Avec la mondialisation, les frontières se sont multipliées, comme le montre Michel Foucher, spécialiste de cette thématique, dans L’Obsession des Frontières, 28 000 kilomètres de frontières ont été créés depuis 1991. 

Cela pourrait sembler paradoxal avec la globalisation du monde, mais comme l’a remarqué Régis Debray lors de la  conférence sur l’«éloge des frontières» au Japon, le monde, en même temps, se « provincialise » : de nouveaux pays se créent.

Sans doute y aura-t-il encore de nouveaux pays. En effet, il reste par exemple 62 000 kilomètres de frontières non-définies en Afrique et les trois quarts des frontières en Asie ne sont pas officielles. 

Définitions

La frontière est une réalité historiquement définie avant–même qu’on ne puisse la définir : « la frontière a précédé l’Etat qui a précédé la nation » (R. Pourtier).  Les représentations cartographiques sont de ce point de vue parfois trompeuses. Il existe des frontières géographiques, juridiques, économiques. Mais l’invention de la frontière telle qu’on la connaît actuellement est liée à l’émergence de ce que l’on appelle l’Etat- Nation. De facto la notion en lien avec les frontières la plus importante n’est pas celle géographique mais celle de droit et souveraineté.

Etymologiquement, la frontière est ce qui fait front (ce terme prend tout son sens au XIXe avec la théorie de Frédéric Jackson Turner sur la Frontier).  Aujourd’hui on définira donc la frontière comme une réalité juridique et le symbole de passage d’un régime juridique à un autre.

La frontière a deux caractéristiques fondamentales. Elle sépare et elle est un espace de contact autour duquel s’organise une zone d’échange. Les géographes parlent ainsi d’interface entre deux espaces.

Un peu d’Histoire 

Période de l’Histoire Etat des frontières
Période pré-révolution Premiers tracés
Début de l‘homogénéisation des frontières
Guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1945) Accentuation des tensions autour des frontières et création de nouveaux découpages (en particulier en Europe)
Colonisation Les frontières sont re-dessinées, notamment celles du continent africain lors de la conférence de Berlin (1881). L’unique frontière qui ne soit pas coloniale en Afrique est celle du Sud-Soudan (2011).
Guerre froide Cela marque paradoxalement le début d’une période de stabilisation des frontières jusqu’ici assez mobiles. On notera que les frontières sont redéfinies et de plus en plus poreuses (intra-blocs) !
Fin de la guerre froide Eclatement de la Yougoslavie, chute de l’URSS 1991 : la fin de la guerre froide annonce la multiplication des frontières. Depuis 1945 le nombre d’Etats à l’ONU a quadruplé, ce qui n’est pas sans conséquence sur les frontières. On assiste ainsi à ce qu’on pourrait qualifier de « retour des frontières » jusque dans les années 2000.
Fin des années 1990 et début des années 2000 Apparition d’un nouveau type de frontière avec la notion de cyberespace. On pourra penser à ce que la Chine désigne comme « bouclier d’or » (en Chine, on peut faire des recherches sur le net grâce au moteur de recherche Baidu , sorte de Wikipédia autonome, qui bloque la recherche de certains mots). Les années 2000 sont marquées par la lutte contre le franchissement des frontières.
Monde actuel Les frontières du monde actuel sont relativement stables même si certaines zones de contestation continuent d’exister : Malouines, région du Cachemire, Israël…

Quelques exemples à utiliser en dissert’…

L’Europe, emblème des problématiques liées aux frontières

L’Europe est un ensemble aux frontières floues et multiples. Paradoxalement, la construction de l’Union Européenne a effacé des frontières au sein du continent (notamment avec la mise en place de l’espace Schengen auquel participent certains pays de l’Union et hors de l’Union), et ce faisant en a créé de nouvelles (espace Schengen, zone euro…) de natures variées (économiques, juridiques..).

On remarquera que l’un des critères de demande d’adhésion à l’U.E. est l’appartenance à l’Europe. Toutefois, la demande de la Turquie (intéressée par le projet depuis ses débuts, dans les années 1960) a révélé que les frontières de l’Europe ne sont pas définies. La Turquie appartient-elle à l’Europe ? On ne sait y répondre depuis plus d’un demi-siècle. Faut-il, pour définir les frontières de l’Europe tenir compte de la géographie (l’Oural par exemple constitue une frontière naturelle), de la culture (dans ce cas la Turquie est plus éloignée) ? La question demeure ouverte. Les frontières ne sont donc pas aussi évidentes que nous le pensons.

L’Europe est également la preuve que les frontières, dans la mesure où elles sont floues et parfois « arbitraires », sont labiles. En témoigne la modulation des frontières en Europe à mesure des guerres (Alsace-Lorraine, Pologne, Yougoslavie…).  En 1984 l’U.E. a ainsi perdu 50% de sa superficie lors de l’indépendance du Groenland !

Jacques Lévy résume cette situation européenne à merveille lorsqu’il explique à propos de l’U.E. que « son noyau est relativement facile à identifier, mais ses marges sont plus délicates à situer ».

Les murs dans le monde

Actuellement, on compte 65 murs dans le monde et une quarantaine en construction. Au total, la longueur de ces murs mis bout à bout est égale à la circonférence du globe (environ 40 000 kilomètres de long) !  La plupart des murs actuellement construits le sont dans une logique de lutte contre les migrations clandestines. Les principaux murs de sécurité sont situés entre la Lybie et la Tunisie, entre l’Ukraine et la Russie, et entre le Kenya et la Somalie (pour contenir l’instabilité en Somalie).

Le Brésil projette de construire des murs tout le long de ses frontières, même avec la Guyane Française, mais étonnamment il n’y a aucun mur récent autour de la Chine qui a inventé le mur le plus long et le plus efficace de l’humanité !

On notera que tous les murs sont construits sur une double logique : celle du contrôle militaire et de l’immigration (en témoigne le retour des frontières au sein même de l’espace Schengen en 2015  suite à la « crise des migrants » européenne),  mais que les murs migratoires fonctionnent mal. En effet, un mur a pour effet d’induire une logique de transgression et les mafias, par exemple, prospèrent justement sur la valorisation économique de la transgression. Cette logique a pour effet secondaire de fragiliser les économies frontalières.

La notion de smart border

C’est un programme qui a été lancé par le Président George W. Bush. Il s’agissait de mettre en place une « frontière intelligente » reposant sur l’électronique et capable de faire le tri. Elle repose sur la mise en place de :

  • • la linea : 3000 kilomètres de panneaux d’acier, caméras, rayons  X et drones entre les Etats-Unis et le Mexique
  • • le programme US-VISIT : insertion de puces dans le visa des touristes et immigrants

Dans la poursuite de cette logique, le Président Obama a renforcé le contrôle de cette zone, et Donald Trump souhaite construire un nouveau mur physique !

Les gated communities, des frontières sociales

Les gated communities englobent un autre type de frontière.  Il s’agit de résidences fermées et réservées à une certaine élite sociale et leur taille varie. Ainsi Canyon Lake (banlieue de Los Angeles) regroupe 9000 habitants, tandis que Leisure World en regroupe 19000 (avec une moyenne d’âge de 77 ans).  Les critères d’entrée ne sont pas simplement financiers. Par exemple, pour intégrer la copropriété de Suncity, il faut avoir plus de 50 ans ! Contrairement aux idées reçues, ce type d’enclave n’est pas nouveau. Il est lié à un autre phénomène, à savoir l’autonomisation des classes moyennes. En France, en 1932 se développe un ensemble de ce type à Saint-Cloud : le Parc de Montretout. Le plus ancien se trouve aux Etats-Unis et date de 1854, il s’agit du Llewellyn Park !  Ces gated communities se développent au rythme du sentiment d’insécurité. Elles ont connu un essor d’abord dans les années 1960 aux Etats-Unis, puis dans les années 1990 en Europe. En Afrique du Sud on les nomme des Street closures, et en Amérique latine, des barrios cerrados où elles sont dotées de milices privées !

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