Vanessa Bell

Si tu as envie d’approfondir ta culture du monde britannique tout en découvrant des auteur.e.s féministes inspirant.e.s, cet article est fait pour toi ! Le féminisme et plus largement l’égalité sont des thèmes phares du programme d’anglais en prépa, que tu sois en CPGE commerciale, scientifique ou littéraire. Cet article te propose un panorama rapide du féminisme dans la littérature britannique. Cela te donnera non seulement l’occasion de formuler de belles accroches ou des ouvertures intéressantes pour impressionner ton correcteur, mais tu pourras aussi les utiliser pour développer des exemples à l’écrit et à l’oral.

Protoféminisme à l’époque élisabéthaine

Aemilia Lanier, une des premières poétesses d'Angleterre
Aemilia Lanier

Si tu connais déjà un peu le sujet, certainement que des noms comme Mary Wollstonecraft et Virginia Woolf ne te sont pas inconnus, mais sais-tu que l’on retrouve des thèmes féministes dans des œuvres aussi anciennes que celles de Shakespeare ? De nombreux critiques ont en effet remarqué que les personnages féminins avaient des rôles relativement importants dans les pièces du grand dramaturge. Dans Henry V (1599), Catherine, la princesse française, se joue du langage et s’amuse à refuser les avances d’Henry, roi d’Angleterre, qui vient de vaincre la France et d’obtenir la main de la princesse par la même occasion. Dans l’avant-dernière scène de la pièce, quand Henry lui demande si elle l’aime, Catherine répond : « I cannot tell. » Elle remet ainsi en question le système patriarcal de l’époque fait d’alliances stratégiques et de mariages forcés.

Du côté des tragédies de Shakespeare, Macbeth (1606) peut constituer un exemple intéressant. Lady Macbeth est une femme puissante et certains la considèrent comme une manipulatrice de talent, puisque c’est en persuadant son mari de commettre un régicide qu’elle parvient à devenir reine. C’est donc elle qui porte la culotte dans le couple ! Néanmoins, ce protoféminisme shakespearien est à nuancer puisqu’afin que son plan aboutisse, Lady Macbeth invoque les esprits et leur demande de lui ôter sa féminité (à l’Acte 1, scène 5, elle déclare : « Unsex me here! »), tandis qu’il ne faut pas oublier qu’à l’époque élisabéthaine, les personnages féminins étaient joués par des hommes.

Le protoféminisme de Shakespeare venait-il de ses relations ?

Certains historiens et critiques littéraires établissent un lien entre le protoféminisme de Shakespeare et les relations qu’il entretenait avec sa « Dark Lady », l’amante secrète à qui il a adressé la moitié de ses sonnets. Rien ne le prouve avec certitude, mais plusieurs chercheurs ont émis l’hypothèse qu’il s’agissait d’Aemilia Lanier, l’une des premières femmes à se définir comme poétesse en Angleterre.

Elle a notamment rédigé le long poème Salve Deus Rex Judaeorum (1611) dans lequel elle analyse l’épisode biblique du péché originel et déclare ouvertement qu’Adam a une responsabilité plus importante qu’Eve. Selon elle, Eve a été influencée par le serpent, tandis qu’Adam a consciemment croqué la pomme. Ce poème très controversé lui a ainsi permis de déconstruire le stéréotype de l’époque associant les femmes à la subversion religieuse.

Si tu tombes sur un sujet en rapport avec la religion en colle de culture générale, n’hésite pas à la citer, car elle a instrumentalisé la religion à des fins protoféministes.

L’avènement du féminisme au XVIIIᵉ siècle

Mary Wollstonecraft
Mary Wollstonecraft

La résistance d’Aemilia Lanier est similaire à celle de certains personnages des premiers romans britanniques. Au début du XVIIIᵉ siècle, Daniel Defoe publie Roxana: The Fortunate Mistress (1724), roman dans lequel la protagoniste d’abord sans le sou parvient à gravir les échelons sociaux en se prostituant et en devenant la maîtresse d’un homme riche. Bien qu’elle ne soit pas à proprement parler féministe, cette œuvre invite les lecteurs à se questionner sur la sexualité féminine, l’institution du mariage et la liberté individuelle, puisque l’héroïne résiste au système patriarcal.

Malgré les quelques œuvres du XVIIᵉ siècle mentionnées précédemment, ce n’est qu’à partir du XVIIIᵉ siècle que l’idéologie féministe se forme. Mary Wollstonecraft est l’auteure de A Vindication of the Rights of Woman: with Strictures on Political and Moral Subjects (1792), un essai dans lequel elle estime que les femmes doivent être les égales des hommes. « My own sex, I hope, will excuse me, if I treat them like rational creatures, instead of flattering their fascinating graces, and viewing them as if they were in a state of perpetual childhood, unable to stand alone. »

Elle part du constat que les femmes sont désignées comme de simples objets (notamment des « récipients » destinés à produire des enfants) dans les textes religieux et légaux. Selon elle, l’émancipation des femmes réside dans l’éducation de ces dernières, raison pour laquelle elle critique la philosophie des penseurs de l’époque qui estimaient que les femmes ne devaient pas s’instruire. Elle se place par exemple contre Rousseau, auteur dont Major-Prépa analyse la philosophie dans cet article.

Les femmes prennent la plume au XIX siècle

Charlotte Brontë
Charlotte Brontë

Il est parfois difficile de retrouver l’identité d’une auteure, car tout au long des XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, les femmes écrivaient sous des pseudonymes masculins. George Sand (qui se prénommait en réalité Amantine Aurore Lucile Dupin) en est un exemple en France, tandis que George Eliot (Mary Ann Evans de son vrai nom) montre que cette pratique était également courante au Royaume-Uni. Malgré cela, de plus en plus d’auteures ont fait leur apparition à partir du XIXᵉ siècle, présupposant dès lors les débuts d’une émancipation de la femme.

Cela a par exemple donné lieu à la publication anonyme de Sense and Sensibility (1811) par Jane Austen et à la parution de Jane Eyre (1847) par Charlotte Brontë sous le pseudonyme Currer Bell. Les œuvres de ces deux auteures sont principalement des romans sentimentaux, montrant l’oppression persistante de l’époque. Ce genre de romans pour femmes n’était pas considéré comme noble ou intellectualisant. De nombreux romans épistolaires étaient également publiés par des femmes, un genre qui, encore une fois, était perçu comme trivial. Pourtant, bien que Sense and Sensibility fût anonyme, Jane Austen a tenu à ce que la signature « by a Lady » apparaisse sur la première édition du roman, suggérant les prémices du féminisme en Angleterre.

George Eliot
George Eliot

Un peu plus tard, d’autres types de romans sont publiés

George Eliot s’intéressait par exemple au Buildungsroman (ou « roman d’apprentissage » en français), qui raconte la vie de protagonistes de l’enfance à l’âge adulte. The Mill on the Floss (1860) en est un exemple. M. Tulliver perd sa fortune et ses deux enfants tentent de la reconstruire au cours de leur vie au destin tragique. Bien que l’œuvre de George Eliot n’ait pas de visée moralisatrice, des citations comme « we learn to restrain ourselves as we get older » révèlent une oppression encore forte.

George Eliot a aussi publié un essai anonyme intitulé Silly Novels by Lady Novelists, dans lequel elle critique la propension des femmes à écrire des romans sentimentaux vides d’intellectualisme, montrant à quel point la société dressait les femmes les unes contre les autres. Dans un passage très inspiré du système de classification darwinien, elle écrit : « Silly Novels by Lady Novelists are a genus with many species, determined by the particular quality of silliness that predominates in them—the frothy, the prosy, the pious, or the pedantic. But it is a mixture of all these—a composite order of feminine fatuity—that produces the largest class of such novels, which we shall distinguish as the mind-and-millinery species. »

Enfin, un auteur intéressant de la période est Thomas Hardy. S’il est difficile de dire s’il était féministe ou non, de nombreux critiques littéraires considèrent qu’au moins certains de ses personnages féminins l’étaient. La protagoniste de Far From the Madding Crowd (1874), Bathsheba Everdene, refuse par exemple de se marier : « Well, what I mean is that I shouldn’t mind being a bride at a wedding, if I could be one without having a husband. » Néanmoins, il faut attendre le XXᵉ siècle pour que des auteures se définissent ouvertement comme féministes.

Le féminisme assumé du XXᵉ siècle

Virginia Woolf
Virginia Woolf

Ce n’est réellement qu’à partir du XXᵉ siècle que le féminisme est entièrement assumé dans la littérature. C’est pour cette raison que Virginia Woolf est certainement l’auteure féministe la plus connue d’entre tous. Elle publie A Room of One’s Own en 1929 et montre que les femmes n’ont pas accès aux conditions matérielles nécessaires à l’écriture. Elles devraient avoir la possibilité de voyager, d’entrer dans la sphère publique pour échanger des idées et avoir accès aux ouvrages des bibliothèques britanniques (à ce sujet, elle déclare d’ailleurs : « Lock up your libraries if you like; but there is no gate, no lock, no bolt that you can set upon the freedom of my mind. »). Elle postule ainsi qu’avec un espace à elles, nommément une chambre à soi, et 500 livres par mois, les femmes peuvent être indépendantes et écrire des œuvres de qualité.

Au-delà de cet essai, Virginia Woolf rédige également des romans. Dans Mrs Dalloway (1925), le lecteur est plongé dans la vie de plusieurs femmes et suit les pérégrinations aussi bien physiques que mentales de nombreux personnages, créant ainsi une mosaïque de flux de conscience et une grande polyphonie. La protagoniste, Mrs Dalloway, se rend progressivement compte de son attirance pour une ancienne amie à elle, et comprend par la même occasion qu’elle n’est pas heureuse avec son mari. Ce roman illustre donc l’émancipation sexuelle des femmes. Notons au passage que Virginia Woolf elle-même était lesbienne et donc pleinement au fait des problématiques sociales se rapportant à la sexualité féminine, d’où une exactitude et une complexité toutes deux remarquables dans la psychologie de ses personnages.

Le XXIᵉ siècle : vers un post-féminisme ?

Deborah Levy
Deborah Levy

Si les auteures féministes du XXᵉ siècle ont associé leur lutte à celle d’autres minorités (à l’instar des minorités sexuelles décrites dans Mrs Dalloway ou des minorités ethniques), les auteures britanniques du XXIᵉ siècle semblent dépasser ces problématiques. Il n’est plus tant question de réclamer ou justifier l’égalité que de la normaliser.

En outre, l’un des objectifs de la littérature féministe du XXIᵉ siècle est la sororité et l’antistigmatisation des femmes qui ne seraient pas conformes à l’idéal féministe. Par exemple, dans Real Estate (2021), l’un des volumes de l’autobiographie de Deborah Levy, l’auteure remet en question l’idée que la possession d’une maison correspond à la réussite de la vie d’une femme.

Au début de l’œuvre, elle fantasme à propos de la maison qu’elle désire acheter, elle la nomme son « unreal estate » et semble penser que c’est l’un des paramètres qui conditionne une vie de femme réussie. Après tout, Virginia Woolf l’avait dit, une femme doit avoir « une chambre à soi »… Néanmoins, tout au long de l’ouvrage, elle déconstruit cet impératif de possession immobilière et suggère dès lors qu’il constitue une charge mentale pour les femmes. Elle conclut son ouvrage en déclarant que l’héritage qu’elle laissera à ses enfants, c’est une maison littéraire faite de tous les livres qu’elle a écrits.

Quelle est l’idée des ouvrages féministes ?

L’idée des ouvrages féministes de ce type est ainsi de normaliser l’idée que les femmes mariées ou non, propriétaires ou locataires, ou encore indépendantes ou dépendantes financièrement sont toutes les égales des hommes. Ainsi, si de nombreux romans des siècles précédents posaient des conditions pour que les femmes s’émancipent du patriarcat (une éducation, une chambre à soi, ou une rente mensuelle), les auteures du XXIᵉ siècle prônent un féminisme inconditionnel qui n’est soumis à aucun prérequis. Il ne s’agit plus tant de changer les lois ou les aides prodiguées aux femmes, mais d’agir sur les mentalités.

Voilà, tu es maintenant incollable sur le féminisme au Royaume-Uni. Si tu veux en apprendre plus sur l’histoire des femmes en France, tu peux consulter notre article sur les femmes au Panthéon !