Alors qu’Emmanuel Macron a récemment critiqué les médias américains, il apparaît plus que jamais que le monde médiatique anglo-saxon possède quelques particularités que l’on ne retrouve pas en France. Le président de la République a en effet répondu à la réaction des médias américains suite à l’attentat contre le professeur Samuel Paty. En effet, ces derniers ont remis en cause le droit à la caricature provocative contre une religion (quelque chose d’assez choquant dans le système social multiculturel américain). Mais qui sont réellement ces médias anglais et américains et quelles sont leurs caractéristiques ?

Les principaux médias aux États-Unis et en Grande-Bretagne

Avant d’amorcer notre réflexion, faisons rapidement un tour des principaux journaux américains et de leur tendance politique (political leaning). Les connaître peut être particulièrement utile pour analyser un article en colle par exemple :

The New York Times : l’un des plus grands quotidiens aux USA, ce journal, aux idées plutôt démocrates et socialement libérales, est reconnu pour sa rigueur et son professionnalisme.

The Washington Post : autre grand journal américain et concurrent du New York Times, également de tendance centre gauche, il est devenu connu après la révélation du scandale des Pentagon Papers ou encore du Watergate.

The Economist : ce magazine hebdomadaire britannique créé en 1843 pour supporter l’abolition des Corn Laws (des lois protectionnistes en Angleterre sur l’importation du blé) est autant connu pour sa ligne économique très libérale que pour le très bon niveau de langue de ses articles.

The Guardian : sa ligne sociale libérale souvent affiliée aux idées du parti travailliste (The Labour Party) et son site internet consulté dans le monde entier en font un journal central au UK mais aussi dans tout le monde anglo-saxon. Souvent vu comme le journal des « intellos de gauche », il pointe régulièrement du doigt les dommages sociaux et environnementaux du capitalisme libéral et financiarisé d’aujourd’hui.

On pourrait citer également The Daily Telegraph (proche du Conservative Party au UK), le tabloïd The Sun (presse à sensation et politiquement dans des tendances plutôt conservatrices), The Daily Mail (dans une ligne conservatrice et populaire), The Wall Street Journal (quotidien national américain qui traite de l’actualité économique et financière sous un angle conservateur) ou USA Today parmi les journaux les plus importants aux USA et au UK.

Le rôle traditionnel des médias

Liberté du peuple et liberté de la presse

L’importance des médias dans la culture anglo-saxonne est réelle. Les médias sont de fait considérés comme le meilleur moyen de préserver la liberté du peuple face au pouvoir (une idée très populaire aux USA notamment et même inscrite dans la Constitution).

L’idée à retenir est que la liberté de la presse est l’un des piliers du fonctionnement de la démocratie (dans le monde anglo-saxon ou ailleurs). En effet, l’une des grandes missions de la presse et des médias est de révéler ce que ceux au pouvoir auraient plutôt tendance à cacher.

Toutefois, notamment depuis la présidence Trump, on assiste à une sorte de défiance des Américains envers les médias, et ce particulièrement dans le camp des supporters du désormais ancien président, qui sont nombreux à penser (50 % selon un sondage) que la presse, et surtout celle critiquant l’action de Donald Trump, est devenue « the enemy of the people », dixit Trump.

Presse et neutralité

Cela pose alors une question récurrente dans le débat public aux USA mais aussi en Grande-Bretagne : à quel point peut-on permettre que la presse soit influencée (biased) ?

Tout d’abord, il est naïf de penser que le rôle de la presse est d’être neutre : elle existe pour offrir aux gens une certaine interprétation des évènements, et non pas pour être sans opinion.

En revanche, elle a un devoir de vérité, et c’est sur ce point que le bât blesse suite aux (trop ?) nombreuses fake news répandues par la presse à sensation comme The Sun au UK ou Fox News aux USA (qui a tout de même agréablement surpris en déclarant très à l’avance des victoires de Joe Biden dans des États pourtant disputés lors des dernières élections).

Par ailleurs, un autre problème à souligner est l’implication de magnats de la presse comme Rupert Murdoch (propriétaire de nombreux journaux en Australie, aux USA et au UK, dont The Sun) dans les publications de leurs journaux, favorisant leurs idées très controversées : populisme, climatoscepticisme… Sur ce point, une statistique intéressante peut être retenue : 70 % des Américains penseraient que les médias traditionnels rapporteraient des fake news.

Rendre compte de la variété des idées

En même temps, au nom de la liberté d’expression, n’est-ce pas aussi le rôle de la presse d’accueillir toutes les idées ? Une polémique a été à cet égard tout à fait révélatrice de l’ambiguïté de la position que les médias se devraient de tenir : le BBC scandal. La réputation de la bien connue chaîne britannique a pris un coup lorsque, suivant son principe de couverture de toutes les positions politiques, elle a donné du temps de parole à des figures représentant des points de vue extrêmes comme Nigel Farage, partisan d’un hard Brexit et figure de l’aile droite des Tories.

Dans tous les cas, le risque pour des populations peu averties est de ne plus pouvoir distinguer le vrai du faux. Elles deviendraient alors, selon Hannah Arendt, des cibles faciles pour toute sorte de régimes avec des penchants totalitaires.

Le débat sur les lanceurs d’alerte (whistleblowers) : traîtres ou combattants pour la liberté ?

Deux figures majeures

Nous l’avons dit, la presse a pour devoir d’alerter et de divulguer au public ce que l’État pourrait cacher. De nombreux journalistes ont fait de ce rôle leur spécialité, sur des zones sombres de l’État : ce sont les lanceurs d’alerte. Plusieurs d’entre eux sont assez célèbres. Pour n’en citer que deux : Edward Snowden et Julian Assange.

Le premier est l’ancien membre de la CIA et de la NASA qui a révélé au monde via des articles dans The Washington Post et The Guardian les programmes de surveillance de masse menés par les services de renseignements américains sur le monde entier et surtout sur les dirigeants politiques. Il s’est depuis réfugié en Russie après avoir été condamné aux USA pour espionnage.

julian assangeLe second, fondateur de Wikileaks, a révélé notamment des crimes de guerre commis par l’armée américaine pendant les guerres en Irak et en Afghanistan. Essayant toujours d’éviter l’extradition vers les USA où il encourrait 175 ans de prison, il s’est réfugié à l’ambassade de l’Équateur à Londres, puis a été arrêté par la police anglaise et est désormais en prison pour 50 semaines du fait de violation des conditions de sa liberté provisoire.

Ces figures pour le moins controversées montrent en tout cas le pouvoir de révélation de la presse et la pression que ces divulgations mettent sur les gouvernements.

Le scandale du Watergate

Le véritable pouvoir de la presse sur le monde politique peut être résumé en une affaire aux USA : le scandale du Watergate.

L’affaire aux multiples ramifications commence en 1972 avec l’arrestation, à l’intérieur de l’immeuble du Watergate, de cambrioleurs dans les locaux du parti démocrate à Washington. Les investigations menées par deux journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein aidés par un mystérieux informateur surnommé Deep Throat, suivies d’une longue enquête du Sénat américain, finiront par lever le voile sur des pratiques illégales de grande ampleur au sein même de l’administration présidentielle.

Le Congrès en viendra à engager la procédure d’impeachment, visant à la destitution du chef de l’État, poussant Nixon à démissionner dans la foulée.

Si les enquêtes menées par les journalistes permettent de faire la lumière sur des affaires illégales menées par des politiciens, il est difficile parfois d’établir une frontière claire entre ce qui relève de l’information publique ou du voyeurisme envers des personnalités. Il semble ainsi justifié de révéler les systèmes d’évasion fiscale des stars (cas des Panama Papers), moins de faire intrusion dans leur vie privée (comme ce fut le cas lors de la mort de la princesse Diana à Paris où elle aurait fui des paparazzis accusés de la pourchasser).

Quid des réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux occupent aujourd’hui une place prépondérante au sein de la sphère médiatique : ils véhiculent désormais le gros de l’information via des contenus plus attractifs notamment pour les jeunes, au point que Twitter et Facebook peuvent être considérés comme les premiers médias dans le monde actuel.

Cela a pu parfois poser problème, tant ces groupes sont puissants. Facebook a par exemple été plusieurs fois remis en cause. Ce réseau social créé par Mark Zuckerberg en 2004 à Harvard (voir le film The Social Network) regroupe plus de deux milliards d’utilisateurs et possède un pouvoir politique non négligeable. Une affaire a sur ce point particulièrement entaché son image : le scandale de Cambridge Analytica. Cette entreprise mandatée par l’équipe de campagne de Trump, et en collaboration avec Facebook, a réalisé ce qu’on appelle du micro-targeting sur des Américains indécis quant à leur intention de vote, le tout en utilisant les données personnelles des utilisateurs de Facebook. Cela a été considéré comme de la violation de données privées et de l’interférence dans un processus électoral.

Les médias pendant la présidence Trump et lors des dernières élections

Les groupes médiatiques, journaux ou réseaux sociaux occupent donc une place prépondérante dans le monde anglo-saxon et surtout aux USA. Ils constituent un élément central et un des faits marquants du mandat de Donald Trump. Déjà dans son élection : les médias favorisent de base l’émergence des celebrity politicians, ces personnalités issues du monde du business et du showbiz qui malgré leur manque d’expérience politique sont bien plus attrayantes et intrigantes pour les médias que les politiciens traditionnels souvent décriés. Trump correspond parfaitement à ce profil.

D’un autre côté, le président Trump n’a cessé de critiquer l’attitude des médias à son égard et de leur bien-pensance, à contre-courant d’une certaine Amérique exprimant son ras-le-bol envers l’élite politico-médiatique du pays. Il est vrai que les médias traditionnels, d’une certaine façon enfermés dans leur courant de pensée, n’ont pas su voir et montrer une réalité électorale que ce soit en 2016 ou lors des dernières élections : les supporters de Trump sont bien plus nombreux que ce qu’ils laissaient imaginer.

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