histoire

Lorsque l’on maîtrise bien l’exercice général de la composition d’histoire, rédiger une introduction efficace, agréable à lire et originale permet de faire montrer sa note de deux à trois points. Cela donne également le ton du développement à suivre. Une introduction réussie pose d’emblée les enjeux du sujet, et permet ainsi au correcteur de voir si le candidat a saisi les attendus et les grandes problématiques du programme.

Taille et objectifs d’une bonne intro de la composition d’histoire

Avant de détailler le contenu de l’introduction de la composition d’histoire, il convient de préciser deux éléments essentiels. Tout d’abord, il est conseillé, autant que faire se peut, de rédiger l’introduction au brouillon. On ne saurait écrire au fil de plume et donner à lire dès le début un raisonnement décousu, imprécis et maladroit à son correcteur.

Ensuite, la quantité ne fait pas la qualité. Une longue introduction n’est pas nécessairement réussie. Tout au contraire, tu risques peut-être d’en dévoiler trop et de manquer par conséquent d’arguments dans ton développement. Tiens-t’en à un maximum d’une page et demie à deux pages. D’autre part, une trop grande densité risque d’enlever à ton introduction le caractère percutant et persuasif qu’elle est censée produire chez le lecteur.

Une introduction efficace se compose de cinq étapes, qui ne doivent cependant pas être cousues de fil blanc. Elles doivent être dépliées et déployées avec subtilité et clarté, de telle manière que la lecture soit fluide et agréable. D’autre part, les enjeux présentés doivent pouvoir être aisément saisis par tout un chacun, même un non-historien. Ensemble, nous allons donc détailler ces cinq étapes.

1/ Accroche/présentation du sujet

Un bon historien ne saurait commencer sa dissertation sans une accroche. Celle-ci est inévitable dans toute excellente copie. Elle sert à capter l’attention du lecteur ainsi qu’à exposer d’emblée un des enjeux majeurs du sujet. Il peut s’agir de données chiffrées, d’un événement symbolique ou de la mention d’un acteur historique central. Il est également possible de faire plus original en citant un extrait d’un ouvrage historique ou littéraire, d’un chant traditionnel, ou une œuvre picturale/sculpturale/cinématographique.

Par exemple, sur un programme tel que « La France et l’Afrique de 1830 à 1962 », une accroche portant sur un passage du chant militaire « Les Africains » ou le costume de zouave offert à Paul dans Les Malheurs de Sophie égaye l’esprit de ton correcteur et te fait sortir du lot.

L’accroche ne doit cependant pas être isolée du reste de ton introduction. Autrement dit, il ne doit pas y avoir d’alinéa entre l’accroche et la suite de ton développement. Tout au contraire, l’accroche doit permettre d’amener le sujet. C’est-à-dire qu’après avoir exposé l’illustration de ton choix, tu dois montrer dans quelle mesure elle se rapporte au sujet qu’il t’est donné de traiter et comment elle en illustre une des principales thématiques. En somme, l’accroche consiste à partir d’une situation singulière pour mieux entrer dans le sujet qui a une portée générale.

2/ Définition des termes du sujet et des bornes historiques et/ou géographiques

Une fois que le sujet à traiter a été amené et exposé, il convient de le préciser. Pour cela, il faut rigoureusement le délimiter, tant sur le plan historique que géographique. Généralement, dans le sujet, des dates te sont données. Ces dates ne sont pas choisies au hasard, mais correspondent à des événements charnières dans le thème au programme. Il te faudra donc expliquer dans quelle mesure ces dates vont influer sur la manière de traiter le sujet.

Le cadre chronologique est donc impératif, et il faut le justifier dans l’introduction. Prenons l’exemple d’un sujet traitant de la politisation des colonies françaises entre 1900 et 1962. Dans la décennie 1900 apparaissent les mouvements Jeunes-Algériens et Jeunes-Tunisiens. Il faut donc comprendre ce qui sépare la révolte de Mokrani (1871) de la guerre d’indépendance. La politisation est un phénomène de modernisation, qui s’associe à la thématique nationale.

Dans le même temps, il faudra aussi définir l’espace géographique sur lequel tu vas travailler. Ses frontières, sa densité, sa culture, ses différents habitants, mais aussi ses relations possibles avec le reste du monde.

Enfin, les mots-clés du sujet sont également à définir. Souvent, un mot n’a pas le même sens employé dans un autre contexte historique. Il faut aussi penser aux différents champs qu’il peut recouvrir. Dans le cadre du programme portant sur la Russie, peut-être serait-il judicieux de se pencher sur la traduction exacte des termes en russe de manière à en saisir l’esprit, la signification étymologique, les symboles associés.

Exemple

Par exemple, dans un sujet tel que « Français et indigènes dans l’Afrique française de 1830 à 1962 », le terme « Français » ne doit pas aller de soi. Il faut bien évidemment parler de la créolisation des Français d’Algérie. Certains sont d’origine française, descendants de naturalisés ou des naturalisés. Cependant, malgré la créolisation, une certaine hiérarchie a perduré. Les Français de métropole méprisent les Français des colonies.

Dans l’ouvrage Les Français d’Algérie (1961), on sent le mépris qu’inspirent à Pierre Nora les Français d’Algérie, leur accent. Pour lui, ce sont des gens peu cultivés et responsables de la situation algérienne. L’égalité entre tous les habitants des colonies n’est acquise qu’en 1956 avec la loi Deferre. Avant, cette égalité était de droit, et non de fait. L’abandon des harkis montre bien aussi cette inégalité de fait entre les Français de souche nord-africaine et les Français de souche européenne.

Il faut donc essayer de couvrir tous les sens d’un terme. La réflexion sur le sujet est toujours capitale. Il faut interroger ce qui semble aller de soi. Il faut bien avoir cependant à l’esprit que rien ne doit être rigide, mécanique ou forcé dans l’introduction. En d’autres termes, il ne s’agit pas de définir les bornes historiques, puis les bornes géographiques et enfin les termes du sujet. Tu dois le faire dans l’ordre qui te paraît le plus naturel et le plus agréable. Parfois, les différentes définitions vont s’interpénétrer, se croiser, se mélanger. Ce n’est pas grave, la clarté prime sur le reste !

3/ Exposition des enjeux/éléments de contexte

Après avoir défini succinctement le cadre de ton analyse à venir, il faut en exposer les enjeux. Il s’agit sans doute de la partie la plus importante de l’introduction (avec la problématique). C’est à ce moment que le correcteur pourra voir si tu as compris le sens du programme sur lequel tu travailles depuis plus de neuf mois.

Lors de cette étape, tu dois exposer les grands enjeux du sujet et montrer ce qui fait débat. En fait, tu dois montrer dans quelle mesure le sujet qu’on t’a donné à traiter est conflictuel, ambigu et a engendré de profondes mutations sociales, politiques et/ou économiques. Il s’agit aussi d’un moment de l’introduction dans lequel tu peux souligner les diverses controverses historiographiques qui ont traversé la période historique traitée.

4/ Problématique

C’est, avec l’exposition des enjeux du sujet, le moment le plus important de ton introduction, puisque la problématique va déterminer l’ensemble du développement dissertatif à venir. Il s’agit d’une question générale formulée à partir d’une multitude de problèmes et d’interrogations soulevés par le sujet. Tu dois donc avoir ta problématique avant de rédiger ton plan.

La problématique doit être claire, limpide et percutante. Elle doit être formulée si possible en un maximum de deux phrases/questions. Il faut proscrire à tout prix l’accumulation de questions. N’hésite pas à faire un alinéa pour la mettre en valeur.

Pour t’aider à formuler ta problématique, tu peux te poser les questions suivantes : Quel est le point de départ ? Quel est le point d’arrivée ? Comment est-on passé de la situation initiale à la situation finale ? Pourquoi les choses se sont-elles passées de cette manière, et pas autrement ?

La formulation

Concernant la formulation, la problématique peut être rédigée soit sous forme d’une interrogative directe, soit d’une interrogative indirecte (mais gare à l’inversion sujet-verbe qui hérissera le poil de ton correcteur). Il faut privilégier les formules telles que « dans quelle mesure » et « comment », qui permettent d’ouvrir une réponse plus large au cours du développement. En effet, dans la problématique, on formule une hypothèse en cherchant à discuter le constat de départ.

Il faut absolument éviter les questions commençant par « en quoi » (à réserver aux dissertations de lycée ou de géographie) et l’usage du verbe « évoluer », puisque tout ce qui est soumis au temps évolue, rien de nouveau sous le soleil.

5/ Annonce de plan

L’annonce de plan doit être très efficace. Le correcteur doit saisir d’emblée le chemin que tu vas suivre. C’est pour cela qu’il est préconisé de faire une phrase par partie, chacune introduite par un connecteur logique. On évite cependant les formules lourdes du type « dans un premier temps, nous verrons que… ». Elles sont caractéristiques du secondaire et ralentissent le déploiement du propos.

Pour terminer, n’hésite pas à relire ton introduction une fois rédigée. Cela te permettra, tant que tu n’es pas encore trop fatigué, d’y repérer les fautes d’orthographe ainsi que les erreurs d’inattention.

Exemple d’introduction

Voici un exemple d’introduction d’une copie notée 19/20 au concours de l’ENS de Lyon sur le programme 2021.

Sujet : Lutter contre l’ordre colonial en Afrique sous domination française et en France métropolitaine, 1871-1962

« C’est nous les Africains qui revenons de loin, venus des colonies pour sauver la patrie », déclare le chant militaire “Les Africains” composé pendant la Seconde Guerre mondiale. Il donne l’image d’une Afrique française unie, prête à défendre la Mère-Patrie contre l’ennemi. [Accroche] Or, une telle représentation ne saurait masquer les résistances dans les colonies et en France métropolitaine à l’égard de l’ordre colonial en Afrique sous domination française. [Annonce du sujet] Cependant, cette lutte n’est pas uniforme ni continue, et recouvre un large panel de moyens, plus ou moins manifestes et visibles. Chez les colonisés, la lutte peut être divisée en trois grands moments. On observe d’abord des résistances spontanées et traditionnelles dans leur forme, puis une certaine adaptation des résistances à l’ordre à l’ordre colonial (silence, messianisme, fuite, intégration dans le système administratif et scolaire), et enfin, la structuration de la lutte au travers de mouvements nationalistes et de véritables partis politiques. [Définition des termes] Le renforcement de la lutte chez les colonisés est donc guidé par une politisation croissante des populations indigènes. En luttant contre l’ordre colonial, il s’agit de lutter contre la relégation, l’humiliation et la violence tant physique que symbolique. Pour ce qui est de la France métropolitaine, la prise de conscience est plus lente, tant les Français ne sont pas informés ni intéressés par leur Empire. [Bornes géographiques] Il faut attendre le XXᵉ siècle pour qu’une opposition manifeste à l’ordre colonial émerge, notamment avec la fortification de la SFIO et du PC qui apportent leur soutien aux colonisés. La différence est donc grande entre 1871 et 1962. La Révolte de la Grande Kabylie relève encore du soulèvement traditionnel et la France demeure préoccupée par la défaite franco-prussienne. À l’inverse, l’année 1962 met un terme à plusieurs guerres de décolonisation violentes, hautement politiques, par la perte symbolique de l’Algérie. [Bornes historiques + exposition des grands enjeux du sujet].

Dans quelle mesure la lutte contre l’ordre colonial est-elle le résultat d’une politisation croissante et d’une prise de conscience des rapports inégaux entre colons et colonisés, tant en Afrique française qu’en France métropolitaine ? [Problématique en une phrase reprenant les mots-clés du sujet et formulant une hypothèse de départ]

Entre 1871 et 1918, les populations prennent progressivement conscience des injustices coloniales, malgré l’ambiguïté de certains comportements [I].

La lutte se structure cependant au travers de mouvements nationalistes et de partis politiques entre 1919 et 1945 [II].

C’est au lendemain de la Première Guerre mondiale que s’opèrent un renversement des rapports de force et une implication croissante des Français de métropole dans les affaires coloniales [III]. »

Nous espérons que cet article agrémenté d’un exemple te permettra de cerner ce qui est attendu d’un tel exercice ! Pour en savoir plus, n’hésite pas à consulter un article plus général sur la méthodologie de la composition d’histoire !