Élément clé de la civilisation britannique, la monarchie anglaise est souvent délaissée par les candidats aux concours, et la presse internationale, ne renvoyant qu’une image très « people » de la famille royale, n’aide pas à y voir un sujet de grand intérêt !

Pourtant quelques connaissances sur la très particulière monarchie anglaise sont toujours appréciées, car elles témoignent d’un véritable intérêt pour l’histoire et le fonctionnement de la société anglaise. Voici en quelques points ce qu’il faut retenir.

Un petit peu d’histoire…

L’aspect historique de la monarchie est crucial pour comprendre le rôle qu’elle occupe aujourd’hui au Royaume-Uni. Ce n’est en effet que parce qu’il s’agit d’une institution séculaire que the UK without the Queen is no more the UK.

Chose étonnante concernant la monarchie britannique, elle a été constituée dans une grande part de son histoire par des familles aux origines étrangères. Il faut remonter au XIe siècle pour trouver des rois 100 % anglais. La couronne britannique est en effet passée entre les mains de Normands (on se souvient de Guillaume le Conquérant), Gallois, Écossais et Allemands. Les membres de l’actuelle famille royale, les Windsor, ont d’ailleurs changé de nom sous George V en 1917 pour faire oublier les racines germaniques bien présentes dans le nom Saxe-Coburg-Gotha.

Jusqu’au XVIIIe siècle, la monarchie était la forme de pouvoir la plus courante dans tous les pays, y compris l’Angleterre. Toutefois, la forme monarchique change dès 1688 avec la « Révolution glorieuse », où le pouvoir de la monarchie anglaise, tant remis en cause pendant des siècles de rivalité interne, est encadré par « the English Bill of Rights » : désormais, le roi passe au second plan derrière le Parlement et la monarchie devient constitutionnelle. Mais c’est indéniablement ce qui lui a permis de survivre au courant révolutionnaire qui a déferlé sur les USA, la France puis l’Europe à la fin du XVIIIe siècle.

Le XIXe siècle est une période de stabilité pour la monarchie anglaise, incarnée par la figure de la reine Victoria : le pays s’appuie sur cette stabilité pour construire un empire et une prospérité sereine, tandis que la reine Victoria devient une sorte de mère de la nation et fait entrer la monarchie britannique dans son rôle moderne de symbole national. Cet aspect est renforcé au XXe siècle grâce au rôle exemplaire des rois George V et VI pendant les deux guerres mondiales, au soutien de leur peuple et de leurs soldats. D’ailleurs, la monarchie ne flanche pas non plus pendant les tempêtes communistes et fascistes qui ont secoué l’Europe dans l’entre-deux guerre.

En 1952, l’actuelle reine Elizabeth II accède au trône et un peu moins de 70 ans plus tard elle est toujours là (le record de longévité de son arrière-grand-mère, la reine Victoria, a été battu en 2015), ayant réussi à maintenir une bonne image de la royauté malgré l’épisode tumultueux de la mort de la princesse Diana à Paris en 1997 dans un accident de voiture, mais surtout en ayant su inscrire petit à petit la royauté dans la modernité et l’air du temps.

Petit rappel ici sur l’actuel ordre de succession : si l’actuelle reine Elizabeth II, fille de George VI, meurt ou abdique, ce sera son fils, le prince Charles, qui devrait malgré son âge lui succéder sur le trône (d’ailleurs Charles supplée de plus en plus la reine dans ses fonctions). Après le prince Charles, le trône reviendra à son fils, le prince William, mariée avec Kate et père de trois enfants. William et Harry (marié avec Meghan) sont les deux fils que Charles a eus avec la princesse Diana, décédée dans un accident.

Les rôles et fonctions du souverain anglais

Le roi ou la reine d’Angleterre est avant tout le chef de l’État en Grande-Bretagne mais aussi dans 15 autres pays du Commonwealth, comme le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou encore la Jamaïque. Au UK, comme dans ces autres pays, le pouvoir du monarque est toutefois symbolique et représentatif plus que véritablement politique (détenu lui par un Prime Minister et son Government). Les pouvoirs du souverain sont en fait constitutionnellement limités par une série de lois et chartes établies au cours de l’Histoire.

Il reste cependant un membre important dans la gestion des affaires du pays. Sans le choisir, il nomme le Premier ministre qui le consulte toutes les semaines sur les affaires courantes et lui demande son avis (la reine actuelle y est par exemple très attachée). Tout projet de loi doit par ailleurs être signé par le monarque (c’est le royal assent), qui dispose donc théoriquement d’un droit de veto (dont il n’use jamais : il ne doit pas de se mêler à la vie politique du pays). Selon Bagehot (intellectuel britannique du XIXe siècle), « le Souverain a, dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle […] trois droits : le droit d’être consulté, le droit d’encourager et le droit de mettre en garde ».

Au niveau international, la reine peut être l’interlocuteur protocolaire des chefs d’État étrangers. Enfin, la reine est également commandant en chef des forces armées britanniques (la Royal Navy, la British Army et la Royal Air Force, dans un rôle protocolaire, of course) ainsi que Gouverneur suprême de l’Église anglicane. Elle nomme les évêques sur recommandation du Prime Minister (ce rôle n’est que titulaire toutefois car c’est l’archevêque de Canterbury qui officie en tant que chef spirituel).

Parmi les prérogatives royales, on peut notamment citer le pouvoir de nommer et de révoquer les ministres, de réglementer la fonction publique, d’émettre les passeports, de déclarer la guerre, de faire la paix, de diriger les actions de l’armée, de négocier et de ratifier les traités, les alliances et les accords internationaux, ainsi que d’accréditer les ambassadeurs britanniques.

Un système monarchique unique, mais remis en cause ?

Crises et scandales

Récemment, la monarchie anglaise a dû essuyer de nombreuses critiques qui sont survenues après crises et scandales secouant les membres de la famille royale. Dans un ordre chronologique, on pourrait citer l’épisode de la mort de la princesse Diana, très aimée en Grande-Bretagne, où la reine s’est montrée comme très distante, détachée et assez froide. La famille royale y a perdu (et ce pendant quelques années) beaucoup de popularité.

Un autre exemple de scandale est celui où le prince Harry a été surpris en 2005 déguisé en nazi à une soirée. Alors décrit comme le bad guy de la famille royale, il renvoyait une image de débauche et de manque de sérieux.

Beaucoup plus récemment, le mariage houleux du prince Harry avec Meghan et leur départ de la famille royale ont été un vrai coup dur pour l’image de la monarchie britannique. À ce propos, prenons un peu de hauteur et analysons les conséquences d’un tel départ. Marx écrivait que toute institution nationale tomberait sous les coups de la dynamique capitaliste. Pourtant, jusqu’au départ de Harry et Meghan, la monarchie avait accompagné ce capitalisme, le renforçant même dans la mesure où elle réunifiait une société économiquement divisée. Maintenant, Marx semble avoir eu un peu raison (et alors que Diana appelait déjà la royal family : The Firm !) : les liens qui uniront ces ex-membres de la famille royale à leurs fans ne seront plus les traditionnels liens de féodalité mais bien des liens commerciaux (la marque Sussex leur servirait à gagner en indépendance financière). Le business et les réseaux sociaux remplaceront donc les liens séculaires de la famille royale avec le peuple britannique.

La question du coût de vie de la royal family

Débat récurrent au UK lorsque le train de vie de la famille royale est pointé du doigt : la famille royale coûte trop cher. Mais qu’en est-il réellement ?

La famille royale se finance via deux sources : la dotation royale et les bénéfices des propriétés de la famille. La première est payée par le contribuable anglais selon une enveloppe décidée par le Parlement chaque année. En 2018, elle s’élevait à 82 millions de £, soit £1,24 par habitant. Pour une majeure partie de la population, cette somme est justifiée, d’autant plus qu’elle sert à financer la restauration du patrimoine royal comme Buckingham Palace.

Toutefois, le budget de la famille royale est de 350 millions de £ : la seconde source de revenus entre alors en jeu et rien qu’en 2018, les nombreuses propriétés immobilières, les terrains et les propriétés commerciales de la royal family lui ont rapporté environ 340 millions de £.

En bref, de petites dépenses pour le contribuable britannique à mettre en perspective avec ce que la monarchie britannique rapporte à l’économie du pays, par le biais du tourisme et de la publicité que font les membres de la famille royale pour la marque « United Kingdom » à travers le monde : plus de 25 milliards de £.

Au final quelle est la popularité de la monarchie ?

En avril 2020, la reine bénéficiait d’un taux de popularité estimé à 78 % auprès du peuple britannique : en d’autres termes, la monarchie est très largement soutenue comme institution et symbole majeur de la nation.

Toutefois, pour gagner cette popularité et faire oublier les scandales, la reine tout comme la famille royale ont dû faire un effort sur leur image publique. Et ce n’est pas une mince affaire, étant donné que nos amis Britanniques veulent à la fois garder l’image dorée et traditionnelle de la monarchie tout en exigeant que la famille royale soit plus simple et ne coûte pas trop cher.

La reine a donc misé au fur et à mesure de son règne sur la proximité avec son peuple, et ce, dès la cérémonie de son couronnement qu’elle décide de faire retransmettre à la télévision (une première !). Un autre épisode témoin de cette envie de se rapprocher des gens est celui de la cérémonie d’ouverture des JO de Londres en 2012, où la reine a accepté de tourner dans un court-métrage avec James Bond, jusqu’à se faire parachuter fictivement au-dessus du stade. Le sens de l’humour de la reine est alors particulièrement apprécié. Enfin, en 2020, pendant les jours les plus difficiles de l’épidémie de Covid-19 au UK, elle décide de faire un inhabituel message de soutien à la nation, suivi par 25 millions de téléspectateurs et particulièrement remarqué.

La monarchie est-elle donc vraiment importante au UK ?

Le génie de cette monarchie, et la raison pour laquelle sa disparition serait un désastre, est qu’elle constitue le moyen le plus original jamais trouvé pour garantir une unité du peuple au-delà de ce que la politique peut faire. La monarchie rassemble l’adhésion et est une valeur symbolique permanente qu’aucun président ne pourra jamais posséder. Bien entendu, le côté « people » de la famille royale contribue à leur popularité, mais il faudrait y remarquer non pas une cause de cette popularité mais bien une conséquence.

La monarchie est aussi indéniablement un moyen pour les Britanniques d’affirmer leur altérité et de faire mémoire non sans une certaine nostalgie des gloires passées, à une époque où le « British hard power » est révolu, mais où le « British soft power », dont la monarchie fait partie, connaît une pente ascendante.

Pour creuser un peu l’histoire de cette famille royale depuis la guerre, la série The Crown, qui raconte toute l’histoire de la reine, peut s’avérer utile… et en VO bien sûr pour travailler son anglais !