Chose promise, chose due : Major-Prépa vous présente cette première synthèse sur ce beau pays qu’est l’Équateur. Cet article est le premier d’une grande série qui traitera de la situation économique, politique et sociale des pays hispaniques.

I – Une instabilité politique qui atteint son paroxysme dans les années 1990

Comme vous le savez peut-être, de nombreux pays d’Amérique du Sud ont connu des dictatures durant la guerre froide. Malheureusement, l’Équateur n’a pas fait exception à cette règle. En effet, différents régimes militaires se sont succédé entre les années 1945 et 1979. Toutefois, ces derniers ont eu la particularité de ne pas tomber dans des excès répressifs. Autrement dit, de nombreux Équatoriens ont conservé une bonne image de ce qu’ils appellent aujourd’hui la « dictadouce » (dictablanda en espagnol).

En 1979, Jaime Roldos est devenu le premier président équatorien élu démocratiquement. Sa contribution la plus importante est, sans conteste, sa politique internationale en matière des droits de l’homme. Malheureusement, à peine deux ans plus tard – et alors qu’il s’apprêtait à procéder à une réorganisation complète du secteur des hydrocarbures –, il mourut dans des circonstances très étranges (sujettes à controverses). Cette instabilité atteindra son paroxysme au milieu des années 1990, lorsque le président Abdala Bucaram sera destitué par le congrès pour « incapacité mentale à exercer le pouvoir ». S’en suivra une succession de présidents qui devront tous démissionner suite à différentes affaires ou en raison de soulèvements populaires. Au total, l’Équateur aura donc connu 20 constitutions différentes et pas moins de douze présidents différents se seront succédé entre la fin de la dictature en 1979 et l’élection de Rafael Correa en 2007.    

Son élection en 2007 a marqué un tournant dans la vie politique, économique et sociale du pays. Ainsi, il sera le premier président, depuis 1996, à finir son mandat – il en exercera même deux. En un sens, il a contribué à stabiliser le pays en menant une politique « de gauche » ce qui lui évitera de finir comme ses prédécesseurs, qui, en menant une politique conciliante vis-à-vis du FMI, s’étaient fait évincer du pouvoir par les classes populaires. Si aujourd’hui la situation semble bien plus stable qu’auparavant, on ne peut guère savoir comment la situation évoluera dans les années à venir. Après une tentative de coup d’État en 2010, la stabilité de l’Équateur semble plus que fragile…

II- Une (re)libéralisation progressive de son économie

Comme nous l’évoquions dans la partie précédente, Rafael Correa a donc mené, entre 2007 et 2017, une politique s’inscrivant dans la mouvance du socialisme du XXIe siècle. Ce terme politique, développé en 1996, regroupe l’ensemble des principes socialistes qui se posent en alternative au capitalisme industriel de marché libre. Durant ces dix années de présidence, l’Équateur s’est appuyé sur une intervention croissante de l’État (nationalisations…) pour permettre la mise en place de mesures destinées à accroître la croissance potentielle du pays.
Parmi les mesures les plus marquantes, on retiendra le financement de larges programmes sociaux (scolarité et santé), la modernisation des infrastructures et la construction d’une dizaine de centrales hydroélectriques. Cette augmentation des dépenses publiques a été – entre autres – compensée par une réforme fiscale et par le non-remboursement d’une dette considérée comme illégitime. Bien que soumis à interprétations, les résultats, suite aux deux mandats de Rafael Correa, ont été jugés plutôt positifs. En effet, l’Équateur est, si l’on se réfère au coefficient de Gini, le pays qui a le plus réduit ses inégalités en Amérique latine (2007-2017).

En 2017, son ancien vice-président, Lenin Moreno, est devenu le nouveau président équatorien. Celui-ci, élu pour quatre ans, devait continuer les travaux de son prédécesseur : c’est pourtant l’inverse qui s’est produit. Depuis son élection, Lenin Moreno a décidé de changer radicalement de politique économique en prônant un retour au libéralisme. En effet, selon ce dernier, il est nécessaire de rétablir la solvabilité du pays (mis à mal par les fortes dépenses de son prédécesseur) en attirant les investisseurs étrangers. Pour ce faire, il a décidé de diminuer les dépenses publiques tout en procédant à une flexibilisation du Code du travail et à une réduction de l’impôt sur les sociétés. Pour financer ces mesures, le pays a obtenu en 2018, un prêt du FMI et de la Banque mondiale.

Cette rupture avec son ancien ami et allié ne se limite toutefois pas au seul domaine économique. Premièrement, Lenin Moreno, dans un référendum approuvé en 2018, a proposé – entre autres – d’interdire à un président de se représenter, empêchant ainsi tout retour de Rafael Correa. Ensuite, le président élu a décidé de rétablir le dialogue avec les États-Unis en retirant notamment le droit d’asile politique octroyé à Julian Assange, le fameux lanceur d’alerte ayant dévoilé des milliers de documents confidentiels sur la guerre d’Irak et d’Afghanistan. Vous l’imaginez, les relations entre les deux hommes sont désormais particulièrement tendues, chacun accusant l’autre de corruption. Selon les accusations, Rafael Correa aurait commandité l’enlèvement d’un député et détourné de l’argent public quand Lenin Moreno aurait caché de l’argent dans des paradis fiscaux. Quoi qu’il en soit, cette situation cristallise les tensions au sein du pays.

Dernièrement, les 4 et 5 octobre 2019, de nombreuses protestations sociales ont eu lieu obligeant ainsi Moreno à déclarer l’état d’urgence pendant soixante jours. En cause, la suppression des subventions publiques sur le prix de l’essence renchérissant ainsi le prix du galon de diesel. Le galon de 3,7 litres de diesel est ainsi passé de 1,03 à 2,30 dollars. Cette récente actualité illustre, une fois de plus, l’état fragile dans lequel se trouve encore le pays.

III- De récentes avancées sociales (qui doivent toutefois être nuancées)

D’un point de vue de la santé, de l’éducation et de la pauvreté, il est évident que la politique « progressiste » de Correa a permis l’amélioration du niveau de vie de la population. Ainsi, entre 2007 et 2016, l’espérance de vie a progressé de deux ans, quand le taux d’analphabétisme, a lui fortement diminué passant de 9,3 à 2,7 % entre 2007 et 2009. La prise en charge des personnes handicapées a elle aussi été fortement améliorée du fait du handicap moteur du président Lenin Moreno. Concernant le mariage homosexuel, une réforme du Code civil permet désormais de l’envisager, mais rien n’est encore fait dans ce pays où plus de 80 % de la population est catholique.

C’est d’ailleurs ce qui peut expliquer que l’avortement soit aujourd’hui un sujet si controversé dans ce pays. Durant son mandat, Correa avait d’ailleurs menacé de démissionner si jamais el aborto venait à être légalisé. En Équateur, l’avortement est dépénalisé dans un seul et unique cas : lorsque la vie de la mère est en danger. En septembre 2019, ce sujet a été de nouveau évoqué, mais sa dépénalisation partielle a été une nouvelle fois rejetée par le Parlement.

IV – Conclusion

Pour conclure, l’Équateur est un exemple parfait afin d’illustrer le tournant idéologique majeur qui a eu lieu en Amérique latine à partir des années 2010. Vous pourrez également mobiliser vos connaissances sur ce pays pour aborder des thèmes tels que la corruption ou l’avortement.
Sur ce, je vous laisse avec un tableau qui vous synthétisera l’ensemble des dates importantes.

DATESDESCRIPTION DE L'ÉVÉNEMENT
1979Première élection démocratique, mettant ainsi fin à la "dictadouce"
1990L'instabilité politique atteint son paroxysme
2007Élection de Rafael Correa
2010Échec du coup d'État qui visait Rafael Correa
2017Élection de Lenin Moreno
Septembre 2019Refus de dépénaliser partiellement l'avortement
Octobre 2019L’état d'urgence est déclaré suite aux protestations sociales contre la hausse du prix du carburant

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