Alors que la page du Brexit s’est refermée, le débat sur l’indépendance écossaise devrait peu à peu (sans doute après la crise de la Covid) commencer à agiter les tribunes de géopolitique dans les grands journaux et magazines britanniques, d’autant plus qu’une élection législative régionale devrait se tenir en mai prochain. Voici un sujet qu’il s’agit donc de maîtriser dans le cas où il tomberait un jour à l’oral ou à l’écrit, mais aussi car il constitue un exemple toujours intéressant sur les grands mouvements indépendantistes dans le monde anglo-saxon. Il constitue par ailleurs une illustration parfaite de division géographique chez nos amis de l’autre côté de la Manche.

Cette volonté d’indépendance, d’où vient-elle ?

Avant de nous attaquer au débat actuel, faisons un petit retour en arrière et replongeons-nous dans l’histoire de l’Écosse. Dès l’Antiquité, l’Empire romain impose une séparation entre l’Écosse et le reste de l’île britannique en stoppant ses conquêtes à la frontière actuelle entre les deux régions et en construisant le fameux mur d’Hadrien. Par la suite, de nombreux conflits ont émergé entre le Royaume d’Écosse et celui d’Angleterre au cours de l’histoire, dont notamment deux guerres, appelées les guerres d’indépendance de l’Écosse, entre le XIIIe et le XIVe siècle.

Puis, peu à peu, les deux dynasties se sont rapprochées, au point où en 1603, Jacques VI Stuart, roi d’Écosse, accède au trône d’Angleterre sous le nom de Jacques Ier, réunissant ainsi ces deux pays sous un seul monarque : c’est l’Union des Couronnes.

Mais l’Écosse a réellement cessé d’être un royaume indépendant seulement en 1707, avec l’Acte d’Union, qui marque par la même occasion la naissance du Royaume-Uni. Ainsi, pendant 16 siècles, l’Écosse est restée hors de la tutelle de Londres, ce qui explique quelques relents d’indépendance, qui commencent avec des campagnes politiques en faveur de l’autonomie écossaise dès le XIXe siècle, d’abord sous la forme de demandes d’autonomie gouvernementale. Ensuite, la décentralisation de certains pouvoirs permet d’externaliser certaines compétences (surtout les affaires locales) du Parlement britannique (affaires locales) vers le Parlement écossais.

Mais le vrai tournant est beaucoup plus récent avec la création du SNP (Scottish National Party). Fondé en 1934, le parti retrouve de la popularité depuis les années 1970. Partisan de l’indépendance, il marque un grand coup en remportant une large majorité des sièges aux élections législatives écossaises de 2011, mais le référendum de 2014 sur l’indépendance de l’Écosse (autorisé par David Cameron) aboutit à la victoire du “non” (55 %). On craignait alors en Écosse que l’économie ne soit pas assez forte, que les emplois soient menacés et que les liens avec l’UE soient coupés.

Mais avec le Brexit, tout change…

En 2016, la donne a changé. En effet, les Écossais ont voté à 60 % “non” pour le Brexit, suite à quoi la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon (SNP), a affirmé que la meilleure solution était de quitter le Royaume-Uni pour rejoindre l’UE. Le Brexit a ainsi donné un autre élan à la cause de l’indépendance et pourrait constituer un solide argument pour une seconde chance via un nouveau référendum.

Nicola Sturgeon avait alors déclaré qu’elle examinait toutes les options pour “assurer notre place dans l’UE”. Après les élections générales de 2019 au Royaume-Uni, qui ont vu le SNP remporter 48 sièges, Sturgeon a demandé à Boris Johnson son accord pour organiser un autre référendum. Johnson a décliné sa demande, affirmant que Sturgeon et son prédécesseur (Alex Salmond) avaient promis que le référendum de 2014 serait « a once in a generation vote ».

Mais l’Écosse témoigne plus que jamais de son désir d’indépendance depuis que le Brexit est définitivement acté. Le pays subit de plein fouet les effets néfastes du Brexit sur son économie, mais également sur le moral d’une majorité de sa population. Du point de vue économique, près de la moitié des entreprises exportatrices du pays ont du mal à s’adapter à ce nouveau contexte économique.

Toutefois, alors que l’on est à deux mois et demi des élections locales, qui doivent pour eux ouvrir la voie à un nouveau référendum, un grain de sable pourrait bloquer les rouages de la marche vers l’indépendance, puisqu’un scandale interne agite le SNP. La bataille met aux prises les deux grandes figures du SNP, l’ancien Premier ministre Alex Salmond, qui avait mené le pays au premier référendum, ainsi que l’actuelle cheffe du gouvernement, Nicola Sturgeon. Le premier accuse la seconde d’avoir comploté pour l’abattre, en orchestrant des accusations d’agressions sexuelles, dont il a été blanchi depuis. Le Parlement écossais enquête désormais pour savoir si Nicola Sturgeon a interféré dans les procédures ou bien si elle lui a menti. L’opposition, quant à elle, est en embuscade. Alors qu’ils sont au bas des sondages, un affaiblissement de Nicola Sturgeon serait une aubaine.

Cette dernière estime que la victoire annoncée aux élections du 6 mai lui donnerait un mandat solide pour organiser une nouvelle consultation sur l’indépendance. En effet, la seule et unique chance qu’ont les indépendantistes de convaincre Boris Johnson d’autoriser un référendum est une forte victoire aux élections, comme ça avait été le cas peu avant la première tentative.

Et l’Écosse hors du Royaume-Uni, ça donne quoi ?

Le cœur du débat sur la pertinence d’une indépendance écossaise reste quand même une question primordiale : l’Écosse peut-elle subsister sans le Royaume-Uni ? Petit aperçu et éléments de réponse en faits et chiffres.

Tout d’abord, l’Écosse, c’est :

  • la 2e région du Royaume-Uni en termes de superficie, mais aussi celle offrant la plus grosse ZEE maritime ;
  • 5,5 millions d’habitants contre 56 millions en Angleterre ;
  • 161 milliards de livres de PIB contre 1 839 milliards pour l’Angleterre (en 2018) ;
  • 44 % de soutien au maintien dans le UK parmi la population contre 60 % en Angleterre, 52 % au Pays de Galles et 47 % en Irlande du Nord.

Les principaux arguments économiques contre l’indépendance sont :

  • le niveau élevé de dépenses publiques de l’Écosse, qui n’est possible que grâce à la participation des contribuables anglais, en particulier ceux de Londres et du sud-est du UK ;
  • la rente pétrolière dont jouit l’Écosse est volatile et finira par s’épuiser un jour ;
  • l’Écosse est en grande majorité dépendante du reste du Royaume-Uni pour ses exportations.

Face à eux, les principaux arguments économiques pour l’indépendance sont :

  • l’état des finances publiques d’une Écosse indépendante serait très différent, selon les partisans du SNP ;
  • l’Écosse ne participerait plus à certaines dépenses britanniques, en matière de défense en particulier ;
  • avec cinq millions d’habitants, l’Écosse se situerait au même niveau que la Norvège ou le Danemark en population, avec un PIB qui serait comparable à celui de l’Irlande ou de la Finlande.

Ainsi, l’Écosse sera-t-elle vraiment mieux lotie en tant que pays indépendant en matière d’économie ? Malgré les stocks de pétrole de la mer du Nord, les arguments économiques en faveur de l’indépendance pourraient au final être pires qu’en 2014 avec l’actuelle crise de la Covid. Les vieilles craintes qui avaient empêché l’indépendance sont donc toujours présentes aujourd’hui. Enfin, il semble que l’Écosse devra en cas d’indépendance réduire sérieusement ses dépenses publiques ou augmenter les impôts. Au moment du vote, ces incertitudes économiques pourraient freiner les ardeurs indépendantistes de certains électeurs.

L’indépendance écossaise au cœur de la culture populaire

L’indépendance n’est pas une question agitant uniquement la classe politique ou bien les livres d’histoire. Elle se retrouve au centre du quotidien des Écossais. Deux domaines peuvent être cités à cet égard : le cinéma et le rugby.

Pour illustrer le premier, prenons le bien connu film Breaveheart, dirigé par Mel Gibson, racontant l’histoire de William Wallace, une figure emblématique de l’Écosse indépendante. Dirigeant les Écossais lors de la première guerre d’indépendance de l’Écosse contre le roi Edward Ier d’Angleterre, son courage et son charisme sont devenus légendaires. Certains attribuent même au film un rôle important joué dans le paysage politique écossais des années 1990.

Pour illustrer le second, quoi de mieux que le rugby ? Ce sport marque parfaitement la rivalité entre l’Écosse et l’Angleterre, alors que les deux équipes s’affrontent au niveau international depuis des années, comme si le rugby avait déjà acté l’indépendance de l’Écosse. Et il suffit de regarder le retentissement médiatique et populaire de la récente victoire historique de l’Écosse contre l’Angleterre lors du dernier Tournoi des Six Nations pour s’en convaincre.

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