Les deux Guerres Mondiales sont des conflits d’importance majeure dans l’Histoire de l’humanité. Et lors de ces deux conflits, les acteurs et territoires centraux sont la France et l’Allemagne. En 1945, pour éviter un troisième conflit de ce genre, il est absolument nécessaire de créer une relation sereine et pérenne entre les deux Etats. Cela passe d’abord par les relations entre Présidents de la République et Chancelier. En presque 60 ans, celles-ci ont connu des hauts et des bas, des intensifications et des relâchements, des avancées et des moments de stagnation. En voici une synthèse :

 

De Gaulle – Adenauer (1958 – 1963)

Cette période est cruciale pour les relations franco-allemandes et les deux hommes posent la première pierre d’un travail de longue haleine. Leur coopération ouvre le chemin de 60 ans d’amitié. Les deux chefs d’Etat signent ensemble de Traité de l’Elysée le 22 janvier 1963 et officialisent, par ce geste, l’amitié franco-allemande. Ce Traité met en place une coopération dans de nombreux domaines, notamment par la programmation de sommets militaires et intergouvernementaux.

Les signataires refusent cependant que ce Traité soit décidé par les chefs d’Etat et désirent un rapprochement des peuples allemand et français ce qui passe notamment par l’apprentissage des langues & l’harmonisation des diplômes. L’accent est mis sur la jeunesse, et le long terme.

Cependant, les deux hommes ont des projets divergents quant à la construction européenne. De Gaulle est hostile à une Europe atlantiste et refuse la domination des Etats-Unis, alors qu’Adenauer craint la menace soviétique (rappelons que l’Allemagne est alors divisée entre la RFA et la RDA), et refuse de rompre les liens entretenus jusqu’alors avec les Etats-Unis.

Pompidou – Brandt (1969 – 1974)

Dès son arrivée en au pouvoir en 1969 en RFA, Willy Brandt tente de mettre en place un dialogue avec l’URSS, dans le but de réduire les tensions déjà existantes : il met en place l’Ostpolitik

Les circonstances internationales (dévaluation du dollar, crise pétrolière, guerre du Kippour, …) obligent George Pompidou à afficher une certaine solidarité vis-à-vis de Brandt et soutient officiellement sa politique. Pourtant, en privé, Pompidou craint ce rapprochement vers l’Est et le vit comme une quasi « trahison ».

D’autres éléments sont sujets à des discordes : l’évolution de l’UEM, la politique monétaire, la position face aux Etats-Unis… Malgré tout, la coopération culturelle continue: trois lycées franco-allemands sont créés en 1972, ainsi qu’un baccalauréat spécifique. L’esprit du Traité de l’Elysée, signé par De Gaulle et Adenauer, est donc un fil rouge dans les relations franco-allemandes et perdure malgré les divergences d’opinions.

VGE – Schmidt (1974 – 1981)

Les années « VGE-Schmidt » marquent une nouvelle ère dans les relations franco-allemandes. Les deux chefs d’Etat se connaissent bien et se font confiance : les deux ont ce désir de faire du couple franco-allemand l’impulsion et le moteur de la construction européenne.

Cette période est en effet particulièrement féconde : institutionnalisation du Conseil européen, accord sur l’élection au suffrage universel et premières élections du Parlement européen, mise en place du Système Monétaire Européen…

Malheureusement, les deux hommes doivent faire face à une conjoncture économique particulièrement défavorable : la fin des Trente Glorieuses et le premier choc pétrolier ne permettent pas au couple franco-allemand d’agir aussi bien qu’il le voudrait pour la lutte contre la crise.

Le gouvernement français adopte deux plans d’austérité consécutifs en 1976 et 1977, qui préconisent une libéralisation des prix et une certaine « ouverture sociale ». Ces évolutions françaises enclenchent un rapprochement idéologique avec l’Allemagne. Ce rapprochement prend appui sur un processus de convergences minimes des politiques conjoncturelles entre les deux Etats.

Mitterrand – Kohl (1982 – 1995)

Cette période marque l’apogée des relations franco-allemandes. Pour François Mitterrand, le tournant pris par la Guerre Froide rend nécessaire un rapprochement avec la RFA. Pour Helmut Kohl, l’unité européenne et les relations franco-européennes doivent relever d’une importance particulière.

Entre les deux hommes, les rencontres sont décuplés, les relations économiques et commerciales sont intensifiées, les décisions diplomatiques sont mutuellement soutenues.

Le 22 septembre 1984, un geste symbolique entre les deux hommes fait le tour du monde. Lors d’une commémoration des morts de la Première Guerre Mondiale, après le retentissement de l’hymne national allemand et au moment où commence la Marseillaise, Mitterrand saisit la main de Kohl (photo ci-dessus). Ce geste n’est pas prévu par le protocole et constitue, pour le Président de la République, la réparation d’une injustice. Injustice qui avait eu lieu quelques mois plus tôt, lors du 40ème anniversaire du débarquement en Normandie, où l’Allemagne n’avait pas été conviée.

Si tout semble aller pour le mieux, un élément vient tout de même noircir le tableau : la chute du mur de Berlin. Mitterrand craint en effet qu’après cet événement, Kohl décide de se concentrer sur ses intérêts nationaux et non plus sur l’évolution de la construction européenne.

Chirac – Schröder (1995 – 2005)

Les deux hommes ont pris un certain temps pour s’apprivoiser. Il leur a fallu attendre jusqu’à la réélection de Schröder et la menace de guerre en Iraq pour qu’ils s’accordent une véritable confiance mutuelle. Effectivement, leurs avis tendent à diverger sur de nombreux sujets (Politique Agricole Commune, évolution institutionnelle de l’Europe, …). L’Allemagne réunifiée n’hésite pas à mettre ses intérêts nationaux en avant et Chirac tente de limiter le poids de son « partenaire » dans les instances européennes.

Dans les années 2000 cependant, les deux chefs d’Etat parviennent à redonner un second souffle à la relation franco-allemande et s’entendent sur de nombreux éléments sources de mésentente. A cette époque naît une certaine convergence des visions françaises et allemandes à propos de l’Europe politique et en matière de politique étrangère. En 2003, les deux s’opposent à une intervention américaine en Europe. Le couple franco-allemand redevient le moteur de la construction européenne.

Toutefois, le 29 mai 2005, 55% des français votent non au référendum sur le projet de traité de « Constitution Européenne ». Ce résultat traduit un refus des français d’aller plus loin dans la construction européenne. Chirac et Schröder sont coupés dans leur élan et leur couple perd de sa légitimité auprès des partenaires européens.

Sarkozy – Merkel (2007 – 2012)  

La crise financière de 2008 devient la priorité, et les doutes soulevés en 2005 sont mis de côté. Les initiatives et négociations se multiplient entre Paris et Berlin et les deux pays sont à l’origine de nombreux plans d’aide européenne (on pense notamment à la Grèce). Après des débuts difficiles, les deux chefs d’Etat ont appris à travailler ensemble et à s’apprécier : les relations franco-allemandes ont rarement été aussi intenses.

Les rencontres n’ont jamais été aussi nombreuses qu’entre 2007 et 2012 et le couple est qualifié d’ « inséparable ».  Au moment des campagnes pour le second mandat de Sarkozy, des proches de Merkel n’hésitent pas à dire que la défaite de son partenaire français serait une « catastrophe ».

Hollande – Merkel (2012 – 2017)

La défaite de Sarkozy constitue un échec personnel d’Angela Merkel. Cependant, elle n’a d’autre choix que d’accepter le vote et de s’entendre avec Hollande.

Mais entre les déclarations vexantes de Valls, la suppression des classes bilingues et l’absence totale de réformes, les relations franco-allemandes sont au plus mal. L’Allemagne ne fait plus confiance à la France et ce notamment à cause de l’absence de solidarité vis-à-vis de la crise migratoire.

La suppression des classe bilingues est une déception allemande, d’autant plus qu’il s’agit d’une violation du Traité de l’Elysée (1963). Manuel Valls n’a pas hésité à critiquer la politique migratoire allemande à Munich, c’est-à-dire dans le propre pays de la Chancelière, ce qui est une grande première.

Macron – Merkel (2017 – aujourd’hui)

Fraîchement réélue, quoiqu’un peu affaiblie sur le plan électoral, la chancelière allemande va donc côtoyer un troisième président français. Si les deux personnages semblent partager un grand nombre de vues, notamment à l’aune de l’économie et quant à l’avenir de l’Union européenne, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur leurs relations… et la trace que celle-ci laissera dans l’histoire.