A l’heure où l’Espagne accueille son tout “nouveau” gouvernement, le pays entre dans une nouvelle ère politique. Mais d’où viennent ces partis? Quels sont leurs dirigeants? Qu’est-ce qu’ils proposent? Nous allons faire un petit tour historique des partis politiques en Espagne à travers trois périodes:

  • El franquismo
    • Intento de partido unico
  • La Transición democrática : principios del bipartidismo
    • El PP
    • El PSOE
  • Los partidos salidos de la reforma de la democracia consecuente a la crisis
    • Ciudadanos
    • Podemos

Un partido politico es una agrupación de ciudadanos guiados por un líder y unidos por intereses comunes que tratan de satisfacer gracias a un programa de principios, mediante la conquista del poder politico.

Le franquisme: un parti unique

Franco est resté au pouvoir quasiment quatre décennies (de 1939 à 1975), période au cours de laquelle il centralisa les pouvoirs autour de sa personne. Voici quelques unes des lois et décrets qui lui donnèrent progressivement les pleins pouvoirs:

  • Décret de Burgos (septembre 1936): Francisco Franco devient le “Generalisimo de los Ejéricitos” (le Dieu tout-puissant au niveau militaire) + “Jefe del Gobierno del Estado Espanol”
  • Loi du 30 janvier 1938: il revient à Franco le droit de dicter et faire appliquer des lois (en août de 1939, ce droit ne doit même plus être approuvé par le Conseil des Ministres…)

Aussi, autour du personnage de Franco se forma un petit comité de personnes, le cabinet intérieur “minimal” pour gouverner selon les principes du “falangismo” (cf: La Falange, parti fondé par Primo de Rivera), du conservatisme antiparlementaire et du catholicisme traditionnel.

En 1937 naissent les JONS et la FET (Juntas de Ofensiva Nacional Sindicalista et Falange Espanola Tradicionalista) pour unifier tous les “rebelles” à l’origine du coup d’état sous les principes évoqués au-dessus.

Une fois le régime de Franco bien établi, la vie politique s’est articulée autour de plusieurs pôles:

familias-politicas-franquismo

Mais tous ces pôles ne forment que le soutien au régime. Comme on l’a évoqué un peu plus haut, il y avait bien un unique parti qui se voulait être la source et la centralisation de toute la vie politique: “El Movimiento Nacional”. Né en 1943, ce mouvement aspirait à unifier toutes ces fractions politique sous une même bannière. Au centre de celle-ci se trouvait le parti unique : Falange Espanola Tradicionalista y de las Juntas de Ofensiva Nacional Sindicalista (FET + JONS). Franco était, bien sûr, le Chef National du Mouvement.

La transition démocratique : les débuts du bipartisme (PP et PSOE)

Comme vous le savez sûrement, la Transition démocratique espagnole a commencé très précisément à la mort de Franco: le 20 novembre 1975. Pas le peine de refaire des dizaines de lignes sur cette période, que vous en avez marrez d’entendre, mais voici un petit résumé (au cas où):

  • Elle commence donc à la mort de Franco et termine en 1982, quand le regime démocratique est bien implanté en Espagne. En effet, 1982 est l’année de la première alternance politique avec la montée au pouvoir du PSOE (parti socialiste) de Felipe Gonzalez.
  • Deux personnalités politiques complètement indispensables:
    • Juan Carlos I: il est proclamé roi d’Espagne le 20 novembre et hérite ainsi de tous les pouvoirs réservés par les lois du régime franquiste au chef de l’Etat (notamment la direction de l’armée, du Mouvement National (parti unique) et des Cortes franquistes). Le plus important, c’est que ce roi a réussi à unifier l’nsemble des espagnols dans le chemin vers la démocratie. Beaucoup se souviennent de son attitude exemplaire face au coup d’état faille du Coronel Tejero le 23 février 1981.
    • Adolfo Suárez: l’homme de confiance désigné par Juan Carlos. Suarez, qui représentait l’ancien parti unique, est ainsi nommé president du gouvernement en 1976. Sous son gouvernement, une série de réformes essentielles à la réussite de la Transition sont entreprises par les institutions du régime (legaliser les partis politiques, obliger les Cortes franquistes à voter leur proper dissolution, organiser les premières assemblées politiques libres etc).

juan-carlos-iL’ancien roi d’Espagne, Juan Carlos I

adolfo-suarez Adolfo Suárez

Les deux partis nés de la Transition démocratique sont donc:

Le PP: le parti populaire espagnol. Il a été fondé en 1989 par Manuel Fraga, ancien minustre franquiste et chef de la droite conservatrice depuis le retour à la démocratie. Emmené par José Maria Aznar, il remporte les élections générales de 1996 puis celles de 2000. En 2003, Aznar se retire au profit de Rajoy. Le PP gagne les élections générales de 2011 mais après quatre années d’austérité budgétaire et de scandales de corruption, le parti est lourdement sanctionné aux élections de 2015.

mariano-rajoy Mariano Rajoy, le chef du gouvernement et président du PP.

pp-logoLe logo du PP.

Le PSOE: le parti socialiste espagnol. Au pouvoir de 1982 à 1996, le PSOE est aussi au gouvernement de 2004 à 2011. Aux élections générales de 2016 (le deuxième tour), il subissait sa plus loured défaite électorale depuis la transition démocratique. En septembre 2016, le PSOE traverse une grande crise: après leur déroute aux élections autonomiques en Galice et au Pays Basque, Sanchez indique vouloir former un gouvernement de gauche, rejetant complètement une alliance de son parti avec le PP. Or, beaucoup avaient compris qu’une telle alliance était la seule solution pour former un gouvernement stable qui puisse faire face aux 15 milliards d’euros de coupes budgétaires que demande actuellement l’Union Européenne à l’Espagne. Cependant, Sanchez a compris qu’un tel gouvernement deviendrait rapidement impopulaire, il a donc choisi de suivre la logique de son parti plutôt que de sacrifier certains points de son programme pour donner à l’Espagne un gouvernement stable.

pedro-sanchez Pedro Sánchez, l’ancien président du PSOE

javier-fernandez Javier Fernández, le président provisoire du PSOE

logo-psoe Le logo du PSOE

Les partis politiques nés de la réforme de la démocratie suite à la crise (Ciudadanos et Podemos)

 Encore une période dont vous avez largement entendu parler : le mouvement des indignés ou le mouvement du 15-M. Il a lieu le 15 mai 2011 à la Puerta del Sol, à Madrid et a rassemblé des centaines de manifestants dans une centaine de villes. A suivi une série de manifestations pacifiques, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes autour de « ¡Democracia Real Ya ! ». Les manifestants avaient en commun le sentiment d’avoir été trompés et délaissés par le gouvernement à travers les nombreux cas de corruption, l’austérité suite à la crise et l’immuable bipartisme.

De ces manifestations, naissent deux partis reposant sur des plateformes d’intervention ouvertes à tous (démocratie horizontale) :

Podemos : est le plus radical des deux partis en lien avec le mouvement des indignés. Contrairement à Ciudadanos, ce parti reste une formation non officielle jusqu’en janvier 2014. C’est aujourd’hui un parti de la gauche radicale en Espagne. Aux élections générales de juin 2016 (2ème tour), une coalition est mise en place avec la gauche unie (UI) pour dépasser le PSOE. Cette coalition porte le nom d’Unidos Podemos et obtient 21% des voix. Leur programme politique repose sur 4 piliers principaux

  • Redresser l’économie en renforçant le contrôle public et instaurant « la dignité sociale » via le revenu de base pour tous
  • Promouvoir la liberté, l’égalité et la fraternité en abattant les barrières à travers l’Europe
  • Redéfinir la souveraineté en révoquant le traité de Lisbonne et en retirant l’Espagne de certaines zones de libre – échange
  • Récupérer la terre en réduisant la consommation de combustibles fossiles.

pablo-iglesias Pablo Iglesias, le président de Podemos

logo-podemos le logo de Podemos

Ciudadanos : est un parti politique du centre, progressiste et libéral. En fait, ce parti existe avant 2011 mais le mouvement des indignés lui donne la visibilité dont il avait besoin pour progresser dans l’échiquier politique national. Il est fondé en 2005 à partir de la plateforme civique Ciutadans de Catalunya créée par un groupe d’intellectuels de différents milieux. Leur idéologie repose sur 5 piliers fondamentaux : la citoyenneté, la liberté et égalité, la laïcité, l’imposition de la langue espagnole (interdire l’enseignement unique du catalan dans la région) et la défesne de la Constitution espagnole. Rivera est le seul homme politique à réunir plus de 50% d’opinions favorables là où le chef de gouvernement Mariano Rajoy plafonne à 24%.

albert-rivera Albert Rivera, le président de Ciudadanos

ciudadanos le logo de Ciudadanos

Le plus important à retenir 

L’austérité et les scandales de corruption du PP…mais il est réélu ? Après la crise de 2008, qui fut double pour l’Espagne (« crisis del ladrillo » combinée à la crise financière mondiale), le gouvernement espagnol opte pour l’austérité. Les coupes budgétaires dans des domaines jugés essentiels comme l’éducation et la santé se font de plus en plus fréquentes. Celles-ci sont lourdement critiquées par la population, qui perd rapidement en pouvoir d’achat et vit avec la peur de se faire licencier ou de perdre ses primes de fonctionnaire.

La corruption du parti ne fait qu’aggraver cette situation d’exaspération générale. L’incident le plus grave remonte à 2009, quand le trésorier du PP Luis Barcenas, est mis en examen pour blanchiment d’argent et fraude fiscale. Plus particulièrement, il est responsable d’avoir mené une comptabilité B du Parti Populaire pour détourner de grosses sommes au profit des membres du parti.

Le déclin progressif du PSOE. Avant les élections de 2015 (locales au printemps et générales en décembre), les résultats du PSOE commençaient à être décevants. En effet, le parti avait encaissé un déclin important par rapport à ses résultats quand le système politique était bipartite. Le problème principal est que, face aux nouveaux partis, le PSOE n’a pas su bien gérer le tournant. Par manque d’adaptation à la nouvelle situation et les pauvres qualités de Pedro Sanchez pour rassembler ses votants, le PSOE a encaissé le pire résultat de son histoire. Pedro Sanchez a démissionné, avant tout, parce qu’il n’a pas réussi à rallier son parti, et plus largement les votants centristes, derrière lui alors que la situation aurait pu être des plus fructueuses pour un parti du centre.

 

Le centrisme (beaucoup trop passif ?) de Ciudadanos. Si au début, le parti Ciudadanos semblait le plus dynamique et réaliste de tous, il s’est heurté à quelques critiques de taille pendant les 9 mois de chaos politique qu’a traversés l’Espagne. En effet, il s’est vu entraîné dans de nombreux accords qui ont profité de sa position centriste pour essayer d’avoir la majorité : le PSOE a essayé de former un gouvernement en passant un pacte avec C’s, qui n’a finalement pas abouti, mais le PP a aussi tenté sa chance. Finalement, Ciudadano’s est vu par de nombreux votants centristes comme « le pantin du PP », raison pour laquelle ils se trouvent dépourvus d’une bonne représentation au centre de l’échiquier politique.

 

L’extrémisme presque ridicule de Podemos. Il est certain que leur programme politique représente tout ce que beaucoup de citoyens aimeraient changer du système politique espagnol. Cependant, il est nécessaire de le voir en perspective : comme il est coutume avec les mouvements populistes, le leader du parti Pablo Iglesias se montre dans des speechs enflammés (et peu rationnels) qui laissent voir les deux inconvénients majeurs de son parti :

  • Faire des promesses qui restent de simples paroles en l’air. C’est vrai, leur programme politique est TRES progressiste et aurait le mérite de renouveler l’ensemble du fonctionnement démocratique. Cependant, il est aussi TRES peu réaliste: le parti n’a donné aucune indication sur les instruments qu’il compte utiliser pour mener à bien leurs nombreux objectifs et ne répond pas de façon directe lorsqu’il se confronte à des questions dessus.
  • Ressortir les camps de la guerre civile espagnole dans un discours sentimental: comme nous venons de le voir, la transition a le mérite d’avoir réuni les espagnols dans le chemin vers la démocratie, laissant de côté leurs animosités suite à la guerre civile et à 4 décennies de franquisme. Jusqu’ici, il n’y a eu que des problèmes mineurs convernant les débats républicains / franquistes, grace à ce “consensus tacite” de la transition. Mais Pablo Iglesias insiste à ressortir ce débat constamment, ce qui est perçu comme une source de division des citoyens, plus qu’un débat fructueux.