Barack Obama aura-t-il fait mieux que ses prédécesseurs ? Cette question vaut la peine d’être posée, alors que l’élection du premier président noir américain avait suscité beaucoup d’espoir en 2008. Qu’en est-il de l’économie, du social, de l’environnement, et des promesses de ce président si charismatique dont les deux mandats restent en demi-teinte ? Après tout, les taux de croissance de l’économie américaine ont été meilleurs avec les prédécesseurs, et inégalités et tensions raciales restent très importantes. Fraichement élu en 2008, il jouissait d’une majorité aux deux Chambres ce qui lui garantissait un boulevard pour ses réformes, boulevard dont il n’a pas tiré parti, obnubilé par le souci du compromis avec les Républicains. Faut-il pour autant oublier que Barack Obama a hérité de la crise de 2008 et qu’il s’est heurté au conservatisme de plus en plus prononcé de ses opposants républicains ?

                  Cet article n’est pas exhaustif et ne cherche pas à détailler minutieusement et dans les moindres détails tous les enjeux internes des deux mandats. Titres et sous-titres sont là pour vous aider à sélectionner les thèmes qui vous intéressent, et vous trouverez pour chacun d’entre eux un résumé de la situation, des réformes et initiatives prises, ainsi que leurs résultats et limites.

Pour ce qui du bilan diplomatique de Mr Obama, c’est par ici.

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Économie et Finance: Un Roosevelt à ses heures perdues

-Une gestion difficile du budget pour relancer l’économie

                  Les premières années Obama sont marquées par des déficits budgétaires record. Pressé par la situation financière épouvantable de certaines banques et les conséquences sur la population, l’État américain s’endette énormément. Le déficit moyen sous George W. Bush était de 300 milliards de dollars, contre 1 400 milliards pour B. Obama en 2009. Cependant, la réduction de dépenses d’armement inutiles et la fin progressive des dépenses associées à la guerre en Irak permettront de réduire ce déficit.

                  Ce soutien de la demande (allègements fiscaux sauf pour les revenus élevés, financement d’infrastructures publiques à des projets utilisant du matériel américain, …) commence à porter ses fruits dès 2013, soit presque 6 ans après les premières mesures. La croissance du PIB, en variation sur 12 mois, passe de -3% en 2009 à + 2,5% en 2013. Si cela reste bien moindre que les années Clinton, qui culminent à presque +5%, il ne faut pas oublier que le contexte économique est radicalement différent, et que Clinton a surtout accompagné le mouvement de croissance des années 1990 alors qu’Obama a piloté. Cette croissance semble donner raison à Barack Obama qui avait annoncé que ce plan serait « le début de la fin » de la profonde crise économique.

                  Mais les deux partis qui se partagent les deux Chambres refusent de s’entendre sur la gestion du budget. Tous deux reconnaissent la nécessité d’une dépense des baisses publiques, mais les Démocrates veulent compenser cette baisse en s’attaquent aux privilèges fiscaux extrêmement importants ainsi qu’à une hausse du taux d’imposition des plus hauts revenus. Les Républicains s’y opposent catégoriquement, et en réponse, les Démocrates refusent de s’attaquer aux dépenses publiques.

-Une gestion efficace de l’emploi

                  La politique d’Obama a été bénéfique pour l’emploi aux Etats-Unis. En témoigne le graphe suivant, les politiques économiques ont permis de faire baisser le chômage de 10% à 5%, soit juste au-dessus du taux de chômage incompressible qui est de 4%.

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                  Cette baisse fait partie des succès de Barack Obama qui restera dans les mémoires comme un président ayant fait énormément pour l’emploi dans son pays. « Mettre l’Amérique au travail », tel était son slogan en 2009, et il se retrouve auréolé d’une bonne réputation concernant ce sujet.

                  Nuançons cependant, car des réserves ont été émises concernant la véracité des statistiques ainsi que la dynamique d’embauche. Premièrement, certains dénoncent ces calculs du fait qu’ils ne prennent pas en compte les emplois créés par les interventions étatiques. Entre autre, cette dynamique serait artificielle. Deuxièmement, les méthodes de calcul sont aussi controversées : les chômeurs de long terme, avec ceux qui n ‘effectuent pas une mis à jour de leur statut et les emplois précaires (travailler deux heures par mois vous suppriment de ces listes) ne sont comptabilisés dans ce calcul. Tout dépend donc de la définition que l’on donne à « chômage » et en comptant ces trois dernières catégories, le taux atteindrait 22% de la population active.

-Une régulation financière accrue

                  Dans la même philosophie que Franklin D. Roosevelt, Barack Obama a repensé, avec l’aide de son administration, la place de l’industrie financière aux Etats-Unis. En 2009 est votée le « Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act », une loi visant à « promouvoir la stabilité financière des États-Unis en améliorant la responsabilisation et la transparence dans le système financier ». Plusieurs volets sont concernés, et parmi les principaux on comptera le renforcement des pouvoirs de la Securities and Exchange Commission et des contraintes autour des agences de notation, et la limitation d’investissements spécifiques risqués. Cette mise sous tutelle du système financier est bien reçue de l’opinion publique qui prend conscience après coup du poids accumulé par ce monde financier sous les années Clinton et Bush (le fameux « too big too fail » qui garantit aux très grosses banques un sauvetage assuré en cas de difficultés).

crash

                  Mais s’est aussi posé le problème du futur des banques et institutions en difficulté suite à la crise financière. Le fond et la forme du plan de sauvetage, connu sous le nom de « plan Paulson », ont été mal gérés par l’administration qui a louvoyé entre racheter des actifs toxiques ou prendre des participations au capital de ces banques, et qui s’est mise à dos une petite partie de l’opinion publique. Ce renflouement, même s’il était susceptible de garantir une meilleure stabilité financière, a été mal perçu par quelques uns qui l’ont vécu comme une collectivisation des pertes de banques pourtant seules responsables. L’image du président « de gauche » a été en partie écornée par cette stratégie, aussi nécessaire fut-elle. On notera enfin qu’il y eut des usages abusifs de ces fonds publics à l’image du scandale de l’American International Group, qui aurait versé des primes à ses dirigeants avec cet argent public.

                  Dans l’ensemble, ce plan même controversé a permis une lente reprise de l’activité financière et sauvé de nombreuses sociétés de la faillite.

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Protecteur des grands espaces et de l’environnement.

-Grands espaces

                  Le président américain a faite de la protection des grands espaces un pilier de son mandat. En 2015, les parcs nationaux américains ont accueilli près de 307 millions de visiteurs, et cette omniprésence touristique menace de plus en plus ces symboles des US, dont le plus fameux est celui de la Wilderness. Le président s’est engagé à protéger 100 millions d’hectares de ces grands espaces, soit plus qu’aucun de ses prédécesseurs. Il a pu s’appuyer sur l’Antiquities Act, signé en 1906 par Théodore Roosevelt, et qui visait à protéger les lieux et espèces menacés. Il permet d’agir rapidement pour préserver de ces menaces et n’a pas été utilisé par G.W.Bush, Ronald Reagan et Richard Nixon seulement.

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-Environnement et réchauffement climatique

                  Dans cette même logique de défense de l’environnement se retrouve la lutte contre le réchauffement climatique, que Barack Obama, à la tête du plus gros pays émetteur de gaz à effet de serre avec la Chine, veut incarner depuis 2008. Au premier plan de celle-ci se situe la réduction drastique des émissions de gaz. « Les centrales électriques sont la principale source de pollution par le carbone nocif qui contribue au changement climatique » a annoncé le président américain qui ambitionne de limiter la production de CO2 en provenance des centrales thermiques à 32% en 2030 (base 2005). C’est l’America’s Power Plan, encore larvé.

                  Il a aussi essayé de mettre en place une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre, qui aurait été payable à partir de 2012, et aurait généré d’ici à 2019 646 milliards de dollars de recettes fiscales. Faute de majorité au Sénat réticent à cette taxe – car soucieux de préserver l’industrie américaine -, cette taxe n’est pas appliquée. Les détracteurs de Barack Obama l’accusent de sacrifier la prospérité du pays sur l’autel de l’écologie, ce qui sera encore un dilemme à résoudre pour les prochains présidents.

                  Signe que le président entend réellement mener bataille contre le réchauffement climatique, des propositions ont été faites pour que chaque État ait des objectifs à réaliser et des sanctions s’ils échouent, ou pour que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique américain passe de 12,5% aujourd’hui à 28% en 2030.

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Des avancées sociales considérables

-Obamacare

                   Le Patient Protection and Affordable Care Act est une réforme du système de santé traditionnel américain qui comprenait le Medicaid (pour les personnes pauvres), le Medicare (pour les personnes âgées) et les assurances privées. Le prix de ces dernières ainsi que les critères pour accéder aux deux premiers organismes laissaient près de 55 millions d’Américains sans aucune couverture santé, parmi lesquels beaucoup de décès à cause d’une insuffisance de protection. La réforme est financée par la baisse des dépenses de soins et la hausse du taux d’imposition pour les revenus de plus de 250 000 dollars par mois, de 35% à 39,6%.

obamacare

Le projet, définitivement promulgué en 2010, a été difficilement approuvé par les deux Chambre du fait de la résistance des conservateurs. La bataille a surtout été juridique, car nombreux ont été les recours visant à défaire la loi pour cause d’anti-constitutionalité. Aujourd’hui encore, de nombreux États conservateurs freinent la mise en place de ce service, et des concessions ont été faites aux Républicains concernant la gestion des fonds publics (parmi les plus connues, le sénateur conservateur du Nébraska Ben Nelson a obtenu du Président Obama que les fonds publics ne soient pas destinés à l’avortement…).

La proportion de non-assurés –qui sont pour la plupart obligés de s’assurer- est passée de 20% à 13% de la population. Si cela reste en-dessous des objectifs primaires, la victoire est politique pour Barack Obama qui réalise une promesse électorale et introduit un système d’aide universelle dans un pays marqué par l’individualisme et le « struggle for life ».

-Homosexualité

                  Les deux mandats de Barack Obama sont marqués par un esprit d’ouverture et de tolérance vis-à-vis des minorités sexuelles. Le plus grand geste du président restera indéniablement la légalisation du mariage homosexuel, officiellement promulguée par la Cour Suprême en juin 2015. Le nombre d’États autorisant une telle union passera de 3 en 2007 à 30, ce qui constitue une avancée progressiste et libérale considérable (avec aussi la légalisation du cannabis). La promesse du candidat Obama de 2012 devient ainsi une réalité, ce qui permet aux Etats-Unis de rejoindre l’avant-garde des États les plus tolérants envers l’homosexualité.

                  Une autre action symbolique est l’abrogation de la norme discriminatoire « Don’t ask Don’t tell » contre les homosexuels et bisexuels dans les forces armées américaines, abrogation promise par Barack Obama lors de la campagne 2008. Cette norme était hautement politique du fait de l’existence de divers scandales au sein de l’armée, concernant le traitement réservé à ces personnes contraintes de facto de cacher leurs orientations.

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Des promesses inabouties et des polémiques

-Un contrôle des ventes d’armes encore incomplet

                  Les tueries d’Aurora (12 morts), de Columbine (12 morts), de Sandy Hook (26 personnes) et de Virginia Tech (32 morts) ont profondément choqué l’opinion publique qui a réalisé l’ampleur de la facilité d’accès à des armes de guerre sur le sol américain. L’offensive ambitieuse de Barack Obama, soucieux de réaliser une de ses promesses de campagne, contre ce laxisme s’est heurté à la réticence d’un Congrès républicain obnubilé par le 2nd Amendment, qui revendique la liberté de port d’armes. Les décrets présidentiels qui visent à contrôler les antécédents des acheteurs ne suffiront pas pour boucher tous les « legal loophole » (« vide juridique ») autour de la vente d’armes (foires, Internet,…).

                  Mais il semble que le débat ait été un dialogue de sourds entre les deux camps : les Républicains ont voulu décrédibiliser Barack Obama en l’accusant de vouloir bannir à jamais les armes à feu qui sont le symbole phare de l’Amérique conservatrice des 3G (Gun, Gay, God). En réalité, le projet de loi proposé par le président visait à renforcer les contrôles autour de la vente d’armes plutôt que d’interdire cette dernière définitivement. Notons enfin que plus de trois Américains sur quatre sont en faveur d’un encadrement des ventes, mais cette proportion n’a pas été respectée lors du vote au Congrès qui a voté l’abandon à la majorité. La faute sûrement au tout puissant lobby de la National Rifle Association…

-Tensions raciales

                  L’élection d’un président noir en 2008 avait suscité beaucoup d’espoir dans un pays où la ségrégation était encore une banalité quatre décennies auparavant. Beaucoup d’optimistes annonçaient déjà l’avènement d’une Amérique multiculturelle et tolérante, soulagée de son lourd héritage de conflits raciaux, à la manière d’une France black-blanc-beur. Force est de constater que les animosités persistent et qu’un sentiment de discrimination volontaire persiste, notamment au sein de la communauté noire. Les bavures policières ont été très nombreuses envers cette dernière, dont la plus célèbre reste l’homicide de l’adolescent noir Michael Brown à Ferguson. Les investigations suivant cet événement ont mis à jour un système élaboré d’extorsion mis en place par les dirigeants blancs de la ville de Ferguson envers sa population noir (amendes,…). Les violentes émeutes qui suivirent ont été retransmises dans de nombreux pays, alimentant le spectre d’une Amérique inapaisable.

ferguson

                  Barack Obama a essayé de prendre le problème à bras le corps, en s’attaquant par exemple au système judiciaire qui emprisonne les Noirs plus que n’importe quelle autre minorité, avec des nominations symboliques ou encore en faisant grandement bénéficier la population noire de l’Obamacare. Cependant, sa capacité d’action reste assez limitée, car il n’a pas de pouvoirs sur les actions des policiers, et car, pour reprendre sa juste formule : « des siècles de discrimination raciale […] ne se sont pas volatilisés par magie avec la fin de la ségrégation légale ».

-Obama, prisonnier de Guantanamo

                  Parmi les promesses non tenues, l’on comptera celle de la fermeture de Guantanamo, ce pénitencier militaire à l’Est de Cuba, qui enferme des détenus qui ne seront pas soumis au système judiciaire fédéral américain. Si le président s’est rapidement attaqué au sujet à son arrivée à la Maison Blanche, il s’est heurté à la réticence (encore une fois) des conservateurs ainsi qu’au casse-tête du transfert des détenus. Il lui a donc fallu négocier au maximum avec des autorités étrangères pour transférer les détenus, qui sont passés de 242 à son arrivée à 50 aujourd’hui.

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                  En conclusion, les deux mandats de Barack Obama sont en demi-teinte. Si la gestion de l’économie reste un succès et que beaucoup de grandes réformes ont été passées, des espoirs restent déçus et des promesses non tenues. À cette liste non exhaustive des grands enjeux internes de la présidence Obama, il faudrait ajouter d’autres polémiques plus internationales comme la surveillance généralisée et Edward Snowden, ou la gestion des énergies.