La gentrification touche de nombreux endroits dans le monde et le territoire espagnol n’y échappe pas.

Commençons par définir la gentrification de manière simple : ce terme désigne le processus de transformation du profil économique et social d’un quartier urbain ancien au profit d’une classe sociale supérieure ; autrement dit, c’est la tendance à l’embourgeoisement d’un quartier urbain. On observe alors un déplacement de population.

« Ces populations [jeunes urbains, “bobos”] sont à la recherche des “quartiers villages”, des villes populaires, où tout un chacun vit à proximité et se côtoie dans l’espace public. Pourtant, leurs présences transforment la ville à leur image et contribuent à l’éviction des plus pauvres, du fait de l’augmentation des valeurs foncières et de la transformation d’un quartier dans lequel ils se sentent désormais étrangers. » Le Nouvel Obs, La gentrification des quartiers populaires, c’est bien ou c’est mal ? 

Madrid et Barcelone en ligne de mire

Le prix de l’immobilier n’a jamais été si cher à Madrid et Barcelone. Des zones qui étaient parfois marginales deviennent des lieux extrêmement attractifs et attirent une nouvelle population, expulsant les anciens habitants en raison du coût de la vie qui devient trop cher pour eux : voici un exemple typique de gentrification, comme on peut retrouver à Poblenou à Barcelone.

De nombreux locaux se retrouvent obligés de vendre leur logement et de déménager : c’est la conséquence d’un enrichissement progressif de certains quartiers. De nouveaux habitants, espagnols ou étrangers, arrivent avec un pouvoir d’achat plus élevé et jouissent d’un niveau de vie plus confortable.

Les classes moyennes s’appauvrissent et la demande immobilière s’internationalise, notamment suite à la crise qui a rendu le territoire espagnol financièrement attractif, où l’on investit pour revendre plus cher quelques années après. L’immobilier est un secteur clé pour la spéculation. Ce phénomène ne concerne pas uniquement les centres urbains, mais aussi certaines aires périphériques facilement accessibles et attractives.

Le site Inside Airbnb recense les logements touristiques sur Airbnb : on voit ici l’ensemble des logements proposés en location touristique à Barcelone. Comme on peut le voir, le nombre est impressionnant.

La pression du tourisme et « l’Airbnb syndrome »

Ce processus est aussi accéléré par le tourisme : les touristes veulent loger dans les lieux les plus à la mode de la ville, comme Sant Marti à Barcelone ou Chueca à Madrid. Cela se ressent par exemple à travers l’augmentation de la demande d’appartements sur Airbnb et l’augmentation du prix des loyers pour les habitants de ces quartiers.

On observe donc une corrélation importante entre le nombre de logements Airbnb prisés dans un quartier et l’augmentation du prix du m2 dans celui-ci : c’est ainsi que la gentrification débute.

Les Baléares et les Canaries font aussi partie des principaux lieux touchés par ce phénomène.

Le tourisme affecte énormément les villes espagnoles : non seulement cela peut créer des conflits de voisinage et entraîner des manifestations de la part des locaux, mais surtout une « non-population » se substitue à la population locale dans certains quartiers. Ainsi, certains responsables politiques ont même parlé d’une « gentrification 4.0 », c’est-à-dire qu’un espace urbain se retrouve dépourvu des services basiques nécessaires à un habitant présent toute l’année. On peut aussi parler de « ville fantôme » : de nombreux commerces ferment pendant les périodes creuses et les commerces de proximité vendent à des prix très élevés le reste de l’année.

Les mesures prises pour lutter contre la gentrification

Il ne faut pas oublier que c’est avant tout un phénomène global et complexe, à relativiser parfois. Certaines mesures peuvent être adoptées par les villes pour freiner ce processus, peu importe le pays :

Restreindre Airbnb a été considéré par certaines villes comme une solution, temporaire du moins : Berlin a adopté en 2016 des restrictions très strictes concernant Airbnb et la résidence principale. Seulement Berlin a depuis largement assoupli sa mesure face à son inefficacité.

– Construire de nouveaux logements sociaux pour ralentir l’embourgeoisement des centres-villes et mettre en place des amendes en cas de non-respect.

– Encourager le maintien des commerces populaires et accessibles en prix grâce à des politiques urbaines pour que les petits commerces perdurent face aux multinationales malgré le prix des baux commerciaux.

Vocabulaire

  • Gentrification : Aburguesamiento/Gentrificación
  • Urbanisme : Urbanismo
  • Le loyer : El alquiler
  • La banlieue : Los suburbios
  • Un quartier : Un barrio
  • Un logement social : Vivienda social
  • Bail commercial : Contrato de arrendamiento de establecimiento comercial
  • Multinationale : Multinacional
  • Populaire : Popular
  • Enrichissement : Enriquecimiento

Je te recommande de lire cet article rédigé pour l’anglais si tu souhaites connaître le phénomène de manière plus générale.

Pour approfondir le cas de Madrid, tu peux aussi regarder ce dossier (ne lis pas tout, c’est long, mais tu pourras y voir des cartes et des graphiques intéressants), notamment les dernières pages concernant les conclusions et les solutions possibles !