économie

La dissertation d’Analyse monétaire et politique économique (AMPE) est un exercice rigoureux en prépa ENS D2. Celle-ci demande aux candidats d’être capables de contextualiser un sujet grâce à l’actualité et d’en dégager une problématique, sans proposer une revue des positions politiques, journalistiques ou historiques afférentes au sujet. Seule une analyse économique fine et objective doit être recherchée. La forme de la composition est également très importante.

Par conséquent, tu trouveras dans la suite de cet article des conseils méthodologiques pour t’aider à réussir tes dissertations d’Analyse monétaire et politique économique. Ces conseils sont tirés des rapports de jurys et de mon expérience personnelle.

L’épreuve d’Analyse monétaire et politique économique en général

Le déroulement

L’épreuve demande de réaliser une dissertation en 4 h sur un sujet donné, présenté le plus souvent sous la forme d’une à deux lignes, la plupart du temps sur la forme affirmative.

Tes connaissances

Hormis tes cours, nous te conseillons d’étudier le livre Politique économique d’Agnès Bénassy-Quéré (and co). C’est le livre de référence, notamment pour l’épreuve d’Analyse monétaire et politique économique. De la même manière, n’hésite pas à lire les notes d’analyse du site Fipeco de François Ecalle, offrant des connaissances inédites et une analyse dont ta démarche intellectuelle pourrait s’inspirer.

Lire le sujet

Même si ce conseil paraît banal de prime abord, de nombreux candidats font du hors sujet, car, rappelons-le, tout ce qui ne concerne pas le sujet, non seulement ne compte pas mais est également pénalisant. Il ne faut pas essayer de montrer que tu sais un maximum de choses, mais au contraire bien les organiser pour répondre au problème posé de la manière la plus pertinente possible. Tout le monde est censé connaître les points clés du programme. Seules une lecture et une réponse fines du sujet te feront marquer des points.

En ce qui concerne l’analyse des termes du sujet, il faut bien repérer et noter les pluriels, les majuscules employées, les mots de liaison, etc. Par exemple, le segment « les politiques économiques face à » amène à s’interroger « dans quelles mesures les politiques économiques sont-elles contraintes par… ? ».

L’orthographe

L’orthographe est essentielle. Trop de fautes de syntaxe et d’orthographe sont rédhibitoires et, s’il faut le rappeler, irritent rapidement le correcteur. Soigner l’écriture et consacrer au moins dix minutes de relecture est obligatoire.

Les références

Il faut toujours faire suivre les noms des auteurs de l’année de publication des ouvrages ou articles auxquels on fait référence. Cela peut paraître fastidieux, mais on se prête rapidement au jeu, et cela nous permet de prendre conscience de l’importance qui est de citer ses sources. Ainsi fait, ton correcteur pourra rapidement vérifier telle ou telle référence et verra que ton propos est corroboré de manière sérieuse et rigoureuse.

La gestion du temps

La gestion de ton temps va s’affiner au cours de tes entraînements, c’est une question d’expérience ! Nous te conseillons cependant de passer environ 50 min sur ton brouillon (intro + plan), 15 min à la rédaction de ton introduction, 2 h pour ton développement, 20 min pour la conclusion et enfin, 10 min de relecture.

Les notes aux concours

D’après les différents rapports de jurys, les notes au concours oscillent souvent entre 0 et 17, et la moyenne est aux alentours de 7/20 à 8/20, avec une forte concentration des notes entre 6 et 12 (l’écart-type est de 4 en moyenne).

Si l’on fait une typologie des copies, on retrouve quatre grandes catégories :

– les copies blanches et les copies non terminées ;

– les copies les plus faibles (entre 5 et 8), caractérisées par une absence de méthode de la dissertation et des connaissances théoriques et empiriques de base ;

– les copies entre 9 et 11, où les connaissances sont présentées avec une relative maîtrise de la forme de la dissertation. Cependant, des connaissances partielles et pas toujours en lien avec le sujet t’empêcheront d’avoir au-dessus de 11 ;

– les meilleures copies au-dessus de 12 présentent les qualités majeures attendues. Ta copie aura réussi à proposer une réflexion originale et exhaustive, alliée à un niveau de connaissances satisfaisant et en cohérence avec le sujet.

L’introduction

L’introduction est la partie la plus importante de la dissertation, tu dois y consacrer du temps (brouillon et rédaction). Celle-ci doit faire entre une et deux pages d’une copie double classique. Sur la forme, tu dois écrire plusieurs paragraphes, car rien de plus illisible qu’un bloc d’une à deux pages !

Cela peut paraître trivial, mais le QQOQCCP (Quoi, Qui, Où, Quand, Comment, Combien, Pourquoi) est une méthode efficace pour être sûr de ne pas passer à côté d’un aspect du sujet.

L’accroche

Elle doit faire au maximum trois lignes et être pertinente. Il vaut mieux ne rien mettre que faire une accroche « bateau ». Le mieux serait de rebondir sur celle-ci juste avant la phase de problématisation, elle est censée être utile à ton cheminement de pensée. Une citation bien choisie fait toujours un bon effet, si et seulement si elle correspond parfaitement au sujet.

Précision et exhaustivité des définitions de l’ensemble des termes du sujet

Il faut, autant que faire se peut, réussir à définir tous les termes du sujet de manière fluide. Par exemple, si le sujet comprend « déséquilibres économiques actuels », on doit immédiatement se demander : qu’est-ce qu’un déséquilibre économique ? Quels sont les déséquilibres économiques observés actuellement ? Sont-ils les mêmes pour tous les pays ? Déséquilibres à court terme, à long terme ? Déséquilibres internes, externes ? Déséquilibres macroéconomiques, microéconomiques ?

Remarquons que si le sujet parle de quelque chose de mesurable, on doit préciser quels indicateurs on utilise. Si l’utilisation d’un indicateur fait débat, il faut soit l’utiliser dans le développement comme un argument, soit préciser dans l’introduction que l’on va écarter ce débat. Par exemple : « Nous sommes conscients que le PIB potentiel est difficile à mesurer, mais nous n’allons pas en tenir compte ici. »

Phase de problématisation

Cette étape consiste à effectuer une discussion de relations entre les termes du sujet et des différentes manières d’aborder le sujet, en soulignant l’intérêt et les limites de chacune d’entre elles.

L’étape des définitions te permettra de te poser des questions pertinentes te permettant de mettre en perspective le sujet et de poser le ou les enjeux du sujet. Pour t’aider, pense à mettre en lien les différents termes du sujet. Exemple : État et marché.

Remarque : il est essentiel d’évoquer et définir l’ensemble des termes du sujet, ceux-ci ne sont pas là par hasard !

La problématique

En se posant les bonnes questions concernant l’enjeu du sujet, la problématique doit arriver naturellement et de manière fluide. Elle ne doit jamais être faite par rapport à un plan déjà établi, correspondant lui-même à un plan tout prêt relatif au thème du sujet. La méthode de la dissertation unique te conduira au hors sujet.

De plus, le choix d’une problématique amenant à un plan restrictif est possible, mais le traitement du sujet doit être relativement exhaustif. Tu risques d’être sanctionné si tu passes à côté de raisonnements théoriques « de base ». Par conséquent, il faut savoir doser entre l’original et la présentation des notions obligatoires à connaître.

Le plan

La cohérence entre la problématique et le plan de la dissertation est un enjeu crucial, elle te permettra de rester dans la catégorie des « bonnes copies ». Ainsi, l’annonce du plan est obligatoire, mais elle doit être courte. Une annonce trop détaillée est inutile puisque tu dois faire apparaître clairement le plan.

Le développement

Tu l’auras compris, un plan apparent, avec des formules complètes, permettra au correcteur de voir directement le fil conducteur de ta pensée.

Tu dois écrire des titres d’une à trois lignes. Passe du temps au brouillon à réfléchir à leur formulation. Un titre doit donner l’information essentielle, dis-toi que c’est comme un sommaire, tu es censé trouver ce qui t’intéresse rapidement grâce à lui.

Le type de plan

Évite, comme dit précédemment, de poser un plan tout fait. Il ne pourra pas être en lien avec ta problématique, qui elle-même découle d’un sujet particulier. Il existe différentes manières de répondre à une problématique. Toutes sont bonnes tant qu’elles répondent à la problématique et que ce n’est pas hors sujet.

L’essentiel, lorsque l’on défend une politique/théorie économique, c’est de montrer que l’on comprend aussi les arguments qui vont à l’encontre de ces idées. La science économique n’as pas de réponse unanime.

Par ailleurs, essaye d’apporter un cadre original à ton analyse, dans un équilibre statique/dynamique et partiel/général.

La structure du plan

L’idéal (compte tenu du temps qui t’est donné) serait un plan en 2 x 2 x 2. Une bonne copie apportera une idée directrice, une théorie et un exemple associés dans chaque sous-partie. Retiens qu’une idée équivaut à un paragraphe. Un bloc d’une page est difficilement lisible !

Tu dois consacrer entre une à deux pages au maximum par sous-partie. Il vaut mieux être le plus clair et précis possible que d’essayer d’écrire au maximum. Les très bonnes copies ne sont pas forcément les plus longues.

Quelques précisions

On peut mettre une petite formule ou un graphique, mais il faut absolument que ce soit pertinent. À aucun moment, le correcteur ne doit sentir que c’est utilisé pour combler un manque de connaissances. Il faut que le graphique soit absolument juste, on ne peut pas donner des chiffres inventés.

En outre, certains thèmes importants sont souvent mis de côté. Efficacité de la politique publique : indicateur… ; à quels moments faut-il appliquer telles politiques publiques ? Les politiques budgétaires structurelles ; politiques de la concurrence… ; les indicateurs : effort structurel, solde budgétaire stabilisant, etc.

Conclusion

Classiquement, la conclusion doit être une synthèse rapide de ton raisonnement en énonçant quelques propositions simples caractérisant les problèmes que l’on peut considérer comme résolus et ceux qui restent à résoudre. Il conviendra d’éviter les grandes phrases sentencieuses et les envolées lyriques. 

Exemple d’introduction : « Création monétaire et politique économique »

Voici les éléments clés d’une introduction sur ce sujet. Nous utilisons l’incise « Note » pour insérer une remarque.

Accroche

La création monétaire correspond à la hausse de la quantité de monnaie détenue par les agents non financiers, elle répond à des besoins. Elle est effectuée par les banques commerciales et par les banques centrales dans une moindre mesure [explique les modalités brièvement].

Note : Il y a la création de monnaie centrale, mais aussi de monnaie centrale scripturale. Si la monnaie est rare, il peut y avoir un problème de dynamisme, car les agents économiques ne peuvent pas financer leurs activités économiques. Si la quantité de monnaie est abondante, il y a un risque inflationniste et un risque de bulle spéculative. Les banques commerciales peuvent ne pas être à même de créer les quantités de monnaie qui seraient souhaitables collectivement, d’où la mise en place de politiques économiques.

Les États et banques centrales sont les acteurs de ces politiques économiques (note : “État”, car la politique économique ne correspond pas uniquement à politique monétaire !). Si la Banque centrale est non indépendante, seul l’État est mobilisé. Si la Banque centrale est indépendante et qu’elle a les mêmes objectifs que l’État, alors la situation change peu par rapport à celle où seul l’État intervient. Enfin, s’ils ont des objectifs divergents, ce qui est souvent le cas depuis les années 90, alors la situation est davantage complexe [Note : c’est ici que l’on a explicité un des enjeux liés au sujet]. En termes de politique économique, elle s’articule autour des trois fonctions de Musgrave exposées dans The Theory of Public Finance [à expliciter, tu peux aussi mentionner le carré magique de Kaldor, parler d’efficacité de la politique économique et notamment la capacité des administrations publiques à mesure, définir des objectifs, les limites internes et externes, etc.].

Choix de l’orientation de la réponse

L’indépendance ou non de la Banque centrale a des impacts en termes de politique économique, et donc en termes de création monétaire. Par conséquent, de quelle manière influencer le contexte et la place du contrôle de la création monétaire dans la conduite des politiques économiques ?

Dans ton développement, tu dois mentionner certains (mais pas tous) des éléments suivants, selon l’angle d’attaque choisi :

  • règle de Tinbergen/Mundell ;
  • carré magique de Kaldor ;
  • économie d’endettement/de marché de capitaux (Hicks, 1974) ;
  • Keynes et le déterminant de la détention de monnaie ;
  • IS-LM : la trappe à liquidité ;
  • Friedman ;
  • équilibre général ;
  • Jean Bodin et l’inflation monétaire ;
  • politiques monétaires conventionnelles et non conventionnelles ;
  • crédibilité de la politique monétaire, incohérence temporelle (Kydland et Prescott, 1977) ;
  • multiplicateur/diviseur du crédit ;
  • dilemme de l’efficacité de la politique économique et la justice sociale ;
  • credit crunch ;
  • bulle spéculative ;
  • objectifs finaux intermédiaires ;
  • marché interbancaire ;
  • taux directeurs et réserves obligatoires ;
  • Nordhaus et le jeu destructeur entre politique monétaire et budgétaire ;
  • change fixe/flexible/cas intermédiaires ;
  • courbe en J et théorie des élasticités critiques ;
  • coordination des politiques économiques ;
  • système monétaire européen et Union monétaire européenne ;
  • références historiques suivantes : hyperinflation allemande, politique monétaire dans les années 20, stagflation, crise de 29, crise des subprimes, crise sanitaire…

Nous espérons que cet article aura pu te donner quelques pistes afin de bien appréhender cette épreuve d’Analyse monétaire et politique économique spécifique à la prépa ENS D2 ! N’hésite pas à approfondir les notions énoncées juste au-dessus, qui te seront globalement utiles pour tous types de sujets !