Alors que tu t’apprêtes à vivre dans les prochains jours des révisions intenses afin de te préparer au mieux aux concours de la BEL, nous te proposons le témoignage de Judith, étudiante à l’ENS de Lyon après trois années de CPGE littéraire A/L en Nouvelle-Calédonie. Elle raconte son expérience de la prépa, son parcours à l’ENS en histoire qu’elle a intégrée en 2020 et te donne quelques conseils pour ce cursus ! Un très grand merci à elle d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et bonne lecture !

Tout d’abord, peux-tu te présenter et nous détailler ton parcours scolaire ? (Filières et options au lycée, idem pour la prépa.)

Je m’appelle Judith Hanoufa, j’ai 23 ans et je suis née en Nouvelle-Calédonie. Une petite île française du Pacifique dans laquelle j’ai toujours vécu avant de m’installer en France métropolitaine pour la suite de mes études. C’est aussi là que j’ai fait tout mon parcours scolaire, jusqu’à la classe prépa. Avant d’entrer en classe préparatoire A/L (littéraire), spécialité histoire-géographie, j’étais en filière Littéraire, spécialité théâtre. Je suis restée trois ans en prépa, et j’ai donc passé deux fois le concours d’entrée de l’École normale supérieure avant d’intégrer l’école sur dossier en 2020.

Pourquoi avoir choisi d’effectuer une classe préparatoire littéraire ? Était-ce ton premier choix d’orientation ?

Je suis entrée en classe prépa un peu au hasard… Je ne savais pas trop ce que je voulais faire et la prépa me permettait de rester dans une filière générale, alors qu’entrer à la fac signifiait de se spécialiser. Et surtout, une classe prépa littéraire venait d’ouvrir dans mon lycée et c’est ce qui m’a décidée à tenter l’aventure d’une certaine façon !

As-tu hésité à aller en métropole pour poursuivre tes études dans l’enseignement supérieur (prépa ou autre voie) ?

Justement, le fait d’aller en prépa dans mon ancien lycée me permettait de rester en Nouvelle-Calédonie et de rester dans une filière générale ! Pour ce qui est des autres voies, j’avoue n’y avoir pas trop pensé en réalité. Le fait de ne pas à avoir à partir et m’installer en métropole directement après le lycée a véritablement été un critère, je pense. Je ne me sentais pas encore prête à partir à l’autre bout du monde à seulement 17 ans, même si d’autres le font.

Comment as-tu vécu tes années de prépa ?

Je les ai plutôt bien vécues dans l’ensemble. Nous formions une bonne promo et j’avais le soutien de mes parents, ce qui fait que, malgré le stress, le doute et le travail intensif, je pouvais compter sur ma famille et mes amis. D’autant plus qu’un certain nombre d’entre eux avaient également joint la prépa. Je peux également ajouter que le fait que la Nouvelle-Calédonie soit une île du Pacifique rend aussi la chose plus agréable, ne serait-ce que parce que nous n’avons pas à souffrir de la dépression hivernale !

L’ambiance dans ton établissement était-elle agréable ?

Oui ! L’équipe de professeurs que nous avions était super et avait à cœur de ne pas nous faire « fuir » la prépa. Comme nous étions peu nombreux à choisir d’entrer dans une classe préparatoire littéraire, les professeurs préféraient mettre en place une dynamique positive en nous encourageant et en essayant de nous convaincre tous que nous pouvions tout à fait y arriver, même sans être dans une grande prépa parisienne.

Quel était ton rythme de travail pendant tes années d’hypokhâgne, de khâgne puis de khûbe ?

Je travaillais beaucoup, je me souviens que je devais travailler quatre à cinq heures chez moi après les cours et que je faisais souvent une croix sur les sorties, en famille ou avec des amis. En hypokhâgne, le rythme était un peu moins soutenu, car nous n’avions pas encore à préparer le programme du concours, j’arrivais donc à me libérer pour le week-end, mais à partir de la khâgne et en khûbe, je travaillais également les week-ends. Cependant, je ne faisais aucune nuit blanche, la fatigue aidant assez peu au travail.

Quel a été l’impact de l’épidémie de la Covid-19 lors de ta khâgne et de ta khûbe ?

L’épidémie de Covid-19 a eu un impact différent en Nouvelle-Calédonie, par rapport à la métropole. Déjà, nous sommes restés « covid-free » jusqu’en fin 2021, car les frontières aériennes de l’île ont été fermées. Cependant, pendant mon année de khûbe, il y a eu une alerte Covid qui a entraîné un confinement immédiat (un mois) et donc un arrêt des cours, et surtout les concours ont été décalés du fait de l’épidémie en métropole. Cela a été une période très stressante, et je me souviens d’avoir mis les bouchées doubles pour éviter d’abandonner. Je sais que si j’avais été en métropole à ce moment-là, loin de ma famille et devant travailler pour le concours, j’aurais tout arrêté.

Dans quelle série as-tu passé les concours ? Quelle était ta discipline de spécialité ? Pourquoi ?

J’ai passé les concours de la série A/L en spécialité histoire-géographie. J’avais choisi cette spécialité tout simplement parce que l’histoire était ma matière préférée et que j’y étais plutôt douée.

Comment est-ce que tu as préparé ces concours ?

Je relisais à voix haute mes cours et les fiches (chronologiques, vocabulaire, etc.) que j’avais préparées tout au long de l’année essentiellement et je révisais régulièrement la méthodologie de la dissertation. J’ai aussi mis à profit les deux mois de grandes vacances du calendrier austral (vacances d’été de mi-décembre à mi-février) pour réviser (fiches, lecture d’articles, d’ouvrages) avant les concours qui ont normalement lieu en avril.

Sur le plan logistique, quelle était l’organisation des épreuves ? Deviez-vous composer à des horaires différents de ceux du début des épreuves en métropole ?

Comme les épreuves doivent avoir lieu au même moment dans toute la France, nous les passons de nuit, entre 18 h et minuit pour les épreuves de tronc commun et de 18 h à 2 h du matin pour les épreuves de spécialité histoire-géo. Ce décalage horaire nous oblige à nous préparer à l’avance, notamment en se décalant progressivement pour dormir le jour et être éveillé la nuit. Ainsi, on peut survivre à six heures de composition de nuit !

Quel souvenir gardes-tu des concours ?

J’en ai une assez bonne expérience finalement. C’était assez fatigant en soi, mais c’était aussi assez agréable d’avoir tout le lycée juste pour nous ! Au moins, nous n’étions dérangés par aucun bruit !

Quelles sont les autres écoles que tu as présentées (via la BEL ou la BCE) ou quelles sont les démarches que tu as effectuées auprès d’autres établissements ?

Je n’ai présenté que l’ENS, via la BEL, les écoles de commerce ne m’ayant jamais vraiment attirée. Par contre, j’ai postulé à de nombreuses universités en métropole pour des cursus en histoire, la prépa m’ayant décidée à continuer dans cette matière.

Quelles étaient les options que tu envisageais pour la poursuite de ton parcours ?

Je pensais continuer en histoire et poursuivre soit dans la recherche, soit dans l’enseignement. Mais j’avais également envisagé d’autres métiers liés à l’histoire, comme l’archivistique ou la conservation, mais c’était plus des idées auxquelles je pensais sans véritablement avoir envie de les concrétiser. C’était vraiment l’histoire en elle-même qui m’intéressait.

Pourquoi avoir choisi de suivre ta scolarité à l’ENS de Lyon ?

Comme finalement j’y suis rentrée via une candidature sur dossier, je me suis dit que ça serait dommage que je passe à côté d’une telle occasion. Surtout que l’ENS est considérée comme la meilleure voie pour poursuivre soit en recherche, soit dans l’enseignement.

Peux-tu expliquer en détail la procédure de candidature en tant que normalien étudiant à l’ENS de Lyon ?

Alors, il faut déposer un dossier de candidature au moment de l’inscription au concours. Pour entrer dans l’école à partir de la première année, il faut fournir une attestation de 120 ECTS, fournie par la prépa et qui permet de valider une équivalence de licence 2. Le dossier est saisi en ligne sur CADENS, l’application Web de l’ENS pour les inscriptions, il est ensuite évalué par la commission d’admission. Les résultats de l’évaluation sont ensuite disponibles sur CADENS, si c’est positif, il faut ensuite confirmer l’inscription, toujours sur CADENS.

La procédure est similaire si l’on souhaite entrer pour la deuxième année (ou un M1), l’attestation d’ECTS devant être de 180 cette fois-ci (équivalence licence 3).

En quoi celui-ci diffère-t-il des autres statuts (normalien élève et auditeur) ?

Le normalien étudiant passe le diplôme de l’ENS, tout comme le normalien élève ; cependant, contrairement à l’élève, l’étudiant n’est pas payé. L’auditeur de master, quant à lui, ne passe pas le diplôme de l’ENS, mais suit un master à l’ENS. Il n’est pas payé non plus.

Le statut de normalien étudiant est un peu un entre-deux entre l’élève et l’auditeur finalement.

Pour plus d’informations sur les différents statuts étudiants à l’ENS et sur l’engagement décennal, n’hésite pas à consulter notre article ici !

Ta scolarité à l’ENS de Lyon te plaît-elle ? (Est-ce que tu t’y épanouis ? Quels sont les cours qui t’intéressent le plus ? As-tu des engagements associatifs ou activités extrascolaires que tu peux poursuivre, reprendre ou découvrir après la prépa ?)

Jusqu’à maintenant, elle se passe plutôt bien, même s’il y a parfois des déceptions, notamment sur l’organisation des masters. Cependant, les cours sont très intéressants, notamment les cours thématiques, qui permettent d’approfondir toujours plus une discipline ! J’aime beaucoup aussi le fait de pouvoir suivre des cours d’autres disciplines (lettres, philosophie, sociologie…). J’ai également adhéré à plusieurs associations étudiantes et notamment l’association ENSeigner, qui permet de donner des cours particuliers à des élèves de collège et lycée. J’ai également adhéré à ENSport, l’association sportive, ce qui m’a permis de me remettre à la natation et c’est un vrai bonheur de retrouver le sport après trois ans de prépa !

De quelle manière se déroule ce cursus ?

Le parcours à l’ENS se déroule en quatre ans. Une première année qui sert à réunir tous les élèves d’une même « discipline » au sens large et permet d’obtenir la dernière année de licence pour ceux qui ne l’ont pas. Suivent ensuite les deux années de master et une année « libre » qui sert à passer l’agrégation ou à suivre une autre formation dans le cadre de l’ENS.

Quels sont selon toi les points forts de cette école ?

La liberté dans le choix des cours et notamment la possibilité de maintenir de l’interdisciplinarité en suivant des cours d’autres disciplines et départements. La liberté également dans l’organisation du parcours (possibilité de placer une année de césure à n’importe quel moment, de changer de parcours…), et enfin le suivi accordé aux étudiants via le système d’enseignant tuteur.

Comment envisages-tu les années qui viennent, à l’ENS et après ? Quel est le parcours que tu suis cette année, voire celui des années qui suivent si tu le sais déjà ?

Cette année, je suis en deuxième année du diplôme, donc en première année de Master en histoire contemporaine. Je compte passer l’agrégation d’histoire l’année prochaine, puis prendre une année de césure avant de terminer le cursus.

Vers quel domaine/secteur souhaites-tu t’orienter par la suite ? Quels sont les projets professionnels qui t’attirent ?

J’aimerais poursuivre dans l’enseignement, mais j’hésite encore avec la possibilité de continuer en thèse. Mais pour l’instant, tout reste encore assez flou. Mon stage de M1 en établissement scolaire devrait m’aider à y voir plus clair pour la suite !

Que retiens-tu de tes années de classe préparatoire littéraire ?

Ces années de prépa ont été très formatrices, elles m’ont aidée à gagner en maturité, en autonomie. Plus scolairement parlant, elles m’ont permis de développer une méthode de travail efficace et de me décider sur ce que j’aimais faire – ou non. Mais j’en retiens surtout mes amis, avec lesquels je suis toujours en contact, on a survécu ensemble, ça nous a tous bien rapprochés !

Pour finir, quels conseils pourrais-tu adresser aux préparationnaires en A/L qui souhaitent intégrer l’ENS de Lyon ?

Je leur dirais de ne pas s’en faire de trop, que même si ça ne « marche pas » pour l’ENS, ce qu’ils auront appris en prépa les aidera partout et ne sera jamais perdu ! Surtout, je leur conseille de ne pas oublier que si le travail est important pour réussir, leur santé, mentale et physique, l’est également et que ce n’est pas grave de s’accorder une pause de temps en temps. C’est même une des clés pour réussir !