L’Espagne était considérée en 2018 comme étant le premier pays en nombre d’arrivées par la mer de migrants et de réfugiés. C’est plus de 22 000 personnes arrivées cette année-là, mais aussi plus de 300 morts en mer.

Du côté de l’Amérique latine, la tendance des flux intrarégionaux tend à s’amplifier : en effet, en 2015, 66 % des migrants internationaux en Amérique latine provenaient d’un pays de cette région.

C’est pourquoi nous allons évoquer aujourd’hui les enjeux principaux des flux migratoires en Espagne ainsi qu’en Amérique latine. Quels sont les points communs entre ces deux zones et quelles sont les différences ?

Tu dois d’abord maîtriser parfaitement la définition, et ne pas confondre un migrant avec un réfugié. Un migrant est selon l’ONU, « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer », pour des raisons économiques par exemple. Alors qu’un réfugié est à la recherche d’une protection internationale et fuit son pays par crainte de persécution politique ou de conflit.

I. L’immigration en Espagne : le périple de tous les dangers

  • Les chiffres clés de la route migratoire vers l’Espagne

Les migrants traversant la Méditerranée atteignent principalement l’Espagne, ce qui en fait la route migratoire la plus mortelle au monde, selon un article publié par El País en mai 2018. Ce dernier rapporte qu’une personne sur 29, essayant de rejoindre le territoire espagnol, est morte (contre environ une personne sur 36 tentant de rejoindre l’Italie), ce qui fait de cette « route espagnole », aussi appelée « route méditerranéenne occidentale », l’itinéraire de tous les dangers…

  • D’où viennent-ils ?

La majorité des migrants arrivant aujourd’hui en Espagne viennent d’Afrique subsaharienne et du Maroc, étant donné sa proximité géographique. « Ils sont 3 100 Guinéens, 2 600 Marocains, 2 200 Maliens et 1 200 Ivoiriens à emprunter la “route espagnole” », selon les données du HCR.

Mais de nombreuses autres nationalités résident aussi en Espagne : Roumains (pour des raisons économiques, mais aussi car les deux parlent des langues latines), Maghrébins, Anglais (ils viennent pour leur retraite), Italiens, Chinois, Vénézuéliens, Colombiens et Équatoriens. Le territoire espagnol est par nature composé de diverses cultures, et c’est ce qui en fait sa richesse.

Le pays est aussi historiquement une terre d’émigration (des Espagnols qui partent) : on peut citer entre autres les années de dictature, les années de pénuries et famines après la guerre civile, les années 2010 après la crise… De nombreux jeunes « cerveaux » continuent à migrer hors de l’Espagne pour avoir accès à davantage d’opportunités professionnelles (cf. le mouvement Juventud sin Futuro).

  • Les conséquences de l’immigration pour le pays

L’Espagne a donc du faire face à un afflux massif de migrants. L’immigration se répercute à plusieurs niveaux dans le pays.

Celle-ci permet de gagner en main-d’œuvre et provoque une augmentation de la population ainsi qu’un rajeunissement de celle-ci.

Au niveau économique, le nombre de personnes affiliées à la Sécurité sociale augmente et le PIB croît aussi.

L’intégration des migrants est considérée comme moins problématique en Espagne par rapport à d’autres pays de l’Union européenne, cela étant dû au fait que, comme nous l’avons vu précédemment, le peuple espagnol est un peuple formé par les migrations. Par exemple, jusqu’à Vox, il n’existait pas de parti d’extrême droite qui alimentait le rejet des autres et donc le racisme. On sait de plus que la culture espagnole et la culture arabe ont de nombreux points communs, ce qui évite les hostilités. C’est pourquoi Barbara Loyer raconte :  « La décision d’accueillir l’Aquarius a été critiquée par certains médias espagnols, mais globalement, la question de l’immigration ne suscite pas un débat national comme ailleurs en Europe. »

  • Les politiques espagnoles liées à l’immigration

L’accueil des migrants dans le pays est un véritable enjeu de la politique intérieure.

Des politiques de régularisation des immigrants illégaux ont été mises en place entre 1995 et 2005. Dans les années qui ont suivi la crise de 2008, de nombreux migrants sont retournés dans leur pays d’origine. Pour autant, l’Espagne ne cesse d’être un pays récepteur de migrants, le nombre d’étrangers recensés dans le pays a été multiplié par dix en 20 ans, et ils représentent aujourd’hui plus de 10 % de la population.

On se souviendra de Pedro Sanchez qui a décidé en 2018 d’accueillir l’Aquarius, bateau comptant 629 migrants et rejeté par les ports grecs et italiens. Dès son arrivée au pouvoir en juin, le président a prôné une politique en faveur du respect des Droits de l’homme. Du 1er janvier au 15 juillet, c’est ainsi plus de 12 000 migrants qui sont arrivés en Espagne. 

Mais les ONG restent prudentes avant de tirer des conclusions de ces nouvelles politiques du parti socialiste. Nuria Diaz, porte-parole d’une ONG, explique dans un article de France 24 : « Il y a eu un certain nombre de gestes positifs. Notre plus grande attente concerne la politique européenne du gouvernement. Pedro Sanchez se veut être le moteur d’une nouvelle politique de solidarité européenne vis-à-vis des réfugiés. Il faudra le juger sur les résultats obtenus. »

  • Un point sur la position de l’Union européenne

Il n’y a pas de consensus des pays européens concernant les politiques migratoires, et certains pays comme la Hongrie ou l’Autriche défendent des politiques plutôt hostiles, malgré les valeurs de solidarité et d’accueil défendues par l’Union européenne.

Dès 1998 ont été construites des barrières de 8 km entre Melilla et le Maroc afin de stopper l’immigration illégale.

C’est en 2016 qu’est signé un Accord sur l’immigration entre la Turquie et l’UE afin de limiter le nombre de migrants transitant par la Turquie pour arriver en Europe. Cet accord impliquait que la Turquie devait accueillir des migrants.  En échange, des aides seraient versées à la Turquie, des facilités concernant les visas turcs seraient mises en place, mais aussi des négociations pour faciliter l’adhésion de la Turquie. Cet accord avait suscité de nombreuses critiques, dénonçant parfois le non-respect des Droits de l’homme en Turquie. Quatre ans plus tard, cet accord est considéré comme « mort », notamment par le Premier ministre grec.

C’est l’agence européenne Frontex qui assure la gestion de la coopération concernant les frontières extérieures et empêche notamment des embarcations d’atteindre les côtes espagnoles. Il existe aussi un système de quota : chaque pays doit accueillir un certain nombre de réfugiés. Mais bon nombre de pays peinent à les respecter. L’Espagne fait partie des pays qui respectent le moins : elle en accueille seulement 14 % (contre 92 % pour la Finlande par exemple). D’autre part, les pays de l’UE se sont engagés à verser 500 millions d’euros au fond de l’UE pour l’Afrique.

II. L’immigration en Amérique latine et aux États-Unis : des mouvements humains sans précédent pour le continent

  • Les flux migratoires en Amérique latine

Historiquement, l’Amérique latine a été une terre d’accueil, de refuge parfois, pour de nombreux Européens, durant la colonisation, la dictature espagnole où de nombreux républicains ont fui, ou encore après la Seconde Guerre mondiale avec l’arrivée de nombreux juifs, mais aussi de nazis (exemple tristement célèbre de Klaus Barbie).

Mais au sein même de cette terre, on peut observer de nombreuses émigrations, concernant principalement le Mexique et le Venezuela. Les populations fuient pour deux raisons :

  • politiques : pendant les années 1970, de nombreux Latinos ont fui les dictatures craignant la violence et la répression. C’est de nos jours encore valable au Nicaragua avec la répression de Daniel Ortega. Avec cette crise, c’est par exemple 3 000 arrivées de migrants chaque semaine depuis un mois pour le Costa Rica ;
  • économiques : les habitants du Venezuela, d’Amérique centrale et du Mexique se dirigent vers les États-Unis, avec l’espoir d’y vivre une vie meilleure et de trouver du travail pour faire vivre leur famille.

Mais comment les gouvernements gèrent-ils tout cela ?

  • Les conséquences et les réponses des gouvernements latino-américains

Depuis de nombreuses années, la situation économique et politique en Amérique latine est difficile : Venezuela, Brésil, Chili, Mexique… Tous doivent faire face à de graves turbulences et voient leur croissance ralentir, voire s’effondrer. Ces crises ne cessent de favoriser les flux migratoires à travers le continent. Regardons un cas concret : à la suite de la crise vénézuélienne, les flux migratoires ont été impressionnants. Les gouvernements d’Amérique latine peinent à trouver une solution. Depuis 2014, c’est plus de 2,3 millions de Vénézuéliens qui se sont enfuis de leur pays. Soit 5 % de la population. Officieusement, ce serait le double.

C’est d’ici que naît la xénophobie, mais aussi les trafics de drogue, d’armes et de bois, et la hausse de l’insécurité et de la violence.

C’est en Colombie que près d’un million de Vénézuéliens ont migré. Un document est donc exigé pour traverser légalement. Grâce à la Tarjeta de Transito Fronterizo, les citoyens du Venezuela peuvent travailler et accéder au système éducatif colombien.

Au Brésil, entre autres, de violents incidents anti-vénézuéliens ont éclaté à la frontière. Signe révélateur encore une fois de tensions croissantes entre les pays.

  • Le poids des Latinos aux États-Unis

Les États-Unis sont devenus le premier pôle d’attractivité pour les migrants latino-américains. Les Latinos ont actuellement un poids important dans la société américaine, tant au niveau :

  • démographique : ils représentent plus de 17 % de la population, soit 55 millions d’habitants ;
  • culturel : l’espagnol est la deuxième langue la plus parlée aux États-Unis, on peut citer aussi la gastronomie et la musique ;
  • politique : c’est en partie grâce à leurs votes que le président Barack Obama a été élu, l’échec d’Hillary Clinton s’explique aussi ainsi ;
  • économique : on peut compter quatre millions d’entreprises dans le pays qui appartiennent à des propriétaires d’origine latine. Tout cela représente pas moins de 700 milliards de dollars.
  • La politique migratoire des États-Unis

Le président Donald Trump a mis en place une véritable politique de limitation de séjour des étrangers aux États-Unis. Voyons cela à travers diverses mesures, touchant directement les Latino-Américains. On estime que deux millions d’émigrés latino-américains se retrouvent bloqués au Mexique.

Intéressons-nous aux dreamers. Le programme Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA) avait été instauré en 2012 pour permettre aux Latinos qui étaient arrivés aux États-Unis pendant leur enfance d’avoir le droit d’étudier et de travailler légalement dans le pays pendant deux ans renouvelables. Le président actuel a lui depuis décidé, en septembre 2017, de supprimer cette loi, qui affecte 800 000 dreamers. Ils doivent donc quitter le pays ou rester en toute illégalité…  À noter : en raison d’ordonnances de la Cour fédérale, des demandes de renouvellement de DACA semblent toujours être acceptées selon le site de l’USCIS, mais uniquement pour ceux qui en auraient déjà bénéficié auparavant.

Ce n’est pas tout, le président Trump a été critiqué à de nombreuses reprises, concernant notamment sa tolérance zéro vis-à-vis de la séparation des familles. Des images insoutenables de jeunes enfants séparés de leur mère ont fait le tour des réseaux sociaux, mais aussi de cages remplies de détenus attendant d’être rapatriés.

Déjà, la politique de pies secos y mojados, qui avait été mise en place il y a plus de 20 ans dans le but d’accueillir des possibles opposants à Castro, avait elle aussi pris fin sous le mandat d’Obama. Cette dernière offrait l’opportunité aux Cubains de rester légalement sur le territoire américain si ceux-ci avaient traversé la frontière par la terre, et non par la mer, « posant le pied sur le sol américain ». Désormais, ils seront expulsés.

Le statut qui protégeait 200 000 habitants du Salvador à la suite du tremblement de terre en 2001, le Temporary Protected Status, permettait aux citoyens de travailler aux États-Unis. L’administration américaine a annoncé en janvier 2018 qu’elle ne renouvellerait pas le programme. Les concernés ont eu jusqu’en 2019 pour quitter le pays.

  • Pour approfondir le sujet, je te conseille d’écouter ce podcast de France Inter, La vraie crise migratoire est en Amérique latine, pas en Europe : https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-jean-marc-four/la-chronique-de-jean-marc-four-27-aout-2018

III. Vocabulaire

  • L’immigration = la inmigración
  • Le taux = la tasa
  • Surpeuplé = hacinado
  • Clandestin = clandestino
  • La carte d’identité = el DNI
  • Être sans papiers = ser un indocumentado = ser un “sin papeles”
  • La plus mortelle = la más letal
  • Valla de Melilla = Barrière de Melilla
  • Radeau = balsa
  • Insoutenable = insostenible
  • El coyote = le passeur
  • Le visa = el visado
  • Être expulsé = ser deportado
  • L’ambassade = la embajada