chronologie Brexit

Ça y est, c’est fait, après plus de quatre ans de négociations et de rebondissements, l’UE et le Royaume-Uni ont enfin trouvé un accord de divorce après une histoire d’amour compliquée, remontant à 1973 et l’entrée du UK dans le marché commun. Retour sur la fin de ce feuilleton et analyse.

Les éléments clés de l’histoire du Brexit

Avant de décortiquer l’accord de sortie de l’UE signé le 24 décembre dernier, effectuons rapidement une petite revue de l’histoire du Brexit, afin de mieux comprendre comment on en est arrivés là.

Épisode 1 : tout part d’une promesse faite à la légère

En janvier 2013, le Premier ministre conservateur David Cameron, inquiet de la montée du parti d’extrême droite eurosceptique Ukip (qui vient en fait menacer ses chances de réélection), promet, en cas de victoire, un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.

Quand s’ouvre la campagne du référendum, en avril 2016, seul le Ukip, mené par le tonitruant Nigel Farage, est pour le Leave. Mais l’aversion d’une partie de la population britannique pour l’Europe (en réalité surtout pour des questions de souveraineté ou de contrôle de l’immigration) fait que les cartes se brouillent. Par exemple, ni pour ni contre le Brexit, le leader de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, ajoute à la confusion.

Un certain Boris Johnson, ancien maire de Londres, prend alors les devants et éclipse Nigel Farage, et mène la campagne pro-Brexit. Il s’allie avec le stratège Dominic Cummings, qui lance une propagande parfois mensongère sur les réseaux sociaux. Tout est bon pour se défaire du « diktat » de Bruxelles, en oubliant parfois les conséquences économiques.

Épisode 2 : Theresa May ou la Prime Minister sacrifiée

Le 24 juin 2016, les résultats tombent : 51,9 % des Britanniques ont voté pour sortir de l’UE. Personne au fond n’y croyait et l’inquiétude monte à Londres, en Écosse et en Irlande du Nord, des zones qui ont voté massivement pour le Remain. Dépassé, David Cameron démissionne et Theresa May devient la nouvelle Prime Minister. Face au coriace négociateur de l’UE, le Français Michel Barnier, May s’avance, sûre d’elle, et prône une sortie du marché unique, la fin de la libre circulation, etc. Elle déchante vite. Les Vingt-Sept exigent des concessions et surtout des garanties sur le sort des Européens installés au Royaume-Uni, mais surtout sur la question de la frontière irlandaise.

En 2018, alors fragilisée par les mauvais résultats aux élections législatives de l’année précédente, May croit avoir enfin trouvé un plan pour sortir de l’UE… qui fait pschitt à Londres. Le Parlement le rejette à trois reprises. Enlisé, le Brexit, prévu pour mars 2019, est reporté une première fois, puis une deuxième… forçant les Britanniques à participer aux élections européennes de mai 2019. On nage en plein délire. Theresa May, découragée, se retire.

Épisode 3 : BoJo, plus efficace qu’on ne le croit ?

Son successeur, Boris Johnson, reprend la main dans un tout autre style et soutient mordicus que son pays quittera l’UE le 31 octobre 2019, avec ou sans accord. Date rejetée par le Parlement, qui, d’abord suspendu puis sauvé par la Cour suprême, impose le retour des négociations. Un peu lassés par toutes ces histoires, les Britanniques finissent par accorder à « BoJo » une majorité confortable aux législatives de décembre 2019.

Le Brexit est officiellement proclamé le 31 janvier 2020, avec une période de transition allant jusqu’au 31 décembre 2020. Durant onze mois, Boris Johnson menace de rompre les négociations, disant préférer un no deal à un mauvais deal … Mais il se heurte aux Européens qui refusent de laisser Londres instaurer une concurrence déloyale ou refouler les pêcheurs européens. La veille de Noël, le Premier ministre britannique et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, annoncent finalement un accord. Inespéré.

Boris Johnson : l’homme de la situation ?

L’actuel Premier ministre peut désormais se targuer d’une victoire politique indéniable. Il aura été celui qui a réussi à mener le Brexit à son dénouement, et avec une fin plutôt heureuse. L’histoire retiendra qu’il est resté fidèle à sa méthode de la confrontation, consistant à porter les choses jusqu’au point de rupture, puis à lâcher un peu de lest pour finir de convaincre.

Mais réaliser le Brexit n’est pas tout, il faut le transformer en succès. Déjà, on annonce des pertes de PIB, certes moins importantes qu’avec un no deal, à l’heure de la crise sanitaire, dévastatrice pour l’économie britannique. Et concernant le plan du Premier ministre, qui consiste à signer des accords commerciaux avec les pays partenaires historiques (et surtout ceux du Commonwealth), appelé Global Britain, tout reste encore à faire. La tâche s’annonce ardue, comme le montre l’échec d’un potentiel accord commercial avec l’Amérique de Donald Trump, pourtant plus proche politiquement de Boris Johnson que de Joe Biden.

Il va aussi devoir faire face à la menace de l’indépendance écossaise. La Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a déclaré estimer qu’il était temps de devenir une « nation européenne indépendante », alors que l’Écosse a voté à 62 % contre la sortie de l’UE et « qu’aucun accord ne pourra jamais compenser ce que le Brexit nous enlève ». Selon les sondages, une majorité d’Écossais serait désormais en faveur de l’indépendance et le parti indépendantiste SNP est donné largement favori des élections. Toutefois, Londres continue à refuser catégoriquement un tel scrutin.

Les changements inscrits dans l’accord

Concernant le commerce : zéro quota, zéro tarif

Le privilège accordé de l’accès au marché unique est important : il concerne tous les produits britanniques sans droits de douane ni quotas. Bonne nouvelle donc pour les exportations britanniques, tournées à 46 % vers l’Europe. On remarque toutefois le retour des douanes, avec la charge administrative supplémentaire que cela implique.

Quelle politique de la concurrence ?

Concernant la concurrence équitable (l’un des points chauds de la négociation), pour éviter tout dumping fiscal et social (une des lignes rouges des Européens), Londres et Bruxelles se sont mises d’accord : si les divergences de normes (en matière d’environnement, droit du travail, fiscalité) devenaient trop importantes d’un côté, l’autre pourrait choisir d’imposer des droits de douane en mesure de rétorsion.

Quid de la pêche ?

C’était le point qui a failli mener l’accord vers un échec, alors que les Britanniques voulaient reprendre le contrôle de leurs eaux territoriales jusque-là en libre accès pour les pêcheurs européens (et en réalité surtout français). Au final, il a été conclu que les pêcheurs européens diminueront progressivement leurs prises en eaux britanniques jusqu’à les réduire, d’ici à juin 2026, de 25 %.

Et la City, grande perdante ?

En effet, ni la finance ni aucun service ne font partie de l’accord. La City, premier centre financier d’Europe, ne pourra donc plus vendre ses produits financiers dans l’UE. La Commission européenne décidera unilatéralement d’attribuer des décisions d’équivalence, à condition que Londres maintienne une réglementation financière équivalente. Cela force donc les grandes banques, ou fonds d’investissement basés à Londres, à ouvrir des filiales à Paris, Dublin, Francfort ou Luxembourg.

Quid de la circulation des personnes ?

La libre circulation des Européens au Royaume-Uni (et réciproquement) est désormais terminée. Les Européens devront présenter leur passeport lors des contrôles de douane, et pour tout séjour de plus de trois mois, il faudra faire une demande de visa.

Comment donc immigrer au UK quand on est Européen désormais ? À partir de janvier 2021, il faudra affronter une politique d’immigration plus stricte avec un nouveau système à points à l’Australienne, dans lequel, l’âge, la maîtrise de l’anglais, le niveau d’études ou la possession d’une offre d’emploi seront déterminants pour obtenir un visa.

Autres points

Pour les étudiants, la 3e destination la plus prisée par les Européens est rayée de la liste Erasmus, puisque le UK sort alors de ce système d’échange.

Enfin, concernant la coordination sur la sécurité, l’accord prévoit seulement un échange des informations classifiées et la coopération dans la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité transfrontalière.

What’s next?

Le Parlement britannique a définitivement validé mercredi l’accord de Brexit, qui devra ensuite être ratifié par le Parlement européen, probablement en mars. Les chefs de l’UE – Ursula von der Leyen pour la Commission et Charles Michel pour le Conseil européen –, puis le Premier ministre britannique l’ont officiellement signé dans la foulée. Enfin, notons que malgré le délai de l’étude par le Parlement européen, les dirigeants européens ont accepté qu’il soit mis en application dès le 1er janvier.