. Enfin, l’équilibre du mouvement est compliqué par l’arrivée des pays du Maghreb français dans la Ligue arabe. Ils affirment, en effet, leur conception intransigeante du panarabisme lors du « front du refus » de 1977.

Alors que le problème israélo-palestinien ne semble plus suffisant pour fédérer les peuples arabes, à partir des années 1980, Menahem Begin mène une politique dure contre le monde arabe. Fort de la paix égyptienne, il nie la cause palestinienne. En 1980, il fait de Jérusalem la capitale du pays et annexe le Golan syrien en 1981. Produit de l’immobilisme arabe et du radicalisme israélien, le terrorisme devient un instrument politique de lutte pour la cause palestinienne. En 1972, le commando palestinien « Septembre noir » massacre l’équipe israélienne des Jeux olympiques de Munich. En 1987, une guérilla palestinienne éclate dans les territoires occupés par Israël, l’Intifada. 

Au contraire, de nouvelles rivalités religieuses accentuent leur repli à l’échelle nationale. Une division religieuse s’installe dans ce contexte de recrudescence islamiste. Un conflit entre chiites et sunnites éclate pendant la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988. Elle suit la révolution iranienne de l’Ayatollah Khomeini en 1979, qui effraie l’Irak laïque. L’un des enjeux est aussi le contrôle du détroit d’Ormuz par où transite le pétrole mondial.

(3) C’est la radicalisation progressive des acteurs du panarabisme qui l’achève entre 1980 et 1990

Avec le retour des tensions religieuses, les incohérences nationales éclatent, illustrées au Liban. En effet, le Liban présente de nombreuses incohérences ethnonationales. Les tensions entre chrétiens maronites rassemblés dans la Phalange de la famille Gemayel et musulmans druzes gagnent en intensité avec la question des Palestiniens réfugiés après le Septembre noir. Ainsi, la guerre civile éclate au Liban en 1975. À travers l’opération « Paix en Galilée » de 1982, Israël espère régler son compte à l’OLP. À cette occasion, l’armée israélienne, aux camps de réfugiés de Sabra et Chatila, autorise les Phalanges à massacrer les Palestiniens désarmés, en représailles de l’assassinat de Bachir Gemayel. 

L’envenimement du conflit israélo-palestinien explique en partie cette radicalisation des acteurs. L’arrivée de l’OLP au Liban, après le Septembre noir notamment, rompt l’équilibre confessionnel libanais. Au moment de la guerre du Viêt Nam, Arafat saisit qu’une guerre asymétrique de terrorisme lui attacherait le soutien de l’opinion internationale. Il se livre alors à une guerre de guérilla, jouant sur l’image résistante emblématique du fedayin contre la puissante armée israélienne.

Face à cette situation instable, le départ des puissances laisse le champ libre aux rivalités régionales. Dans le marasme de la guerre civile, le pouvoir libanais demande l’intervention d’une force multinationale d’interposition. Les grands se détachent en fait depuis les années 1970 des enjeux de la région pour mener une action politique à distance. Aussi, à la fin des années 1980, la région est en proie aux rivalités régionales. En effet, en 1989, Assad fait bombarder Beyrouth-Est et signe les accords du Taëf avec les autres pays arabes reconnaissant son « rôle prépondérant au Liban ». Le Liban n’a donc d’autre choix que de signer en 1991 un traité syro-libanais légalisant la présence syrienne.

Nous espérons que cet article t’aura permis de voir un peu plus clair dans ces événements historiques marquants. Bon courage pour tes révisions !