Voici le rapport de Jury de l’épreuve de langue Iéna LV2

I – BILAN GÉNÉRAL DE L’ÉPREUVE

« Des principes tombés en désuétude ? »

L’article présente, de manière anecdotique et plaisante, une thématique relativement classique, une réflexion sur l’éducation des enfants selon des principes stricts (mais expliqués/justifiés par les parents), un sujet polémique à partir de la situation concrète dʼune mère de famille qui essaie de maintenir, contre vents et marées, des principes de vie et moraux au sein de sa famille, en particulier au moment du repas familial : “Cʼest autour de la table familiale que se déroule véritablement la vie de famille !”

La première partie anecdotique permet une entrée facile dans le document, une compréhension plus aisée pour nos candidats moyens. La deuxième partie est en effet plus exigeante car lʼauteur aborde des problèmes plus cruciaux, comme lʼéducation des enfants, lʼapprentissage des règles et des principes (dans la famille et dans la société), la structuration de leur personnalité, de leur système de valeurs, etc. : “C’est une excellente idée d’avoir choisir un passage prenant appui sur une scène ordinaire de la vie quotidienne des candidats pour déboucher sur la problématique des bons et mauvais usages en famille qui touche tout le monde et constitue un déclencheur de paroles propice au commentaire.”

Il nous a semblé intéressant de connaître la vision et les opinions de nos jeunes candidats car tout le monde a une opinion arrêtée sur ce sujet (à partir de son propre vécu) qui fait débat dans notre société actuelle : les uns parlent de l’enfant-roi à qui on ne refuse rien, de laxisme et de renoncement, lourd de conséquences diverses, de la part des parents (il faut alors faire appel à « Super Nanny » !), alors qu’il est indispensable de structurer la personnalité de l’enfant, en s’appuyant sur des valeurs fortes, pour qu’il ne devienne pas un “sauvageon” ! C’est-à-dire un être sans foi ni loi pour qui seuls comptent l’égo, le plaisir immédiat, ou la loi du plus fort. Les autres parlent de l’émancipation nécessaire de l’enfant/l’adolescent, de l’apprentissage de la liberté, du développement maîtrisée de sa personnalité, mais dans le cadre d’une société civilisée, ordonnée (on n’est pas au Far West), où la liberté de l’individu s’arrête là où commence celle de l’autre.
C’est un vaste sujet, qui a plu aux candidats et les a inspirés. Mais ils ne pouvaient pas, en l’occurrence, se servir d’un cours appris par coeur pour commenter. Les correcteurs ont ainsi eu le plaisir de lire des essais souvent plus pertinents que d’habitude.

L’article est tiré d’un support classique de grande qualité, « die ZEIT ». Il est très bien écrit, clairement structuré. Il a été retravaillé et adapté au niveau des candidats-LV2. Il a fait l’unanimité auprès du jury de sélection et des correcteurs. Ces derniers ont estimé que cette épreuve était tout à fait adaptée, réfléchie, sélective et équilibrée. “Un thème accrocheur, adapté au public ciblé, dans un allemand soutenu et néanmoins accessible à la compréhension du plus grand nombre”. Mais le niveau reste globalement préoccupant, l’écart se creuse entre de bons, voire d’excellents candidats, et beaucoup d’autres qui sont parfois extrêmement faibles.
La moyenne est conforme aux consignes données : 10,66/20, avec un bon écart-type de 3,64 pour l’ensemble des notes (notes allant de 00,20/20 à 19,70/20). Les correcteurs ont donc suivi la consigne d’ouvrir au maximum l’éventail des notes.

II – BILAN SPECIFIQUE AUX 3 PARTIES : VERSION / QUESTIONS 1 ET 2 / THEME

La version :

Elle était tout à fait adaptée, abordable. Globalement, elle fut très correctement réussie, mais très sélective comme le révèle l’écart-type élevé, en raison de faiblesses parfois stupéfiantes constatées dans la maîtrise du français…

Cette version semble tout à fait à la portée de l’étudiant sérieux, On note beaucoup de contre sens étonnants (= confusions) sur des termes basiques (“veraltet/Verhalten, Käse, stören, Fernseher/Fenster, Druck/Ausdruck, gewiss/gewusst, denn/dann”). Lorsque même les mots les plus évidents (“ich habe … serviert”) posent problème, nous nous sentons désarmés.
La mise en français de plusieurs structures/termes demande de la finesse. Il y avait des structures complexes (“Es geht ums Prinzip, la séquence ʼPrinzipien sind der Ausdruck …’ qui a été l’objet d’innombrables absurdités et d’imagination variée, la dernière phrase avec lʼenchaînement des subordonnées”), des difficultés de traduction et de rendu dans un français au minimum correct, à défaut dʼêtre fluide et élégant. Soulignons à ce propos un défaut qui sʼaggrave : nous avons été atterrés par les faiblesses/absurdités incroyables rencontrées dans la maîtrise du français
(“Aucun homme nʼaimerait instaurer cette autorité Satz dit”) !

Donc, comme tous les ans, manque de réflexion (“ich habe meinen jüngsten Sohn gefragt = mon fils m’a demandé”), de cohérence, de logique (le candidat se contredit totalement d’une phrase à l’autre), beaucoup d’inattention (toujours et encore l’oubli du titre !), d’étourderie et – surtout – de laxisme sur la forme : qualité du français, orthographe, accents inconnus, ponctuation calquée sur le modèle allemand, écriture pénible à lire/déchiffrer.
La moyenne de 13,01/20 est conforme aux attentes (écart-type de 3,83, notes allant de 00 à 20). Ce résultat satisfaisant nous a permis d’avoir un petit “matelas de sécurité” (en pensant au thème) pour la correction dans l’optique de la moyenne globale visée.

Les questions :

1/ Question 1 de compréhension :
Le libellé est clair. Cette question a parfaitement joué son rôle de vérification de la compréhension car, pour bien y répondre, il fallait une lecture fine, relever les divers éléments disséminés sur l’ensemble du texte, par ex. “omission de la Arbeitsaufteilung früher und heute”. Les candidats ont donc souvent une lecture superficielle de la question et du texte, beaucoup nʼont pas compris le passage “Essen ist ja nicht nur Nahrungsaufnahme … Eine Gabe …” Cette question fut aussi parfois plus commentée que restituée.

En conséquence, cet exercice fut juste correct (comme le révèle la moyenne nationale). “Là aussi l’hétérogénéité est importante. Des candidats, à l’aise, arrivent parfaitement à s’exprimer de manière personnelle, avec du recul, par contre d’autres “collent” au texte et les rares phrases personnelles sont bourrées de fautes. Pour le partage des taches ménagères, j’ai trouvé ʼder Tausch von Taschenʼ…”.
On a relevé peu de plagiat.
La moyenne nationale est de 10,39/20 (écart-type élevé de 4,41 / notes allant de 00 à 20/20).

2/ Question 2 d’expression personnelle :
Une formulation claire et aisée à comprendre, un sujet original qui a visiblement inspiré les candidats. Un thème nouveau qui ne les a pas déstabilisés : “De manière générale, le sujet a inspiré les candidats. J’ai, en effet, lu des essais très fins et particulièrement bien écrits.” Hélas, le terme “Motto” a parfois été mal compris (= moto voire Mutter !), avec bien sûr des développements totalement hors-sujet.
La formulation brève, ouverte, permet au candidat d’exploiter à sa guise les nombreuses pistes possibles. Sans pour cela accepter des développements travaillés en cours, appris par coeur, placés à tout prix et hors de propos (“des digressions sur le système scolaire allemand ou la politique migratoire de Mme Merkel…”)
Le reproche premier, et systématique, des correcteurs concerne une expression personnelle médiocre, liée évidemment aux lacunes linguistiques, avec un manque de personnalité, de profondeur et d’originalité. Comme tous les ans, on relève les difficultés à appréhender le sujet dans sa globalité, à élaborer et à respecter un plan, à analyser/développer de manière personnelle et cohérente les aspects les plus significatifs, avec des exemples concrets et bien choisis : “En ce qui concerne ce sujet, relatif à lʼéducation des enfants, qui permettait une identification, une réflexion et des analyses vraiment personnelles, je note quʼaucun candidat nʼa établi de comparaisons avec lʼAllemagne. Cela mʼa étonnée.”

Sans surprise, d’énormes lacunes sont constatées en culture générale, ainsi que dans le lexique basique (comme dans les autres exercices).
En conséquence, l’exercice fut extrêmement sélectif avec une moyenne tout juste convenable : 10/20 (écart-type très élevé de 4,52 / notes allant de 00 à 20).
Cela a suscité divers commentaires sur le niveau attendu et le niveau réel des candidats : “Je trouve qu’il y a une grande différence entre les attentes – légitimes – des concepteurs du sujet et la réalité : je n’ai lu aucune réponse à la question 2 dans laquelle un candidat adopte un point de vue, nuance, explique sa conception de la liberté, donne des exemples ; la plupart se contente de broder autour de quelques mots, toujours les mêmes, de décrire vaguement la situation, de revenir au texte et à ce que dit lʼauteur. Mais peut-il en être autrement ?”

Nous rappelons avec force et netteté aux préparationnaires que “rester atone n’est pas une stratégie et que nous maintenons la formule langue + culture, ce qui hausse naturellement le niveau”.
La majorité des candidats a respecté la longueur demandée des réponses. Mais attention au décompte des mots erroné, voire mensonger ! On leur rappelle également que les virgules existent et qu’elles sont les bienvenues…

Le thème :

En dépit d’une préparation intensive, de phrases allégées et d’un barème volontairement souple (voire généreux, avec des bonus, jugé “équilibré et favorable aux candidats”), la moyenne reste insuffisante : 09,09/20 (écart-type de 4,10 / notes allant de 00 à 20/20). Un résultat cependant moins médiocre que nous le redoutions (d’énormes lacunes ou des phrases non faites voisinent avec de bonnes, voire d’excellentes copies).
Comme les années précédentes, la phrase 1 a été conçue comme un test (= demander et donner lʼheure). Elle fut à cet égard encore une fois particulièrement édifiante. Cela correspond aux premiers pas d’une classe de débutants… Eh bien cette phrase fut souvent ratée (“Welche Hure ist es? …”) ! Cette perle peut certes faire sourire, mais à ce niveau-là, c’est un manque flagrant de sérieux de la part du candidat : “Certaines phrases sont très faciles, ce qui n’empêche pas certains de les massacrer !”

Il serait trop long de citer les horreurs absolues rencontrées. Malgré les conseils inlassablement répétés tous les ans, le thème demeure le point noir, l’exercice exigeant, délicat et révélateur, très sélectif et le moins bien réussi. Il correspond pourtant parfaitement à l’entraînement fait en classe préparatire dans ce domaine. Les disparités entre les copies sont souvent gigantesques. Il y eut tout de même d’excellents résultats, comme l’indique la ventilation des notes : “Les candidats sérieux, bien préparés, ont montré un savoir-faire tout à fait satisfaisant dans l’ensemble et tirent vraiment bien leur épingle du jeu. D’autres (15 à 20%) n’essayent même pas (le thème n’est pas fait du tout, le plus souvent il est très incomplet, avec deux ou trois phrases seulement) ou alors écrivent n’importe quoi.”
Les problèmes lexicaux furent nombreux : mots/expressions inventés ou mal fixés ; la méconnaissance de certains termes est tout à fait anormale si bien que le lexique le plus simple et le plus banal finit par poser problème (“halb sieben, kaufen/verkaufen”). Que dire alors de l’orthographe (“Quelques candidats ont peut-être vraiment besoin de repasser par la Grundschule – = Grande École !! – pour combler leurs lacunes d’orthographe : des principent, ils ne l’ai respectent pas”), du vocabulaire un peu plus recherché, sans parler des anglicismes !

Les erreurs grammaticales sont toujours les mêmes et parfaitement identifiées : place du verbe, déclinaisons (hasardeuses ou omises), conjugaisons (prétérit, impératif, verbes de modalité, monstruosités verbales sur werden), passif, conditionnel, verbes à rection prépositionnelle, als/wenn, damit/um … zu, bevor + subordonnée, pronoms personnels ou adjectifs possessifs choisis de manière très aléatoire …

III – CONCLUSION :

Comme chaque année, des résultats très disparates, parfois décourageants. Les correcteurs font état d’une forte hétérogénéité, ainsi que du niveau très faible de certaines copies. En conséquence, le jugement est très mitigé, avec de bonnes surprises ou de la déception, parfois de la perplexité, voire de l’irritation devant des lacunes véritablement indignes : “On ne peut toutefois passer sous silence que certaines copies, peu nombreuses heureusement, sont d’une nullité affligeante et/ou comportent des exercices non faits : thèmes non traduits, auxquels s’ajoutent des thèmes très incomplets et des questions non traitées”.
Le niveau est effectivement extrêmement inégal (énormes différences de qualité entre les lots de copies). On ne peut nier, globalement, un certain travail, mais les connaissances restent mal assimilées et sont réemployées avec beaucoup de maladresses (manque de rigueur = “in meiner Meinung nach / meiner Meinung nach, ist, dass …”) et d’approximations (mots confondus ou estropiés), ce qui est très pénalisant dans les exercices de traduction, même si cela peut parfois divertir le correcteur ! A côté du thème grammatical, même les traductions en français sont souvent du charabia total ou du non-sens.

La faiblesse en thème-LV2, l’insuffisance de beaucoup d’essais suscitent tous les ans des commentaires sur le niveau attendu/réel des candidats. Ne visons-nous pas trop haut ? Ne sommes-nous pas devenus trop exigeants ? Le jury en a discuté et maintient les exigences actuelles. Nous sommes très satisfaits du sujet-LV2 dont le degré d’équilibre prouve que l’on peut proposer une réflexion de bon niveau, voire exigeante.

Nous avons beaucoup de candidats sérieux, qui ont bien travaillé et qui ont été récompensés, et à côté de cela des copies indignes (qui révèlent un manque total de travail minimal) qui furent impitoyablement sanctionnées, mais qui, hélas, plombent les moyennes.

En ce qui concerne l’évolution des effectifs-LV2, la légère baisse de l’an dernier se poursuit, avec 1286 candidats sur 6344 en tout, soit 20,27% (= -0,58%). Après une stabilisation en 2013 et une nette reprise en 2014, ça repart à la baisse en 2015, 2016 et 2017.

Merci à tous les professeurs, pour la qualité de leur travail durant l’année et/ou de leur participation à la correction de ce concours. Bonne réussite à tous pour 2018.