Le Parrain, the Soprano’s, les Affranchis, Gomorra… autant d’oeuvres qui représentent la Mafia, à travers la vie d’un père de famille mafieux et dépressif ou encore celle d’un jeune Napolitain rêvant de pouvoir en sa ville. Plusieurs oeuvres, plusieurs visages et une question qui persiste : qu’est-ce que la Mafia ?

Certes une réalité mais elle est aussi devenu un stéréotype, gangrenant un imaginaire collectif qui ne fait plus la différence entre l’Italie et l’organisation criminelle. De plus, le cinéma véhicule (parfois) une image biaisée de la Mafia, mettant en avant un aspect « familial » d’une organisation au sein de laquelle tous les membres respecteraient un « code de l’honneur ».

Mais le cinéma, à l’instar de la série Gomorra de Roberto Saviano, montre aussi une organisation rimant avec violence et corruption, drogue et trafic d’êtres humains.

Dès lors, cette organisation criminelle est-elle unique ou plurielle et quelles sont ses véritables racines et activités ?

La Mafia non esiste … ma le Mafie si !

Le terme « mafia » apparait pour la première fois en 1865 dans un rapport officiel envoyé par le Prefetto di Palermo au Ministero dell’Interno. Ce terme était associé aux « repubblicani regionisti ».

Après l’unité italienne (1861) la « mafia » prend lentement l’aspect d’une association criminelle en Campania, Puglia, Calabria et Sicilia…

Tout d’abord il est très important de préciser qu’il n’existe pas « une » Mafia, mais des « mafie ». Chaque organisation mafieuse en Italie correspond plus ou moins à une zone géographique. Les 4 organisations les plus connues sont les suivantes :

  • Camorra  (Napoli)
  • Cosa Nostra (Sicilia)
  • Sacra Corona Unita (Puglia)
  • ‘Ndrangheta (Calabria)

En avril 2018 on apprenait que les activités mafieuses représentaient 23% du PIB en Italie, et presque 30% du PIB en Italie du Sud (Source : Il sole 24 ore). Cette economia sommersa (souterraine/illégale) représente plus de 320 milliards d’euros.

La piovra che uccide l’Italia

Nous vivons à une époque où la globalisation a complètement transformé nos modes de vie et de production et les Mafie ont su se servir de ce processus pour tirer profit de nombreuses activités illégales.

Tout d’abord, non, les Mafie ce n’est pas que le trafic d’armes et de drogues. Malheureusement ces organisations ont réussi à développer des trafics beaucoup plus rentables (et cruels) comme le trafic d’êtres humains et de contrefaçons. De plus elles se sont aussi implantées dans le secteur de l’immobilier et celui du traitement des déchets.

Comme nous avons pu l’observer, les Mafie touchent à tout, et c’est bien pour cela qu’il est si difficile de les identifier. Ce qui renforce le stéréotype d’une Italie mafieuse du Nord au Sud. Un autre effet pervers est le fait que toutes les personnes peuvent être touchées de près ou de loin par ces organisations.

Tout d’abord les jeunes, le futur de l’Italie. La plupart des enfants grandissant dans les quartiers pauvres et rongés par la Mafia s’habituent aux trafics et voient même en ces organisations une échappatoire. Et les Mafie l’ont compris. Dès leur plus jeune âge certains enfants sont enrôlés en tant que simple « guetteurs » puis tentent d’imiter leurs ainés.

À l’extrême opposé, la vieillesse est aussi touchée. De nombreux retraités, ne pouvant subvenir à leurs besoins, travaillent pour les Mafie. Souvent, ils ont pour rôle la distribution de l’argent qui revient aux familles dont un membre est en prison (et qui faisait partie d’une organisation mafieuse).

Au delà d’une classe d’âge particulière, c’est tout un pays qui est touché. Prenons le «pizzo», un procédé utilisé par les mafiosi qui consiste à racketter les commerçants en les forçant à payer une somme d’argent en échange d’une « protection ». Le problème est amplifié par un phénomène d’omertà, ce qui signifie « la loi du silence ». Personne n’ose dénoncer les membres de ces organisations, par peur de représailles. En Sicile, presque 60% des commerçants payent le pizzo…

L’Antimafia

Cependant, de nombreux italiens ont eu le courage de se lever pour lutter contre ces organisations, et le plus souvent au prix de leur vie.

Ces hommes et femmes représentaient et représentent encore aujourd’hui l’Antimafia. Nous pourrions citer les 2 juges, Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, ayant mis en place le Maxiprocesso le 16 décembre 1987 et ayant fait tomber de nombreux parrains à l’image de Greco, Provenzano et Riina. Grâce à ce procès, c’est l’existence même de Cosa Nostra qui fut démontrée. Comme le dit Pietro Grasso à la fin du procès :

« è stata il frutto delle sinergie di tutte le componenti della società, il risultato di una volontà dello Stato che ci ha fornito strutture e mezzi adeguati. Tutto ha funzionato alla perfezione ed è stato dimostrato che lo Stato quando vuole, con i suoi poteri può far funzionare le cose. È stata una vittoria,  un primato della legge »

Peppino Impastato représentait aussi cette jeunesse qui luttait contre le système mafieux à travers l’Onda Pazza, le rendez-vous quotidien de Radio Aut, grâce auquel il pouvait dénoncer et critiquer les mafieux de Cinisi, dans la province de Palerme. Né dans une famille mafieuse il assista à l’assassinat du beau-frère de son père, le parrain Cesare Manzella, tué avec une Alfa Romeo Giulietta piégée. C’est face à la violence de l’évènement que Peppino aurait juré de combattre la Mafia toute sa vie.

L’héritage de cette Antimafia est aujourd’hui entre les mains de personnalités comme Roberto Saviano, auteur du livre Gomorra et réalisateur de la série portant le même nom. À l’image de Roberto Saviano qui vit 24/24 et 7/7 avec une garde rapprochée, tous ces hommes et femmes ont donné leur vie à ce combat.

C’est pourquoi il serait injuste de parler d’une Italie mafieuse, car il ne faut pas oublier cette Italie qui lutte depuis des années contre ce système et continue de lutter aujourd’hui, à l’image d’associations comme Ammazzateci tutti ou Addio Pizzo.

Antonio Nicaso disait :

« Il rischio più grave, però, è di far passare il fenomeno mafioso come qualcosa di legato esclusivamente a un territorio e a una mentalità. In realtà, quello mafioso si è dimostrato un modello facilmente esportabile ».

Conclusione

La Mafia est à la fois célèbre est mal connue. Une organisation qui ronge l’Italie dans de nombreux domaines, et qui ronge aussi la jeunesse et le futur de l’Italie.

Mais il ne faut pas présenter la Mafia sans évoquer le revers de la pièce : l’Antimafia. Une Italie unie dans la lutte contre « la piovra » et des hommes prêts à donner leur vie pour la lutte contre la Mafia.

De plus, comme l’a dit Antonio Nicaso, le phénomène mafieux s’est exporté au cours de l’histoire à travers les différentes migrations. De nombreuses organisations mafieuses ont donc vu le jour dans le monde entier, comme aux USA ou encore en Europe de l’Est. Dès lors, nous pouvons affirmer que le phénomène mafieux n’est pas qu’un « problème italien ».

Filmographie et bibliographie :

I cento passi, Marco Tullio Giordana

Gomorra (film), Matteo Garrone

Gomorra (la serie), Roberto Saviano

Gomorra (libro), Roberto Saviano

The Godfather, Francis Ford Coppola

La mafia uccide solo d’estate, Pierfrancesco Diliberto