Cinéaste anglais très engagé, marqué à gauche, en vogue dans la sphère des festivals de cinéma du fait de son cinéma social et militant, il est fort probable que tu aies reconnu dans cette description… Ken Loach !

Ça tombe bien puisque cet article a pour objectif de te faire (re)découvrir ce réalisateur britannique, très apprécié des colleurs et des examinateurs, à mobiliser donc sans modération pour illustrer de nombreuses thématiques économiques et sociales actuelles, à l’écrit comme à l’oral.

Cet article s’organise en trois temps : une biographie concise de Ken Loach, la présentation de sa filmographie et un focus sur ses deux dernières œuvres.

La version podcast

Qui est donc Ken Loach ?

Biographie express

Nom d’usage : Ken Loach (en prononciation, ça donne quelque chose de ce genre : lowtche ! )

Nom d’origine : Kenneth Charles Loach

Date de naissance : 17 juin 1936

Lieu de naissance : Nuneaton, comté du Warwickshire (dans le centre de l’Angleterre)

Cursus universitaire : études de droit

Profession : cinéaste, réalisateur

Situation familiale : marié à Lesley Ashton depuis 1962 et père de cinq enfants (tous nés entre 1963 et 1972).

Enfance et études

Dès son enfance, Ken Loach baigne dans une Angleterre mi-rurale, mi-industrielle. Son père, John Loach, est technicien de maintenance dans une usine, son grand-père travaillait dans les mines de charbon. Alors que ses parents sont plutôt issus d’un conservatisme politique modéré, Ken Loach se forge très jeune une conscience politique de gauche, voire d’extrême gauche. Il commence d’ailleurs à militer dès l’adolescence.

Soucieux de l’avenir professionnel de son fils et aspirant pour lui à une ascension sociale, John Loach rêve que son fils devienne avocat. C’est d’abord cette voie qu’il empruntera puisque Ken, aidé par de bons résultats scolaires, s’en va étudier le droit à Oxford, au St Peters’ College.

Vie professionnelle

Ken Loach débute sa vie professionnelle par quelques missions d’enseignement, mais très rapidement il laisse de côté la sphère académique et se dirige vers le monde du spectacle. Il obtient quelques rôles en tant que comédien, pour le théâtre, dès les années 1950.

Il faudra attendre les années 60 pour que Ken Loach démarre véritablement sa carrière de cinéaste. L’élément déclencheur fut certainement sa rencontre avec le producteur Tony Garnett. Avant de réaliser ses propres œuvres, il contribue à des productions pour la télévision : en 1962, il participe à la réalisation de la série Z-Cars. Son premier téléfilm date de 1966 et s’intitule Cathy come Home. On y trouve déjà une forte empreinte sociale. Dans cette première réalisation, il cherche à montrer comment le chômage peut faire sombrer toute une famille dans le tunnel sans fin de la précarité. Son premier long métrage pour le cinéma date de 1969, c’est le film Kes. Il enchaîne ensuite avec deux autres films. Sa carrière démarre bien.

L’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher a des conséquences directes sur le travail de Ken Loach. En effet, les années 1980 correspondent à la montée en puissance du néolibéralisme accru, matérialisée par les politiques de privatisation menées par la Dame de fer. La carrière de Loach est mise à mal car il peine à trouver des financements. Et même lorsqu’ils sont déjà tournés et montés, certains films sont privés de diffusion, comme A question of leadership, réalisé en 1981 et portant sur les mouvements de grève des mineurs.

Les années 1990 relancent la carrière de Ken Loach, qui ne fera alors que s’accélérer. Il produit des films et reportages fidèles à ses thèmes de prédilection, à savoir la précarité, les difficultés économiques et sociales, la lutte des classes, la marginalité, la misère sociale, les effets sociaux de la mondialisation financière, etc. Il obtient à ce propos une reconnaissance internationale croissante depuis les années 1990. Sur 13 sélections au Festival de Cannes, ses films obtiennent sept prix, dont deux fois la fameuse Palme d’Or. Il est aussi primé plusieurs fois dans les prestigieux festivals de cinéma de Venise et de Berlin.

Engagement politique et citoyen

Sans surprise, Ken Loach est un homme politiquement très engagé. Il a d’ailleurs sa carte au parti travailliste, le Labour Party. Il s’oppose fervemment aux mouvements et politiques de délocalisation et de privatisation propres au néolibéralisme. Il soutient le projet de l’Union européenne mais pas dans sa forme actuelle. Contre une union économique et financière, il prône une union des peuples (c’est notamment ce qu’il a soutenu quand il a expliqué le choix de son “No” au référendum du Brexit). En 2014, il soutient l’indépendance de l’Écosse lors du référendum. Enfin, il est propalestinien et participe régulièrement à des mouvement de boycotts anti-israéliens.

Le style “Ken Loach”

Maintenant que tu es au point sur la vie du réalisateur, abordons un point majeur : son style cinématographique tout à fait unique.

L’héritier de Zola et de Dickens

Ken Loach aime se définir comme un disciple d’auteurs comme Émile Zola ou Charles Dickens. C’est-à-dire qu’il considère son travail de réalisateur comme une peinture minutieuse de la société britannique. Comme les deux écrivains le faisaient en décrivant et en observant dans le détail leurs sociétés respectives, Ken Loach cherche lui aussi à rendre compte de la réalité sociale de son époque et de son pays.

On peut ainsi parler d’une démarche naturaliste de la part du cinéaste. Le cinéma de Ken Loach se situe aux antipodes de la comédie populaire ou du fantastique. Au contraire, il est plongé dans la réalité concrète et actuelle d’une famille ou d’un personnage. D’ailleurs, certaines de ses œuvres sont à la frontière du style documentaire, tant le regard est objectif, malgré un choix pourtant très subjectif des thématiques.

Une filmographie très dense

Jusqu’à présent, il a réalisé 34 longs métrages pour le cinéma et 23 téléfilms.

En tant que peintre de son époque, il n’est pas étonnant que les sujets de prédilection de Ken Loach soient très variés : difficultés sociales des familles populaires, ravages des politiques publiques, scandales historiques britanniques, sort des immigrés clandestins, etc.

Voici par ailleurs une sélection (personnelle mais que je t’invite à consulter) de 10 films de monsieur Loach :

Un manifeste anti-thatchérisme

On l’a vu, Ken Loach travaille sur des sujets très variés, toutefois, toutes ces thématiques ont bel et bien une origine commune : le néolibéralisme largement enclenché par Margaret Thatcher dès les années 1980. Il cherche ainsi à mettre en avant les absurdités et les conséquences désastreuses du libéralisme en marche depuis l’ère Thatcher.

Ken Loach déclarait d’ailleurs à ce propos en 1991 dans la Revue du cinéma :

“Il suffit de regarder autour de soi et de raconter ce que l’on voit. Alors on est forcément anti-Thatcher.”

Les classes populaires mises à l’honneur

Ken Loach, de par le choix de ses sujets, se concentre en grande partie sur le destin des fractions inférieures de la société anglaise. Il est intéressant de noter que c’est notamment le fameux film de Vittorio de Sica de 1948, Le voleur de bicyclette, qui l’a encouragé dans cette voie.

Il évoque, à propos de ce film :

“Il m’a fait réaliser que le cinéma pouvait aussi parler des gens ordinaires et de leurs dilemmes. Ce film n’avait rien à voir avec les riches, les stars ou les aventures absurdes.”

Par ailleurs, Ken Loach propose une approche dialectique : il ne condamne jamais les personnages (qu’ils soient dominants ou dominés socialement), mais veut réellement mettre en évidence les contradictions des personnages et leurs déchirures internes et intimes :

“Concernant les personnages d’origine modeste, ce sont ces gens-là qui font changer les choses. Leur expérience est plus intéressante, plus riche en émotions aussi. Ils n’ont rien à perdre, ils jouent plus gros. Les raisons de mon choix sont donc tout à la fois dramatiques et politiques.”

Au travers des destins souvent tragiques des classes populaires, il veut souligner les contradictions du système social britannique et plus largement des sociétés occidentales actuelles.

Zoom sur ses deux derniers films

Les deux derniers films de Ken Loach ont été des succès planétaires, nominés dans tous les prestigieux festivals de cinéma. Comme je te le suggérais déjà en introduction, tu peux largement les mobiliser à l’écrit ou à l’oral, ils seront des illustrations pertinentes pour évoquer les conséquences du libéralisme, des crises et plus globalement de la mondialisation économique et financière.

I, Daniel Blake (2016)

Si on devait résumer le film en une phrase : La lutte individuelle, absurde et fatale de monsieur Tout-le-monde, face à la bureaucratie de l’aide sociale et ses contradictions, décrite de manière minutieuse et démoniaque.

Synopsis : Daniel Blake habite à Newcastle en Angleterre, il a 59 ans et est menuisier, sa femme est décédée. Après des problèmes cardiaques, il se voit contraint de demander l’aide sociale. Malgré un diagnostic de son médecin lui interdisant de travailler, on lui refuse sa pension d’invalidité et il est obligé de rechercher un travail. C’est le début de la course contre la bureaucratie et les démarches absurdes. Au « job center » où il doit fréquemment rendre des comptes sur ses recherches d’emploi sous peine de sanction, il rencontre Katie, une mère célibataire qui est elle aussi dans la précarité. Banque alimentaire, vente des meubles de la maison et débrouille deviennent le quotidien des deux personnages qui vont tenter de s’aider mutuellement, en vain.

Récompenses : 18 prix (dont la Palme d’Or à Cannes) pour 41 nominations dans le monde !

Sorry we missed you (2019)

Si on devait résumer le film en une phrase : La lutte acharnée d’une famille qui peine à joindre les deux bouts, face à l’ubérisation de la société et à la précarisation des emplois de services.

Synopsis : Ricky et Abby forment un couple, ils ont deux enfants. Ils vivent à quatre à Newcastle. Les deux parents travaillent très dur, elle est auxiliaire de vie à domicile et Ricky enchaîne les petits boulots mal payés. Malgré ce dévouement quotidien et épuisant, la famille se rend compte qu’elle ne pourra jamais devenir propriétaire, sauf si Ricky devient chauffeur livreur en free-lance. Le couple décide de vendre la voiture d’Abby qui doit alors passer plusieurs heures dans les transports pour visiter ses malades. De son côté, Ricky est vite pris dans l’engrenage de la productivité propre à l’ubérisation. Le quotidien de la famille vire au cauchemar.

Ces deux œuvres très récentes sont des mines d’or pour illustrer des thèmes comme la précarité et la débrouille, la solidarité, la santé, les sacrifices familiaux, les politiques de l’emploi et la bureaucratie, les aides sociales, l’ubérisation et la mondialisation.

Au-delà de leurs thématiques, les choix des acteurs, la composition des scènes et les différents plans en font de belles œuvres cinématographiques. Et cerise sur le gâteau, les accents sont originaux, permettant de s’exercer à la compréhension orale !

En bref, j’espère que cet article t’aura convaincu de (re)visionner les œuvres de ce grand réalisateur. Garde bien en tête qu’en anglais, une connaissance solide des éléments de civilisation et de culture est aussi importante que la grammaire et la conjugaison !

N’hésite pas à consulter cet article qui traite du cinéma anglo-saxon. Pour toutes nos ressources d’anglais, consulte cette page.