Salut à tous ! Dans cet article, nous avons vocation à vous donner une synthèse satisfaisante de ce qui se passe aux Etats-Unis concernant les tensions entre la communauté noire et blanche du pays.

Des siècles de racisme : de l’esclavage à la ségrégation

       L’esclavage aux Etats-Unis (1619-1865)

L’esclavage s’institutionnalise progressivement et à rythme variable selon les colonies dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Progressivement aboli dans les États du Nord vers le XVIIIe siècle, l’esclavage occupe une position centrale dans l’organisation sociale et économique du Sud des États-Unis. Les esclaves sont utilisés comme domestiques et dans le secteur agricole (plantations de tabac puis de coton).

Mais bon, on vous apprend rien, n’est-ce pas ?

Voilà des données précises :

  •  Les 13 colonies initiales ont fait venir environ 600 000 africains aux Etats-Unis
  • Avant la guerre de Sécession, on compte environ 4 millions d’esclaves dans le pays.

       La Guerre de Sécession (1861-5)

Depuis le début du XIXe siècle, il y a une forte opposition entre Etats du Nord-Est (en voie d’industrialisation et protectionnistes) et Etats du Sud (ruraux agricoles, esclavagistes et libre-échangistes). La suppression rapide de l’esclavage dans les Etats du Nord ne fut pas tant une œuvre morale que la conséquence inévitable de l’esprit de libre entreprise et de concurrence qui prévalait.

Après l’élection d’Abraham Lincoln à la présidence des Etats-Unis, les Etats du Sud font sécession car celui-ci était foncièrement opposé à l’esclavage. Ils se constituent alors en un Etat propre,  « Confederate states of America » avec un président et une capitale. Après une attaque des forces du sud contre un fort dépendant du gouvernement fédéral, la guerre civile est déclarée. Néanmoins, le Nord sortira victorieux de ce conflit armé.

A l’issue de la Guerre de Sécession, le 13e Amendement de la Constitution (13th Amendement to the Constitution) met fin à l’esclavage.

       Les Black Codes

NB : il s’agit de points de civilisation précis qui ne manqueront pas de mettre en valeur votre copie. So, pay attention !

Après la guerre de Sécession, les Etats du Sud se sont donc vus imposer la fin de l’esclavage. Ils ont alors décidé de recourir à des contournements légaux de la loi appelés Black Code — ensemble de lois américaines votées par les Etats du Sud au niveau local pour limiter les droits des Noirs. Les Black Codes visaient à s’assurer de disposer en permanence d’une main d’œuvre bon marché, et ont donc contribué à pérenniser le statut d’infériorité des esclaves affranchis. Il s’agit d’une interprétation biaisée et a minima de l’abolition de l’esclavage. Ils accordaient aux esclaves affranchis des droits civiques très limités et sans le droit de vote, bien sûr.

Un exemple précis de Black Codes : après la Guerre de Sécession, des esclaves affranchis ont ouvert des commerces pour y vendre notamment du tabac. Certains Etats ont tenté de les y freiner en leur imposant des frais supplémentaires à régler pour acquérir une licence (licensing fees).

       La ségrégation raciale aux Etats-Unis (1875-1967)

Dans le courant du 19e siècle nombre d’Etats mettent en place les lois Jim Crow qui contournent les 13, 14 et 15e (garantit le droit de vote aux anciens esclaves) Amendements de la Constitution. Ces lois instaurent une véritable ségrégation qui sera légitimée en 1896 par la Cour Suprême en formulant la doctrine « separate but equal » dans Plessy v. Ferguson.

Dans certains Etats tels que l’Alabama, l’Etat utilisait le système pénal afin de rétablir une sorte de servage en condamnant les hommes noirs à des années d’emprisonnement durant lesquelles ils travaillaient gratuitement pour des employeurs privés tels que la United Steel Corporation (ECE, souvenez-vous ce merveilleux chapitre sur la Révolution Industrielle : you can feel it too, uh ?).

En 1964 la ségrégation s’achève avec le Civil Rights Act qui instaure la mixité raciale dans tous les lieux publics et permet l’adoption de mesures de discrimination positive.

Et comment on fait le lien avec ce qui se passe aujourd’hui ? Aujourd’hui le système policier et judiciaire américain a grandement hérité de ce qui lui précède. Il existe notamment un lien entre les Black Codes et la politique de la vitre brisée (broken window policy). Si si, je vous explique.

Les Black Codes ont aussi donné lieu à une interprétation sélective de la constitution par la police qui dans certains Etats du Sud a pris l’habitude d’emprisonner des Noirs pour des faits mineurs (petty theft).

Par la suite, en 1982 la théorie de la vitre brisée était théorisée. Cette théorie dit qu’il serait préférable pour le système judiciaire de sanctionner fermement les délits mineurs. Cela se défend par deux arguments :

  • Si on laisse un individu commettre un délit, il est probable qu’il recommence, voire qu’il fasse pire (d’où la théorie de la vitre brisée : il faut arrêter le cambrioleur dès qu’il casse la vitre, ie avant qu’il n’entre dans la maison).
  • Un environnement et des infrastructures détériorées par les délits commis par certains poussent les autres à faire de même. Au contraire si l’environnement autour de soi est respecté, cela pousse les individus à adopter une conduite respectueuse.

Cette théorie sera appliquée par la police de New York en 1993, donnant donc lieu à des arrestations plus nombreuses des Noirs, comme durant les Black Codes (they paved the way for the broken window policy).

Les tensions raciales aujourd’hui

       Les bavures policières (police blunders)

Et la tension monte de plus en plus entre un système policier et judiciaire principalement exercé par des blancs et des victimes principalement de couleur noire. Quelques chiffres pour vous le prouver :

  • Les afro-américains ont 7 fois plus de risques d’être tués par la police que des blancs
  • En prison, les noirs constituent 38% de la population carcérale américaine alors qu’ils représentent 12% de la population totale.

Obama lui-même a dit que le système judiciaire américain favorise les individus riches et blancs. Pour le citer parfaitement, il a dit « the Criminal Justice system is skewed by race and by wealth ». Il complète en disant « there’s a long story of inequity in the criminal justice system in America » (l’équité n’a longtemps pas été respectée au sein du système judiciaire américain).

Dans un tel contexte, les tensions ne pouvaient qu’éclater. Cela a commencé avec la mort de Michael Brown en 2014 : il fut tué à Ferguson par Darren Wilson, un policier qui voulait l’interpeller pour le vol d’une boîte de cigarillos. Les poursuites ont été abandonnées contre ce dernier.

Cette même année, Tamir Rice, 12 ans, décédait. Le jeune garçon jouait dans la rue avec un faux pistolet et la police l’a abattu car ils ne pouvaient pas déterminer si Tamir jouait avec une vraie arme ou non.

Toujours en 2014, il y eut le cas Eric Garner. Soupçonné de vente illégale de cigarette, il est plaqué au sol par plusieurs policiers blancs après avoir tenté de leur résister. Un des agents lui a serré le cou, ce qui est illégal. Or il était obèse et asthmatique. Garner se plaint à plusieurs reprises de ne pas pouvoir respirer (« I can’t breathe ») et perd connaissance. Il décède quelque peu après à l’hôpital. Le légiste a conclu à un homicide, mais la décision a été prise de ne pas inculper le policier responsable de sa mort. Les derniers mots de Garner donneront lieu à au mouvement « I can breathe » qui plus largement débouchera sur un autre mouvement : « Black lives matter ».

Mais les victimes ne s’arrêtent pas là : Laquan McDonald (2014), Freddie Gray (2015) sont aussi des cas qui ont attiré l’attention et révolté la population, donnant lieu à des émeutes.

Ce qui a empiré la situation, c’est la manière très violente avec laquelle a été gérée la situation par les pouvoirs de police. Au terme d’une enquête fédérale qui dressait un portrait accablant des forces de l’ordre, accusées de racisme ou de brutalités gratuites, Ferguson avait reçu l’ordre de réformer son système policier et judiciaire. En effet, pour encadrer les manifestations on a observé une utilisation excessive du matériel militaire voyant, usage des chiens, des tireurs d’élites… Tout cela n’a fait qu’accroître le climat de peur et exacerber les tensions. Le département américain de la justice va engager des poursuites contre la ville de Ferguson dont les élus rechignent à entreprendre les réformes de la police exigées après la mort de Michael Brown.

       Quête d’égalité ou suprémacisme noir ?

Vous n’êtes pas sans savoir que la police américaine a elle aussi essuyé quelques victimes dans ses rangs. Le 7 juillet à Dallas, au sein de manifestations endeuillées du fait de la mort de deux afro-américains par des policiers blancs ont éclaté des tirs qui visaient la police. 5 policiers ont été tués par un tireur d’élite, qui lui-même sera abattu par la suite. Le tueur semble avoir agi en réponse à la mort des deux individus de couleur noire, voulant tuer des blancs, en particulier des policiers blancs.

A Baton Rouge, un ancien militaire noir américain a tué 3 policiers avant d’être lui aussi abattu. On ne peut s’empêcher de rapprocher ces deux événements, par leur proximité dans le temps, les cibles visées et le profil des tueurs. Leur motif semblerait chercher quoique violemment un rétablissement de la balance entre noirs et blancs, mais certains pourront l’interpréter comme un suprémacisme noir. A chacun son interprétation, mais soyez prudents si vous évoquez ces deux pistes…

       Pendant ce temps, les afro-américains continuent de souffrir des inégalités

Voici quelques chiffres qui vous aideront à étoffer et élargir vos raisonnements à ce sujet/

  • La ségrégation spatiale a repris du poil de la bête : en 2010, 74% des enfants noirs étaient inscrits dans une école majoritairement fréquentée par des élèves noirs (contre 62% en 1980).
  • Les noirs sont plus pauvres : 27% d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté contre 15% de moyenne nationale.
  • En 2014, plus de 5% des blancs étaient au chômage contre plus de 11% des noirs.
  • En 2012, le revenu moyen des ménages blancs s’élevait à 57 000 dollars contre environ 33 000 dollars pour des ménages noirs.

Enfin, un peu de vocabulaire

       De base…

  • esclavage = slavery
  • racisme = racism
  • xénophobie = xenophobia
  • discriminer quelqu’un = to discriminate against somebody
  • purger une peine de prison = serve a prison sentence
  • injustement tué = unfairly killed
  • réduire en esclavage = reduce to slavery

       Un peu plus poussé…

  • subir = undergo (underwent au passé)
  • la répression des délits mineurs = a crackdown on petty thefts
  • revendiquer son droit à = to stake one’s claim to
  • le bouc-émissaire = the scapegoat
  • se faire justice soi-même = to take the law into one’s hands

Voilà ! Au mieux, je ne peux vous promettre qu’une note mélancolique pour finir cet article (et cette fois-ci sans traduction, c’est votre boulot pour la semaine prochaine!). Il s’agit d’un extrait de l’ouvrage d’un journaliste et écrivain (noir) influent aux Etats-Unis, dont la référence ne manquera pas d’illuminer vos copies. Cheers!

“So I feared not just the violence of this world but the rules designed to protect you from it, the rules that would have you contort your body to address the block, and contort again to be taken seriously by colleagues, and contort again so as not to give the police a reason. All my life I’d heard people tell their black boys and black girls to “be twice as good,” which is to say “accept half as much.” These words would be spoken with a veneer of religious nobility, as though they evidenced some unspoken quality, some undetected courage, when in fact all they evidenced was the gun to our head and the hand in our pocket. This is how we lose our softness. This is how they steal our right to smile.”

― Ta-Nehisi Coates, Between the World and Me