Le droit à l’avortement reste encore très limité dans un bon nombre de pays hispanophones. On te propose un panorama des évolutions récentes, mais aussi des évolutions à prévoir.

L’Espagne

L’interruption volontaire de grossesse en Espagne a connu de nombreux aléas, notamment du fait de la tradition catholique espagnole qui freine certains progrès sociaux comme le droit à l’IVG. Jusqu’en 1985, avorter est considéré comme un délit. En 1985, l’Espagne dépénalise l’IVG pour les femmes dont le pronostic vital est engagé, pour celles ayant été violées et en cas de malformation du fœtus.

En juillet 2010, une nouvelle loi est entrée en vigueur : elle a pour objectif de garantir le droit à l’avortement et de prolonger le temps légal pour avorter, passant de 12 à 14 semaines.

En 2013, le gouvernement de Mariano Rajoy (partido popular) a présenté une réforme de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse. Elle avait pour objectif de restreindre la possibilité d’avorter librement au cours des premières semaines et rendait l’avortement encore plus difficile que la loi de 1985, puisqu’elle éliminait les malformations du fœtus des raisons valables pour avorter et exigeait le rapport de deux médecins, et non plus d’un, pour prouver les dangers de la grossesse pour la femme. Elle exigeait également que l’avortement en cas de viol ne puisse avoir lieu que lorsque la victime avait porté plainte. En septembre 2014, face à la vague de contestations qu’elle avait provoquée en Espagne, mais aussi à Londres et à Paris, le gouvernement a annulé cette réforme.

En Amérique latine

En Amérique latine, la tradition catholique est également une des raisons pour lesquelles le droit à l’avortement est loin d’être systématique dans de nombreux pays.

Certains pays tels que Cuba, l’Uruguay et le Guyana, ou encore la ville de Mexico, tirent bien leur épingle du jeu. À l’inverse, dans certains pays, l’avortement est strictement interdit. C’est le cas du Honduras, d’Haïti, du Nicaragua, du Salvador, du Suriname et de la République dominicaine. Ces pays sanctionnent lourdement les avortements clandestins, avec une peine allant jusqu’à 30 ans de prison pour homicide. Cette loi donne lieu à des situations absurdes, comme dans le cas de Teodora Vasquez, une habitante du Salvador incarcérée 11 ans suite à une fausse couche et libérée début 2018, dont l’histoire et le combat pour retrouver sa liberté avaient été médiatisés.

Dans la plupart des pays d’Amérique latine, l’avortement n’est autorisé que dans de rares cas, à savoir lorsque la vie de la femme est en danger, en cas de viol ou de malformation du fœtus.

Selon l’OMS, l’Amérique latine est la région du monde avec le plus grand nombre d’avortements légaux et clandestins.

Attention : cette carte date de septembre 2019. Depuis, certains pays ont connu des changements, et c’est notamment le cas de l’Argentine.

Étude de cas : l’Argentine

Jusqu’en 2020, l’avortement y est illégal, sauf en cas de viol ou si la vie de la femme est en danger.

Avant 2007, l’un des aspects marquants concernant le droit à l’IVG pour les femmes en Argentine était la méconnaissance de leurs droits, mais aussi l’absence de reconnaissance de ces droits, et ce, notamment par les médecins. Elles ignoraient les conditions dans lesquelles elles avaient le droit d’avorter et les médecins ne les leur communiquaient pas et refusaient bien souvent de pratiquer l’IVG tant qu’une autorisation judiciaire ne les autorisait pas à le faire. Cela retardait la demande, qui finissait par dépasser le délai légal pour avorter. À partir de 2007, l’Argentine a pris des mesures et a amélioré sa communication pour éviter que ces problèmes ne surviennent trop fréquemment, mais les médecins ont encore trop souvent eu recours à l’objection de conscience, refusant toujours de pratiquer les avortements.

En 2018, les sénateurs ont été amenés à se prononcer sur une nouvelle loi concernant le droit à l’IVG suite à de nombreuses manifestations où les femmes réclamaient plus de droits, et notamment le droit à avorter durant les 14 premières semaines de grossesse. Le Sénat s’y est opposé à 38 voix contre 31. Toutefois, ce résultat était symptomatique de la situation en Argentine : il était le reflet d’un pays très divisé sur la question, mais surtout, il montrait que des progrès sociaux pouvaient être envisagés dans les années à venir, car l’écart entre les partisans et les opposants du droit à l’IVG se resserrait chaque année. Les manifestants étaient de plus en plus nombreux et laissaient présager un meilleur avenir. Le symbole de leur lutte est devenu un foulard vert.

Le Chili a repris ce symbole à son tour pour demander plus de droits. Le recours à l’avortement y a été partiellement dépénalisé en août 2017, mettant fin à vingt-huit ans d’interdiction totale de la pratique. Les conditions d’avortement restent cependant restreintes, d’où l’appellation « Ley tres causales » (Loi des trois causes), puisqu’il n’est autorisé qu’en cas de danger pour la vie de la mère, en cas de fœtus avec une malformation qui rend la survie de l’enfant hors de l’utérus impossible, ou en cas de viol. Si cela représente un véritable premier pas, à l’été 2019, le peuple chilien est descendu dans la rue avec un foulard vert et a demandé à nouveau au gouvernement d’étendre les conditions, preuve que la lutte pour le droit à l’IVG n’est pas terminée.

L’Argentine a néanmoins connu un véritable tournant historique le 30 décembre 2020. Deux ans après le premier rejet parlementaire, l’avortement a finalement été légalisé en Argentine. Cette nouvelle loi est le fruit de longues années de manifestations et de discussions et a été approuvée au Sénat à 38 voix contre 29. Il est donc désormais possible pour les femmes d’avorter jusqu’à quatorze semaines de grossesse. Cette décision a été célébrée dans tout le pays, où les habitants ont défilé dans les rues vêtus de vert. Toutefois, il convient de souligner que l’objection de conscience reste en vigueur en Argentine. Cela pourrait bien compliquer l’accès réel des femmes à l’avortement dans les cas où des médecins s’opposeraient à répétition à pratiquer l’IVG, retardant les interventions médicales. Cela risque notamment d’être le cas dans les campagnes pauvres ou les provinces conservatrices.

Au Chili, l’exemple de l’Argentine inspire et une dépénalisation de l’avortement est en discussion. Ces exemples sont très symboliques de l’avancement lent, mais effectif, du droit à l’avortement en Amérique latine : la population est aujourd’hui très divisée, mais des élargissements de la loi sont à prévoir pour les prochaines années, car les mœurs changent progressivement et la population descend dans la rue pour demander plus de droits.

Lexique utile

  • el embarazo = la grossesse
  • primeras semanas de gestación = les premières semaines de grossesse
  • el feto = le fœtus
  • graves anomalías = anomalies
  •  la sexualidad = la sexualité
  • una violación = une violation
  • el aborto voluntario = l’IVG
  • métodos anticonceptivos = méthodes contraceptives
  • el aborto = l’avortement
  • ley = loi
  • legislación = législation
  • un delito = un délit
  •  la protección de la vida prenatal = la protection de la vie prénatale
  • la polémica = la polémique
  • la píldora del día después = la pilule du lendemain
  • parir = accoucher
  • dar a luz = mettre au monde