Le 8 mai, on fêtera les 75 ans de l’armistice de la Seconde Guerre mondiale. Cette date marque la capitulation de l’Allemagne, ainsi que la défaite de l’idéologie nazie face à la démocratie occidentale. Cela fait déjà 75 ans, mais les Allemands continuent à en payer le prix, alors que la plupart n’ont pas connu la guerre. Aujourd’hui, Major-Prépa se demande donc si les Allemands doivent encore continuer cette culture de la rédemption, cette diplomatie de l’excuse.

Mise en contexte

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne connaît un lourd bilan. On compte plus de sept millions de morts et des villes telles que Dresde sont entièrement rasées… Affaiblie et humiliée, elle est disloquée en quatre territoires, selon la décision prise à Yalta, entre l’URSS, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Elle sera encore plus humiliée lors des procès de Nuremberg, où la plupart des décisionnaires nazis sont condamnés. Ces procès permettent également de mettre en lumière toute l’atrocité des crimes nazis commis pendant la guerre, qui n’étaient pas tous connus de la population allemande.

Après la 1re crise de Berlin, la RDA et la RFA sont créées et l’Allemagne deviendra alors le miroir des relations entre États-Unis et URSS durant la Guerre froide. Elle constituera bien souvent un point de cristallisation des tensions.

Construction européenne et reconstruction allemande

« À travers l’Europe, la France vise la réincarnation, l’Allemagne la rédemption », résume Zbigniew Brzezinski. Le projet européen représente effectivement, pour les Allemands, une formidable opportunité de se donner une deuxième chance en se construisant une nouvelle identité. Mais refaçonner l’identité d’une nation n’est pas chose facile. Le rejet du passé allemand d’abord par le silence, puis par la révolte des années 60 le montre bien. Ainsi, les Allemands se livrent à un véritable « travail de la mémoire ». De plus, ils refusent désormais tout ce qui a pu favoriser l’arrivée au pouvoir du nazisme : antisémitisme, théories raciales, militarisme, autoritarisme et culture nationale. À tout cela, ils substituent l’art contemporain et la société de consommation.

Dès lors, l’Allemagne s’est investie dans la construction européenne, qui fédérait les peuples et qui soutenait l’idéal kantien de paix perpétuelle. Elle se donne donc, à sa façon, bonne conscience et se construit peu à peu un meilleur avenir. Cependant, elle le fait avec beaucoup d’humilité, s’accompagnant d’un fort sentiment d’infériorité et de culpabilité. Cette infériorité se ressent surtout par rapport à la France, comme l’illustre bien Helmut Kohl. Ainsi, il affirme que « devant le drapeau français, il faut toujours s’incliner deux fois. » Toutefois, la construction européenne permet peu à peu à l’Allemagne de reprendre des forces sur le plan monétaire, économique et commercial.

Une culpabilité encore d’actualité

Aujourd’hui, les dirigeants allemands ont la particularité, par rapport à leurs prédécesseurs, de ne pas avoir connu la guerre. Cela explique la volonté de certains de mettre fin à cette politique de la rédemption. Ils refusent ainsi de subir les conséquences des actes qu’ils n’ont ni commis ni connus. Cela se traduit par une prise de confiance, débutée à la fin de la Guerre froide. Elle s’est accentuée depuis quelques années, comme le montre l’influence croissante de l’Allemagne dans la résolution des conflits internationaux. On peut également le voir avec l’envoi, dans le cadre de l’OTAN, de soldats allemands lors du conflit géorgien.

Les Allemands n’oublient pas non plus leur histoire et l’époque nazie. En effet, elle constitue un point important du programme d’histoire dans les écoles.

Cependant, le nationalisme se répand à travers le monde et l’Allemagne n’est pas en reste. Ainsi, l’installation dans le paysage politique allemand de l’extrême droite, incarnée par l’AfD, pourrait constituer une menace pour la démocratie allemande dans les années à venir.

L’anecdote qui mettra des étoiles dans les yeux de ton correcteur : le Miracle de Bern

L’équipe de football de la RFA participe pour la première fois en 1954 à la Coupe du Monde, qui se déroule en Suisse, en tant que véritable nation. Cette année-là, la Hongrie est grande favorite. La RFA parvient à aller jusqu’en finale et affronte la Hongrie. Après un match particulièrement difficile, l’Allemagne l’emporte et la victoire entraîne une liesse populaire considérable en RFA. Ce titre mondial a une symbolique qui dépasse largement le domaine du sport. Il permet ainsi aux Allemands de tourner la page du nazisme. En effet, pour la première fois depuis 1945, les Allemands peuvent ressortir les drapeaux nationaux sans avoir honte ou avoir peur de se faire accuser de nationalisme. Ainsi, le « Miracle de Bern » permet à l’Allemagne d’entamer un nouveau chapitre de son histoire. Cet évènement met donc fin à la crise identitaire profonde qui la touchait depuis 1945.

(N’hésite pas à regarder – en allemand s’il te plaît – l’excellent film « Das Wunder von Bern » de Sönke Wortmann, véritable succès commercial en Allemagne, qui relate bien cet évènement et toute la symbolique derrière.)