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Dans cet article, nous te proposons d’analyser un sujet d’histoire, dont la méthode, commune aux préparationnaires littéraires aussi bien en A/L qu’en B/L, doit être maîtrisée pour briller en dissertation ! Il constitue le premier volet d’une série de deux articles à ce propos.

Nous nous penchons donc dans cet article sur la méthodologie d’analyse de sujet en histoire contemporaine, afin d’optimiser le temps passé au brouillon. Cette méthode n’est pas exhaustive et elle n’est pas à suivre religieusement dans un ordre précis. Toutefois, elle donne des pistes pour progresser dans l’analyse de sujet (et peut, bien évidemment, être adaptée à d’autres matières). Nous allons ici traiter principalement le sujet « Décoloniser le Maghreb », au cœur du programme B/L mais aussi du programme A/L pour l’oral d’Ulm (« La France de 1939 à 1995 »). Bonne lecture !

Le brouillon

Entrons dès à présent dans le vif du sujet. Lors d’une dissertation ou d’un oral d’histoire contemporaine, le brouillon constitue une étape majeure à ne pas bâcler. Un brouillon organisé, complet et réflexif est essentiel. C’est la base d’une bonne copie.

Ainsi, chacun doit, à force d’entraînement, être capable d’estimer son temps idéal passé au brouillon. En effet, pour certains, les idées fusent et la problématique s’impose à eux rapidement, alors que d’autres ont besoin de plus de temps pour aboutir à un plan cohérent. Cela n’est pas un problème. Il n’y a pas de recette magique pour réussir une dissertation d’histoire. À titre d’exemple, pour une dissertation type ENS en 6 h, beaucoup consacrent le tiers du temps à leur brouillon. Une dissertation en 4 h comme à la BCE impose quant à elle de réduire ce temps à 1 h/1 h 30 maximum, pour avoir le temps de rédiger une copie complète.

Prendre le sujet tel qu’il est, ne pas le modifier ou le déplacer

Tout le long de la dissertation, et notamment dès le brouillon, il faut garder en tête que le jury a choisi un sujet particulier, et non un autre. Il est donc indispensable de prendre le sujet tel qu’il est, de ne pas chercher à l’adapter à ses connaissances ou à ce que l’on voudrait en dire. Dans le cas contraire, il y a un risque de hors sujet. Ainsi, le sujet « Décoloniser le Maghreb » n’est pas le même sujet que « La décolonisation du Maghreb » ou « Décoloniser l’Afrique du Nord ».

De plus, l’ordre des mots dans le sujet a une importance capitale. Par exemple, le sujet « La Russie et l’Europe » n’implique pas les mêmes analyses que le sujet « L’ Europe et la Russie ». En effet, dans le premier, c’est bien la Russie et ses liens avec l’Europe qu’il faut étudier, c’est la Russie le « sujet du sujet ». À l’inverse, le second sujet invite à étudier le rapport qu’entretient l’Europe avec la Russie. Cela ne met pas en jeu les mêmes connaissances ni les mêmes analyses.

De même, les prépositions et autres expressions comme « et », « face à », « dans », « en » sont des termes clés du sujet. Sur le même thème, « La Russie face à l’Europe » est différent du sujet « La Russie et l’Europe », de même que « La France dans le monde » est différent de « La France et le monde ». Il est donc essentiel de prendre en compte ces nombreuses subtilités avant de commencer à composer et à réfléchir, pour ne pas partir dans une mauvaise direction.

Définir précisément les termes du sujet

Lors de cette étape, il s’agit de décortiquer le sujet. Il faut prendre chaque terme individuellement, le définir dans les moindres détails, mais également lui trouver des synonymes ou des antagonismes. Cette étape est indispensable, déjà pour ne pas s’égarer vers un autre sujet, mais aussi et surtout car c’est un premier pas vers la problématisation.

Décoloniser

Décoloniser (source : CNRTL) = « Procéder à la décolonisation d’un pays jusque-là soumis au régime colonial. »/« Libérer, rendre une certaine autonomie. » (métaphorique). Cette première définition pose les bases, mais n’est pas suffisante. Elle appelle à définir les termes de décolonisation et de régime colonial. De plus, elle montre déjà les nuances qu’il peut y avoir (« rendre une certaine autonomie »).

Décolonisation (CNRTL) = « Processus par lequel un pays jusque-là colonisé accède à l’indépendance. » Les termes centraux de processus et d’indépendance apparaissent enfin. Il s’agit de les définir à leur tour, et ainsi de suite, jusqu’à épuiser le champ lexical du mot.

Une dernière étape consiste, face à un verbe à l’infinitif, à le conjuguer ! En effet, décoloniser ne veut pas dire décolonisation. Si le jury a choisi un verbe et non un nom, c’est parce qu’il souhaitait mettre en avant les acteurs de cette décolonisation, et non simplement ce processus. Qui décolonise ? Qui incarne la décolonisation ? Autant de questions qu’il faut se poser dès la phase de définition des termes du sujet.

Le Maghreb

Par ailleurs, le « Maghreb » doit être défini également avec tout autant de précision.

Maghreb (Larousse) = « Ensemble des pays du nord-ouest de l’Afrique (Maroc, Algérie, Tunisie), compris entre la mer Méditerranée et le Sahara. Le terme Maghreb (mot arabe signifiant ‘le Couchant’) désigne les pays du soleil couchant (l’Occident nord-africain) par opposition au Machreq (‘le Levant’), qui fait référence aux pays du soleil levant (l’Orient arabe). Dans son acception traditionnelle, le Maghreb comprend le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, trois anciens pays berbères, islamisés et arabisés. »

Il est aussi important de préciser, dans l’introduction notamment, que la Libye et la Mauritanie peuvent être incluses dans l’acception de « Maghreb ». Toutefois, ce sujet invite à restreindre le champ d’études à la France seule et à la décolonisation qu’elle a menée au Maghreb en particulier.

Il s’agit alors de chercher des caractéristiques communes à ces trois pays. Qu’est-ce qui fait d’eux un « ensemble », mais également qu’est-ce qui les différencie ? Des similitudes géographiques (climat, relief) ? L’ancien peuplement berbère (culture et langue toujours présentes) ? La langue ou la religion ? Les systèmes politiques ? Il est alors essentiel à ce stade de se demander quelle est la place de la colonisation dans cet ensemble de pays.

(Se) poser les bonnes questions

Après avoir décortiqué les termes du sujet et les avoir considérés individuellement, il s’agit maintenant de les faire dialoguer entre eux. Ceci constitue une phase nécessaire de la problématisation. C’est le fruit de ces réflexions qu’il s’agira d’articuler dans le cœur de l’introduction.

Qui ?

Quels sont les acteurs de cette décolonisation ? Qui décolonise ? Qui incarne le Maghreb ? Cette question a une importance capitale. En effet, il est important d’incarner l’histoire et de ne pas juste énoncer des faits.

Quand ?

La question des bornes chronologiques du sujet est essentielle. En effet, s’il y a des bornes, il faut les étudier, les interroger. Pourquoi cette date a-t-elle été choisie par le concepteur du sujet ? Ce dernier n’a rien laissé au hasard, il faut bien garder cela en tête. S’il n’y a pas de bornes, comme c’est le cas ici, c’est à toi de réfléchir vers où tu emmènes le sujet et de choisir des points de rupture pertinents pour ta réflexion. Ainsi, quand commence la décolonisation du Maghreb ? (Quand) se termine-t-elle ?

Quoi ?

La réponse à cette question se trouve dans ton travail préliminaire de définition. Celui-ci se doit donc d’être le plus complet possible.

Où ?

Spatialiser le sujet est indispensable afin de réaliser une analyse pertinente. Ainsi, il est ici nécessaire de définir les frontières du Maghreb. Mais il est également intéressant de considérer les lieux de décision ou d’opposition en France métropolitaine (ou ailleurs dans le monde), par exemple. En effet, il s’agit de montrer que la décolonisation du Maghreb n’a pas impliqué uniquement cette zone géographique.

Pourquoi ?

Cette question permet d’entrer plus en détail dans le processus de décolonisation. Là encore, il ne faut pas oublier d’incarner ce processus. Pourquoi certains acteurs ont décidé de décoloniser ? Ont-ils vraiment eu le choix ? Quels sont les raisons de cette décolonisation ? Autant de questions nécessaires pour aborder le sujet sereinement.

Comment ?

Cette question soulève également des enjeux nécessaires pour une bonne analyse du sujet. Ici, il est impératif de se demander : comment a été décolonisé le Maghreb ? Sous quelle(s) forme(s) ? La décolonisation a-t-elle été uniforme ou bien différente selon les pays ? Cette question est centrale dans ce sujet et permet de problématiser de façon pertinente.

Avec quelles conséquences ?

Il est indispensable d’envisager les conséquences de cette décolonisation pour le Maghreb et de ne pas s’arrêter en 1962 par exemple. Là encore, ce sont tes connaissances personnelles sur le sujet qui te permettront de fournir une analyse pertinente.

Toutes ces questions doivent être posées en parallèle de la définition des termes du sujet, qui doivent être compris individuellement, mais aussi les uns en rapport aux autres. En effet, s’il est important de savoir les définir pour appréhender le sujet au mieux, il faut également savoir les faire dialoguer. Le sujet est un tout. Ces différentes questions peuvent être posées de façon explicite au brouillon, ou simplement orienter votre réflexion.

Brainstorming de connaissances

Dans un sujet d’histoire (comme dans tout autre sujet), les connaissances personnelles ont une importance capitale. Elles permettent d’aiguiser la réflexion, mais aussi d’alimenter le propos de la copie et d’enrichir celle-ci d’exemples. Nous te proposons donc ici des connaissances « en vrac », qu’il faudrait, dans l’idéal, penser à mobiliser dans le cadre de ce sujet.

La politique coloniale de la France dans les années 1930

Le début des années 1930 marque l’entrée de la France dans la crise et par suite, des remises en question dans les colonies. Les mouvements nationalistes ne sont pas aussi importants que ceux des Indes britanniques ou néerlandaises. Il semble y avoir une confiance durable dans les vertus de l’assimilation et du modèle républicain français. Mais la métropole a laissé passer les chances d’un dialogue fructueux : gestion conservatrice, concessions tardives et réticentes, répression disproportionnée et indifférence se perpétuent.

Il existe une complémentarité économique accrue avec l’Empire, qui devient en 1928 le premier partenaire commercial de la métropole, à ses dépens (avec des prix plus élevés). Des progrès remarquables se font sur le plan sanitaire : construction d’hôpitaux, éradication de certains fléaux, formation d’un personnel spécialisé. On peut noter également des efforts en matière scolaire, mais pas de remède proposé à la misère paysanne ou au fléau du chômage.

Quelques concessions politiques ont été accordées après la guerre par Clémenceau à titre de reconnaissance : extension des droits électoraux des musulmans d’Algérie (loi Jonnart), facilités accordées à la naturalisation des indigènes, etc. Mais la majorité du Bloc National a contrebalancé ces mesures avec par exemple le rétablissement du Code de l’indigénat en Algérie. Les expériences du Cartel des Gauches et du Front populaire ont levé quelques espoirs et amorcé quelques gestes. À savoir : nomination de deux gouverneurs généraux épris de modernisation et d’équité, mais qui ont duré moins de deux ans, place modeste des colonies dans le programme du Front populaire, même s’il peut remarquer des changements dans la haute administration coloniale qui marquent une orientation nouvelle.

Ainsi, le vent de réformes lève un regain de revendications sociales que les gouvernements tolèrent, mais ne légalisent pas.

La politique coloniale de la France lors de la Seconde Guerre mondiale

Le ralliement progressif de l’Empire à la France combattante a prolongé la distanciation des populations colonisées à l’égard de la métropole. À l’été 1943, à part l’Indochine de Decoux, l’Empire colonial français est devenu partie intégrante de la France libre et le choix d’Alger comme nouvelle capitale est fait. L’Empire doit prioritairement pourvoir à la rentrée de la France dans la guerre. 235 000 soldats au Maghreb sont mobilisés (mais avec un fort taux d’insoumission), réquisition de produits, aggravation du travail forcé, efforts financiers des populations sont exigés.

De Gaulle a conscience de la nécessaire réorganisation de l’Empire sur des bases plus justes, car après la guerre, le sort des colonies serait posé à l’échelle internationale avec une intervention américaine, dont la France ferait les frais. Apparaît alors la nécessité de rompre avec cet immobilisme antérieur. Le discours à Constantine du 12/12/1943 annonce l’extension de la citoyenneté française à des milliers de musulmans d’Algérie. La conférence de Brazzaville en janvier 1944 prépare la voie à une large réforme institutionnelle, mais subsiste une ambiguïté entre programme fédératif de la conférence et ses conclusions assimilationnistes. Affleure le signe de rupture avec Vichy, avec une certaine tolérance à l’égard des nationalismes (amnistie des prisonniers politiques, liberté de la presse et à la formation des partis). Mais toute menace séparatiste fut réprimée, comme au Liban et en Syrie.

Les prémices de la décolonisation

Une nouvelle configuration mondiale émerge. La bipolarité Est-Ouest et l’ONU jouent la carte des émancipations coloniales, les anticolonialismes américain et soviétique sont alors très différents.

L’ONU occupe une place considérable dans l’histoire de la décolonisation, disproportionnée par rapport aux clauses de la Charte. Le rôle de l’ONU est initialement modeste, mais à partir des années 1950, les questions marocaines et tunisiennes sont de plus en plus évoquées, éludées par la France.

Notons cependant le rôle plus nuancé de deux autres organisations

  • Ligue arabe (mars 1945) : affiche un programme anti-impérialiste mené avec succès dans le cas du Liban et de la Syrie. Elle soulève de grands espoirs en Afrique du Nord, mais crée la déception car la Ligue est obnubilée par la question israélo-palestinienne.
  • Organisation de l’unité africaine (OUA) fondée en 1963 : elle apporte son soutien diplomatique aux peuples en lutte, mais faute de moyens financiers et à cause de ses divisions, celle-ci n’a pas de prise réelle sur l’achèvement de la décolonisation africaine (déjà bien entamée).

Conférence de Bandung (1955) : elle s’inscrit dans la continuité de la démarche anticolonialiste par principe et est neutraliste par intérêt. Elle condamne le colonialisme « traditionnel » (pas d’évocation du Tibet par exemple). Elle fait figure de « coup de tonnerre » (Léopold Senghor), car elle a un retentissement médiatique et met en avant de grandes figures du Tiers-Monde. Mais les résultats pratiques sont très minces, la conférence n’ayant mis en place aucune structure de coordination.

Enfin, la place de la décolonisation dans l’expédition de Suez (1956) est très importante, notamment pour la France. Le Caire accueille en effet la délégation extérieure du FLN. Il s’agit d’une réussite militaire mais d’un fiasco diplomatique (intervention des États-Unis et de l’URSS). Suez a ébranlé les positions de la France au Moyen-Orient, tous les pays ayant rompu les relations avec Paris, et le FLN en étant sorti renforcé.

C’est la fin de la première partie de cet article de méthodologie avec exemple développé. Nous t’invitons à consulter la seconde qui arrivera prochainement si celle-ci t’a plu !