En Allemagne, l’immigration est, comme pour la plupart des pays européens, un sujet redondant et clivant. Bien sûr, les minorités ethniques varient selon les pays et selon l’histoire du pays. Mais la particularité de l’Allemagne est que sa mosaïque ethnique se reflète dans son équipe nationale de football. Cette équipe est d’ailleurs surnommée “die Regenbogen Mannschaft“. Zoom sur cet exemple original pour faire la différence à l’oral comme à l’écrit.

Point civi : l’Allemagne et la Multikulti

Depuis les années 1950, l’Allemagne doit faire face à un déclin démographique. C’est un phénomène complètement nouveau pour le pays, qui connaissait une forte croissance de sa population jusqu’alors. L’Allemagne a alors recours à l’immigration de masse, d’origine italienne et polonaise dans un premier temps. Puis, à partir des années 60, l’Allemagne accueille aussi de nombreux migrants venus de Turquie. Ainsi, la minorité turque deviendra la première minorité d’origine étrangère en Allemagne. L’immigration connaît de nouveau une forte augmentation dans les années 2010, notamment en raison de la crise des migrants. On appelle un travailleur immigré en Allemagne un “Gastarbeiter“.

Cette politique de migration de masse a conduit l’établissement de la “Multikulti“. C’est comme le Melting Pot ou le Salad Bowl, mais en Allemagne, et avec des ethnies et des synergies différentes. Mais l’idée reste la même : le multiculturalisme. En théorie, on doit voir apparaître un pluralisme culturel et une collaboration entre les différentes ethnies. Le tout dans le respect des cultures de chacun. Bien sûr, le multilatéralisme est un mythe et ne sera jamais parfaitement achevé. Mais on peut bien affirmer que le gouvernement allemand a à coeur d’intégrer les minorités. 

La Mannschaft, une mosaïque ethnique

Depuis le début des années 2000, on a pu assister à une mutation spectaculaire de la composition de l’équipe allemande. Elle est désormais le reflet de la mosaïque ethnique allemande. Ainsi, ont été sélectionnés de nombreux enfants d’immigrés. Ils sont originaires d’Espagne, d’Italie, d’Europe de l’Est, du Maroc, de Tunisie, mais surtout de Turquie (comme Özil par exemple). La diversité ethnique y est telle qu’on parle désormais de “Regenbogen Mannschaft”. On notera qu’on observe aussi ce phénomène de mixité ethnique dans d’autres pays européens. Par exemple, la France a son équipe “Black-Blanc-Beur”. Ainsi, l’équipe de football allemande est le reflet de l’immigration massive qu’a connu l’Allemagne ces dernières décennies.

L’incarnation de la politique de l’Allemagne

Cette diversification des origines des joueurs résulte de deux raisons : l’évolution des critères de l’obtention de la citoyenneté allemande et le changement de la politique sportive envers les descendants de migrants.

Tout d’abord, l’Allemagne a modifié en profondeur son modèle d’intégration à la citoyenneté. Celui-ci a longtemps été résumé aux seuls droits du sang. Cela restreignait donc l’accès aux équipe nationales sportives aux enfants d’immigrés, malgré leur naissance sur le sol allemand. Ce n’est qu’en 2000 que l’obtention de la citoyenneté est réformée. On a donc introduit le droit du sol et le droit de filiation de couples mixtes. Ainsi, cette réforme a permis de naturaliser de nombreux descendants d’immigrés, tels que Özil, Can ou Boateng.

Par ailleurs, il y a aussi eu une évolution de la politique sportive par rapports aux descendants d’immigrés. En effet, la violente défaite de l’Allemagne à la Coupe du Monde a remis en question le système de recrutement. Ainsi, en renonçant aux descendants d’immigrants, la Mannschaft faisait une croix sur une nouvelle génération de joueurs très talentueux. Depuis, la DFB (Deutscher Fußball-Bund) accorde beaucoup d’importance à la diversité ethnique et à l’intégration culturelle par le biais du football allemand.

Le rejet de cette diversité

Cependant, la diversité ethnique au sein de la Mannschaft est bien loin de faire consensus. En effet, certains remettent en question la citoyenneté allemande des enfants d’immigrés jouant dans la Mannschaft. Ces derniers ne seraient pas loyaux envers l’Allemagne et ne seraient pas de “vrais Allemands”. Cette hantise d’une citoyenneté usurpée revient régulièrement à l’avant de la scène médiatique, par exemple lorsque Özil, Khedira et Podolski n’ont pas chanté l’hymne allemand au début d’un match de l’Euro en 2012. Ces controverses reflètent le manque de compréhension et de tolérance qui existent entre les différentes cultures, et notamment envers les personnes possédant une double nationalité, et donc une double culture.

Ainsi, l’Allemagne, comme plusieurs pays en Europe, voit sa diversité migratoire et ethnique se reflétait dans la constitution de son équipe nationale de football, la célèbre Mannschaft. Si selon Angela Merkel, le Multikulti a échoué, notamment avec l’avènement des partis populistes d’extrême droite à l’Est, cette Regenbogen Mannschaft donne de la visibilité à la mosaïque ethnique qu’est l’Allemagne.