sahara

Lors de la première partie de cet article, nous t’avons proposé d’analyser les termes du sujet que nous étudions afin de mettre en pratique la méthodologie de la dissertation d’histoire. Si tu n’as pas consulté le premier volet de de ce développement, nous t’invitons à reprendre ce dernier, que nous avions interrompu alors que nous complétions la partie consistant à apposer les connaissances utiles au sujet.

« Brainstorming » de connaissances (suite)

Tunisie

Le nationalisme s’éveille de façon précoce. La nouvelle génération de bourgeois aisés est irritée par la dénaturation du traité de protectorat. Le cénacle des Jeunes Tunisiens est créé.

Le Destour naît en 1920 (parti libéral-constitutionnel) et revendique un régime parlementaire. Il connaît des débuts brillants mais s’étiole peu à peu. L’avocat Habib Bourguiba forme en 1934 le Néo-Destour, qui connaît un essor rapide : il capte tant les couches urbaines que la paysannerie. La 1ère expérience franco-tunisienne se fait grâce au Front populaire : il y a un rapprochement entre Bourguiba et Pierre Viénot (secrétaire d’État chargé des protectorats), mais cela ne débouche sur rien.

Le Néo-Destour se radicalise, en témoignent les émeutes sanglantes du 09/04/1938 à Tunis. Le parti est interdit, la ferveur retombe. Le régime de Vichy est représenté à Tunis par l’amiral Esteva, dévoué à Pétain et aux principes de la Révolution nationale. Bey Moncef, prince hériter investi en juin 1942, affirme ses droits face à l’autorité française et s’attire la sympathie des Tunisiens, tout en restant sourd aux offres de l’Axe, mais il est destitué en mai 43 par le général Juin. Des troubles sociaux éclatent en 1947 et un Front national tunisien réclame ouvertement l’indépendance.

Bourguiba revient en 1948 et choisit la voie de la modération dans le cadre d’une négociation franco-tunisienne. Il fait la Déclaration en 7 points du 15/04/50 : il revendique une Assemblée constituante élue au suffrage universel. La 2ème expérience franco-tunisienne constitue impasse politique totale. L’ONU intervient, des dirigeants du Neo-Destour sont arrêtés suite à la poussée de terrorisme urbain.

En 1954 PMF est investi. La Déclaration de Carthage reconnaît explicitement l’autonomie interne. Un gouvernement comprenant 4 ministres Néo-Destouriens/10 est formé. Bourguiba retourne triomphalement à Tunis le 01/06/1955, s’en suivent la signature des conventions franco-tunisiennes.

La Convention de La Marsa entérine une autonomie interne pleinement consacrée, par étapes. L’indépendance est alors pressentie comme imminente, et finalement reconnue par le protocole du 20/03/56.

Maroc

Des premiers germes de la protestation marocaine existent avec le mécontentement de la population et la crise à partir des années 1930. Le Dahir berbère est publié en mai 1930 : il est perçu comme un non-respect des statuts du protectorat et soulève diverses marques d’opposition. Le Comité d’action marocaine (CAM) est créé en 1933 : il présente un Plan de réformes visant à « revenir à une stricte politique du protectorat », mais n’obtient aucune réponse.

Le débarquement allié du 08/11/1942 montre la détermination de Roosevelt de pousser le Maroc sur la voie de l’émancipation. L’Istiqlal remet en janvier 1944 un Manifeste qui revendique l’indépendance du Maroc sous l’autorité du sultan. L’Istiqlal se réorganise après 1945 avec le retour d’Allal el-Fassi et étend son audience dans les milieux populaires urbains.

Le Général Juin entend mener aux nationalistes marocains un combat sans merci, mais les relations se détériorent et il est remplacé par le général Guillaume en 1951. Le gouvernement français laisse passer en 1952 une offre du sultan pour établir un régime constitutionnel. La situation se tend avec les violents incidents de Casablanca. Le gouvernement pense alors que le sultan constitue un obstacle : celui-ci connaît alors une déposition en août 1953 après un complot, et devient un martyr pour le peuple.

PMF concentre quant à lui ses efforts sur la question tunisienne et adopte une politique marocaine attentiste. Il ne peut empêcher un déferlement de violence le 20/08/1955 où une partie de la population française est massacrée. Le gouvernement accepte néanmoins d’ouvrir une conférence consultative réunissant les diverses tendances de l’opinion marocaine. Le nouveau gouvernement réunissant les diverses composantes du nationalisme marocain négocie avec le gouvernement Mollet l’accord du 02/03/56 reconnaissant l’indépendance du Maroc. Des conventions de coopération franco-marocaine sont signées en 1957 malgré des tensions liées à la crise algérienne.

L’Algérie

Il s’agit d’un épisode majeur de l’histoire de la décolonisation du Maghreb.

L’Algérie était une colonie de peuplement : 1 million d’Européens en 54, environ 10% de la population totale avec d’importantes importations (vin, primeurs, agrumes) vers la métropole. L’assimilation fut une revendication des colons. Il faut noter l’importance du décret Crémieux (1870).

Le Code de l’indigénat (1881) est progressivement allégé, puis aboli, puis l’Ordonnance du 07/03/44 proclame principe d’égalité de tous les habitants d’Algérie.

L’Algérie s’est éveillée tardivement au nationalisme (mouvement des Jeunes Algériens en 1910). Les Oulémas se fédèrent en 1931 pour revendiquer une nation algérienne et exiger le retour à la pureté de la foi musulmane. En 1937, Messali Hadj créé également le Parti du peuple algérien (PPA).

Face à cette montée d’opposition, la répression prévaut. Les Français d’Algérie s’opposent à la citoyenneté.

Le Manifeste du peuple algérien (1943) de Ferhat Abbas pose le principe d’un État algérien reconnu et protégé par la France. Le climat politique se détériore dangereusement en 1945, avec une brusque radicalisation du nationalisme algérien.

L’audience de l’Union démocratique du Manifeste algérien de Ferhat Abbas s’étiole au profit du nationalisme intégral de Messali Hadj et de son parti, le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD).

Les partisans de l’action directe et immédiate fondent en 1954 le Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) puis le FLN. Ceux-ci ont la conviction que l’indépendance algérienne ne pourra être arrachée que par les armes au terme d’une longue guerre de libération, malgré des moyens initialement dérisoires. Une certaine solidarité du monde arabe est attendue (surtout l’Égypte car une délégation du FLN est installée au Caire).

La guerre d’Algérie

L’« Insurrection de la Toussaint » est déclenchée sur plusieurs points du territoire la nuit du 1er novembre 1954. Des tracts révèlent l’existence du FLN et de son armée, l’ALN. La surprise est complète en métropole.

Le gouvernement de PMF réagit fermement et nomme le gaulliste Jacques Soustelle comme nouveau gouverneur général. Celui-ci propose le 01/06/1955 un plan de réforme fondé sur le principe d’intégration. La rébellion s’étend (massacres du Constantinois du 20/08) et oblige Soustelle à mettre en place une vigoureuse répression.

Le Front républicain (en faveur d’une révision de la politique algérienne) remporte les élections de janvier 1956. Mais Guy Mollet capitule devant l’émeute des Français d’Alger le 06/02/56. Le gouvernement se convertit alors dans la solution d’une guerre totale : le contingent est envoyé et un matériel considérable est acheminé vers l’Algérie.

1956 constitue l’apogée de l’activité de l’ALN et de l’emprise du FLN sur les populations (persuasion et intimidation). Se rallient à ce dernier des centralistes, des Oulémas, des modérés de l’UDMA et même du Parti communiste algérien.

Le Congrès de La Soummam en Kabylie fin août 56 voit naître une charte qui consigne les principes de la révolution algérienne et structure le Front en un Conseil national de la rév algérienne (CNRA).

La Bataille d’Alger est déclenchée le 30/09/56 avec l’explosion de bombes dans le centre-ville. Le général Massu éradique le terrorisme urbain en quelques mois, et intercepte des livraisons d’armes de la Tunisie et du Maroc.

La population musulmane se réfugie dans un attentisme prudent. L’opinion française et divisée et encore majoritairement attachée à l’appartenance française de l’Algérie. Une bataille de l’opinion et de l’écrit mobilise intellectuels, syndicalistes et chrétiens.

La guerre ronge la IVème République et l’opinion internationale. Au terme d’un mois de vacance gouvernementale, la crise du 13 mai emporte le régime.

De Gaulle et l’Algérie

De Gaulle est appelé au pouvoir en juin 58. Il place d’abord ses intentions algériennes sous le signe de l’ambiguïté : « je vous ai compris ». Depuis le milieu des années 50, il considère que l’indépendance est le terme inéluctable de la colonisation.

Il opte donc dans un premier temps pour une solution française au service d’une Algérie rénovée. Le Plan de Constantine (03/10) promet un vaste programme d’industrialisation et d’équipements pour prouver l’ancrage durable de la France en Algérie. Son appel à la « paix des braves » est rejeté par le FLN.

En 1959, De Gaulle reconnaît aux populations d’Algérie le droit à l’autodétermination de son avenir. La communauté « pied-noir », la droite activiste et une fraction de l’armée y sont fermement opposés (mais l’opinion française et internationale  l’accueillent favorablement).

Durant la « Semaine des barricades » (24/01 – 01/02/60), la population algéroise tente de faire basculer l’armée dans un nouveau 13 mai. Le Putsch des généraux (22-25 avril 61) échoue en raison du loyalisme de la majorité des cadres de l’armée et de l’opposition de l’opinion métropolitaine et du contingent. L’organisation armée secrète (OAS) s’attache par la suite à ruiner les chances d’une association franco-algérienne par le biais du terrorisme.

Fin de la guerre

Une négociation sérieuse s’ouvre à Evian en mai 61. La seconde conférence d’Évian s’achève par la signature des accords du 18/03/62, qui reconnaissent la souveraineté de l’État algérien (Sahara compris). Les Français d’Algérie conservent pendant 3 ans la double nationalité et bénéficient de garanties personnelles. Une coopération financière, économique et culturelle est maintenue.

Les dispositions sont très favorables pour le FLN, qui a obtenu tout ce qu’il n’avait cessé de revendiquer depuis sa formation. L’indépendance est acquise par les voies politiques, grâce au ralliement de la population et l’habile instrumentalisation internationale du conflit.

Les Accords d’Évian sont massivement approuvés en métropole (90% de oui). Mais ils se révèlent impuissants à assurer une transition pacifique vers l’indépendance. Une ultime flambée terroriste et une politique de terre brûlée sont pratiqués par l’OAS et précipitent le départ en métropole de la population européenne, dans un contexte de totale anarchie de l’été 1962 où l’Algérie frôle la guerre civile.

Le bilan humain est controversé : 24 000 morts et 60 000 blessés pour les forces françaises, chiffres discutés pour la population algérienne. La France prend en charge l’essentiel des réparations des destructions commises par le FLN, l’OAS et l’armée.

Le bilan est contrasté pour la France elle accuse un coût économique et financier mais ce n’est pas une réelle catastrophe. La guerre est traumatisante en termes de mémoire : il existe une oscillation entre amnésie officielle, volonté d’oubli et réactivation de mémoires catégorielles antagonistes.

L’Algérie acquiert quant à elle l’image flatteuse d’un pays du Tiers-Monde à l’indépendance durement conquise et une croisse économique stimulée par le pétrole. Mais subsistent des interrogations sur la nature de l’État algérien : État-parti ou État-armée ? Le FLN-ALN fut un levier efficace d’émancipation mais celle-ci est en totale ignorance de la nation et de la société à construire ensuite. Il faut également noter l’absence de démocratie interne, de subordination du politique au militaire, et de l’apologie de la violence armée. 

Elaborer une problématique

Ce travail préalable de définitions, réflexions et d’utilisation des connaissances constitue un travail de problématisation. Il constitue le coeur de l’introduction de la copie ou de la colle. C’est de cela que découle ensuite la problématique, qui vient conclure cette introduction et structure le devoir.

Pour ce sujet, la problématisation peut et doit tourner autour des différentes décolonisations qui ont été menées par la France au Maghreb. En effet, la Tunisie et le Maroc n’ont pas connu une guerre de la même ampleur que celle qui a eu lieu en Algérie. Toutefois, la violence semble être un dénominateur commun dans la décolonisation de ces trois pays.

Il s’agit alors d’interroger les différents points de vue, en métropole et dans les colonies. Ainsi, il y avait un attachement particulier à l’Algérie, différent de celui ressenti pour le Maroc ou la Tunisie. Les relations économiques et sociales entre la métropole et sa colonie différaient alors historiquement, depuis l’acquisition des territoires maghrébins. Ces différences-là sont centrales dans ce sujet.

Il est également nécessaire de considérer le Maghreb dans la chronologie de la décolonisation progressive de l’Empire français. En effet, en 1954 se termine la guerre d’Indochine : la France recule donc en Asie. Toutefois, les territoires en Afrique subsaharienne ne sont pas encore concernés, et leur décolonisation sera plus pacifique. Qu’est-ce qui peut expliquer ces différences (notamment avec l’Algérie française) ?

Exemple de problématique possible : Dans quelle mesure la décolonisation du Maghreb a-t-elle effectivement été synonyme d’indépendance ?

Elaborer un plan

Le plan découle de la problématique et doit y répondre. En histoire, sur des sujets s’étalant sur une longue période, il est préférable de choisir un plan chronologique ou chronologie-thématique. Nous vous proposons ici un exemple de plan répondant à notre problématique :

I/ Décoloniser le Maghreb s’impose peu à peu dans les mentalités comme une fatalité (des années 1930 jusqu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale)

Ici, montrer comment la décolonisation s’impose au gouvernement de France métropolitaine comme inéluctable. Il s’agit de la replacer dans le contexte international, tout en montrant les spécificités du Maghreb et notamment de l’Algérie française.

II/ Décoloniser le Maghreb s’inscrit dans un contexte international convergent et dans un cadre conflictuel (jusqu’en 1962)

Cette partie peut quant à elle analyser la décolonisation effective du Maghreb. Il s’agit ici d’étudier les différents conflits et décisions politiques qui ont contribué à décoloniser définitivement le Maghreb. Aborder en détail les marches à l’indépendance.

III/ Décoloniser le Maghreb a eu des conséquences : jusqu’où l’indépendance est-elle effective ? (jusqu’aux années 1990)

Aborder ici les conséquences de la décolonisation, les liens des anciennes colonies maghrébines avec la France métropolitaine (liens économiques, soft power). Il s’agit également de questionner les conflits qui ont suivi (exemple de la guerre des sables).

Te voilà maintenant armé(e) pour traiter touts types de sujets d’histoire ! Nous espérons que ces deux articles t’auront été utiles, tant du point de vue de la méthode que des connaissances !