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Nous sommes en août 2015. Martin Shkreli, entrepreneur américain dans le secteur pharmaceutique, président exécutif de Turing Pharmaceuticals, rachète les droits de commercialisation du Daraprim – un médicament utilisé par les patients atteints du sida – et multiplie son prix par… 55. De 13,50 à 750 dollars américains, rendant extrêmement difficile l’approvisionnement en Daraprim pour plus d’un million d’Américains malades.

L’homme le plus détesté des États-Unis

Un scandale s’ensuit. Martin Shkreli se défend : il a juste voulu réaliser des bénéfices sur la vente de ce médicament, pratique commerciale des plus répandues. Il affirme aussi que le prix de son médicament est faible par rapport aux autres traitements de maladies orphelines.

Martin Shkreli, en 2016, devant le Congrès américain
Martin Shkreli, en 2016, devant le Congrès américain

Mais tous ne sont pas convaincus par ce raisonnement. Mark Baum, CEO de Imprimis Pharmaceuticals, décide de vendre un substitut à un dollar pièce. Interrogé par la presse américaine, il déclare ne pas réaliser de perte avec cette décision, les composants chimiques de ce médicament étant peu chers. Des lycéens australiens, dotés de bien moins de moyens que les grandes entreprises pharmaceutiques américaines, réussissent à synthétiser un des éléments clés du Daraprim pour 20 dollars.

Face à la pression publique et politique, Turing Pharmaceuticals décide de réduire de moitié le prix pour les hôpitaux. L’effort est considéré risible. Mark Shkreli commence à être titré « l’homme le plus détesté des États-Unis » sur tout le territoire. Des révélations sont faites. Turing Pharmaceuticals a bloqué l’arrivée de concurrents sur le marché en captant tous les stocks nécessaires à la production de leur médicament.

Afin d’échapper à la vindicte populaire à laquelle elle fait face, l’entreprise décide de baisser à nouveau le prix du Daraprim. Cela n’empêche pas la poursuite des actions judiciaires ayant déjà débuté. Elles mèneront à une amende de près de 65 millions de dollars pour Martin Shkreli, à son incarcération – qui devrait prendre fin en novembre 2022 – et, plus récemment, à son bannissement à vie du secteur pharmaceutique par la juge Denise Cote.

Une histoire parmi tant d’autres

Malheureusement, ce scandale pharmaceutique n’est pas isolé. Régulièrement, de nouvelles révélations concernant les dérives de Big Pharma – les plus grandes entreprises pharmaceutiques aux États-Unis – ont lieu.

Purdue Pharma et l’OxyContin

Nous sommes en 1996. En Amérique du Nord, de nombreux habitants souffrent de tendinites, de migraines, de maux de dos très handicapants dans leur vie quotidienne.

Arrive Purdue Pharma, entreprise pharmaceutique fondée par la famille Sackler, qui propose une panacée : l’OxyContin, un médicament antidouleur à base d’opiacés – un dérivé de l’opium. Certains docteurs froncent les sourcils : cela ne risque-t-il pas d’entraîner une addiction ? Absolument pas, affirme Purdue Pharma. Pour appuyer son propos, l’entreprise de Big Pharma s’appuie sur une campagne de communication agressive : conférences par et pour des médecins afin de convaincre de l’inoffensivité du produit.

S’ajoute à cette campagne l’argument d’autorité : la FDA (Federal Drugs Administration) n’a-t-elle pas autorisé la commercialisation du produit sur le territoire américain ? Oui, mais le directeur de la commission se penchant sur le cas de l’OxyContin, le docteur Curtis Wright, rejoint peu de temps après la direction du groupe Purdue Pharma. Des suspicions naissent. L’accord de la FDA n’a-t-il pas été donné par intérêt personnel ?

Petit à petit, l’empire de Purdue Pharma s’effondre. Les accusations viennent de partout : l’OxyContin provoque des dépendances sévères. Un marché noir secondaire se crée, où les prescriptions sont échangées au même titre que la morphine ou le Percocet. Puis viennent les procès. Purdue Pharma a causé des morts en vendant son produit – plus de 300 000 par overdose depuis le début des années 2000.

En 2007, plusieurs dirigeants admettent enfin avoir trompé le public américain et sont condamnés à des amendes montant à plusieurs centaines de millions de dollars.

Une action conjointe pour combattre ces dérives

Cet exemple n’est qu’une goutte d’eau dans l’ensemble des scandales causés par une des industries les plus puissantes des États-Unis. La culture des lobbies – cet article t’informera dessus – a mené à cette situation. Alors, comment combattre les dérives de Big Pharma ? Voici trois pistes à disposition de trois acteurs majeurs : les entreprises pharmaceutiques, les organismes publics et les consommateurs.

  • Une action des entreprises : Mark Baum, CEO de Imprimis Pharmaceuticals, mentionné plus haut, prône la baisse des marges sur le prix des médicaments. Dans un pays comme les États-Unis, où la couverture médicale est déficiente, baisser les prix des médicaments peut avoir un effet volume important : un traitement moins cher sera beaucoup plus vendu. Cette mesure ne menacera donc pas nécessairement le résultat des entreprises pharmaceutiques.
  • Une action du secteur public : la FDA doit vérifier systématiquement que les organismes qui valident les qualités d’un produit sont complètement indépendants de l’entreprise qui le commercialise. L’affaire de l’OxyContin est très similaire au scandale Coca-Cola, qui a payé en 2015 un collectif scientifique, le Global Energy Balance Network, pour démentir le lien de causalité entre la consommation de Coca-Cola et l’obésité.
  • Une action du consommateur : parvenir à différencier les charlatans des véritables docteurs. En 2006, le Canadien Kevin Trudeau publie le livre Natural Cures – ‘They’ Don’t Want You to Know About. Censé dénoncer les dérives de l’industrie pharmaceutique, ce livre s’attache avant tout à promouvoir le site – payant – de Kevin Trudeau. Le lecteur informé s’étonnera qu’un homme n’ayant reçu aucune éducation médicale parvienne à vendre plus de 26 millions de copies de son livre, et ce, malgré les nombreuses condamnations de Kevin Trudeau pour fraudes et arnaques.
Kevin Trudeau : Natural Cures - They Don't Want You to Know About
Publié en 2006, ce best-seller américain sera numéro un des ventes selon le New York Times pendant plusieurs semaines

À retenir

  • Aux États-Unis, les plus grandes entreprises pharmaceutiques sont extrêmement puissantes.
  • Régulièrement, de nouvelles révélations mettent en lumière leur implication dans des scandales aux répercussions sérieuses.
  • Une action conjointe des entreprises pharmaceutiques, qui peuvent adopter un modèle économique basé sur la quantité de produits vendus plutôt que sur de grandes marges, des organismes publics, qui ont un devoir de vérification des faits, et des clients, qui ont la possibilité de s’informer pour vérifier la légitimité des médecins autoproclamés, peut réduire la fréquence et l’ampleur de ces dérives de Big Pharma.

Vocabulaire – Quelques expressions utiles

Big Pharma L’industrie pharmaceutique
A drug, a medicine Un médicament
To be HIV-positive Être séropositif
The most hated man in America L’homme le plus détesté des États-Unis (surnom de Martin Shkreli)
The FDA (Federal Drugs Administration) L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux
A drug enters the market Un médicament est lancé sur le marché
A black market Un marché noir
Back pain Mal de dos
A headache Une migraine
A drug addict Un toxicomane
A quack doctor, a quack Un charlatan (familier)

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