mouflons

Afin de continuer à démystifier cet établissement et te donner davantage d’informations sur les formations proposées à l’École normale supérieure de Lyon à l’issue d’une classe préparatoire littéraire, nous te proposons aujourd’hui le témoignage de Lisa. Elle revient sur son parcours en prépa à Nice et nous parle des études de philosophie à l’ENS ! Un grand merci à elle d’avoir accepté de répondre à nos questions et bonne lecture !

Nous précisons que la photo d’en-tête de l’article présente les charmants mouflons, mascottes de l’ENS de Lyon, qui vivent dans les jardins du campus ; elle a été prise par Lisa !

Pour commencer, d’où es-tu originaire et quel est ton parcours scolaire ?

Je m’appelle Lisa, j’ai 23 ans et je suis actuellement en Master 1 d’Histoire de la philosophie à l’ENS de Lyon. Je viens de Nice. Après un bac littéraire option mathématiques, j’ai fait trois années de classe prépa littéraire A/L à Nice et je me suis spécialisée en philosophie pour mes deux khâgnes.

Pourquoi avoir choisi d’effectuer une classe préparatoire littéraire A/L et pourquoi dans ce lycée ?

J’ai choisi de m’orienter vers une classe préparatoire littéraire sur les conseils de mes professeurs de terminale. Cette option m’a séduite, car elle me permettait de continuer à étudier mes matières préférées sans devoir en choisir une et renoncer aux autres. Mon second vœu d’orientation était une double licence psychologie/philosophie, parcours qui venait de se créer à la fac de Nice. J’ai choisi de faire ma prépa au lycée Masséna pour pouvoir rester vivre chez mes parents à Nice et étudier dans ce très bel établissement.

As-tu hésité à aller dans une autre ville pour poursuivre tes études dans l’enseignement supérieur ?

Ça ne m’a pas traversé l’esprit au moment d’entrer en prépa, car je n’étais pas prête à m’installer seule loin de mes proches. Par contre, j’avoue avoir songé à faire ma dernière année de prépa, ma khûbe, dans une « meilleure » prépa. Je suis finalement contente de ne pas l’avoir fait, car le soutien de mes amis et de ma famille a énormément compté.

Quelle était ta discipline de spécialité en khâgne ? Pourquoi ?

J’ai choisi la spécialité philosophie non sans hésitation. En effet, mes deux disciplines de prédilection étant les lettres et la philosophie, j’ai beaucoup hésité entre ces deux dernières. Les épreuves au concours sont très différentes. D’un côté, un commentaire de texte littéraire hors programme, de l’autre, une dissertation sur un programme constitué par deux notions philosophiques. J’ai pesé les pour et les contre, j’en ai parlé avec mes professeurs d’hypokhâgne et j’ai finalement opté pour la philo.

C’est une décision que je ne regretterai jamais, d’autant que j’ai l’opportunité de suivre des cours de littérature à l’ENS en plus de mes cours de philo. Le choix des cours est très libre à l’ENS, on a le droit de suivre des cours dans n’importe quelle discipline. Les « Cours pour non spécialistes » (CPNS) sont spécialement destinés aux étudiants non initiés (par exemple, un étudiant en philo peut suivre un cours d’introduction à l’astronomie ou à l’économie, ou encore un cours de biologie sur les bactéries et les virus). On peut aussi suivre un cours classique, destiné aux élèves spécialistes de la discipline, dans une discipline qui n’est pas la nôtre. C’est ce que je fais pour la littérature.

Quelles étaient les options que tu envisageais pour la poursuite de ton parcours à l’issue de la prépa ?

À l’issue de la prépa, je me destinais à poursuivre des études de philosophie à l’université, de préférence à la Sorbonne.

As-tu présenté d’autres écoles (via la BEL ou la BCE) à la fin de la prépa ? Quelles sont les démarches que tu as effectuées auprès d’autres établissements ?

Je ne me suis pas inscrite à la BCE, car les écoles de commerce ne m’intéressaient pas. Pendant ma première khâgne, j’avais postulé à Sciences Po Lyon pour m’ouvrir une autre porte. J’ai été admissible mais je ne suis finalement pas allée aux oraux, puisque j’avais décidé de khûber. Je n’ai pas repostulé en khûbe.

Pourquoi avoir choisi de suivre ta scolarité à l’ENS de Lyon ?

À vrai dire, ça a relevé de l’évidence plutôt que du choix. Quand j’étais en prépa, je savais que l’ENS de Lyon proposait une des meilleures formations préparant à l’enseignement et à la recherche, mais je n’aurais jamais espéré être admissible, encore moins admise. C’est pour cela que quand j’ai été admise, je n’ai pas hésité un seul instant.

Peux-tu nous détailler les modalités de recrutement dans cet établissement ?

On peut intégrer l’ENS de Lyon par trois voies différentes, qui correspondent à trois types de profils. Les normaliens-élèves ont intégré sur concours. Après avoir été admissibles à l’ENS suite au concours écrit de la BEL, ils ont passé les oraux à l’école et ont été admis. Ils signent un engagement décennal, ont le statut de fonctionnaires-stagiaires et sont rémunérés. Les normaliens-étudiants ont été recrutés sur dossier, en soumettant notamment un projet de mémoire. Ils préparent le diplôme de l’ENS de Lyon comme les normaliens-élèves, mais ne sont pas rémunérés et ne signent pas d’engagement décennal. Enfin, les auditeurs ont aussi postulé sur dossier et poursuivent un cursus universitaire classique à l’ENS, mais ne préparent pas le diplôme de l’école.

Comment as-tu vécu tes années de prépa ?

Il y a eu des hauts et des bas, comme pour tout le monde je suppose, mais globalement, j’en garde un très bon souvenir. Ces trois années ont été extrêmement enrichissantes sur tous les plans, je me suis sentie mûrir à la fois intellectuellement et affectivement. Les épreuves que l’on rencontre ne rendent que plus savoureuses les satisfactions !

L’ambiance dans ton établissement était-elle agréable ?

L’ambiance était globalement agréable. L’avantage de faire sa prépa dans un lycée « de province » est que les professeurs ne nous mettaient pas trop de pression et étaient toujours bienveillants. Les relations entre élèves n’étaient pas de l’ordre de la compétition ou de la rivalité. La conscience d’être « tous dans le même bateau » créant au contraire des rapports de soutien et d’entraide.

Quel était ton rythme de travail pendant tes années d’hypokhâgne et de khâgne ?

Mon rythme de travail était évidemment soutenu, mais étant donné qu’il l’était déjà assez au lycée, je n’ai pas eu de grosses difficultés à m’adapter et à tenir le rythme les premiers mois d’hypokhâgne. Il est vrai que la prépa implique quelques sacrifices – j’ai notamment souffert d’être moins disponible pour voir mes meilleures amies du lycée.

Pour autant, je ne considère pas que je n’ai « pas eu de vie » pendant ces trois années, comme le pensent certains. J’ai pu malgré tout continuer à aller au cinéma, au théâtre ou au restaurant régulièrement. Et même pendant mes plages de travail, je m’autorisais d’assez longues pauses qui ne me faisaient pas perdre de temps finalement puisqu’elles me permettaient de m’y remettre dans de meilleures conditions.

Comment est-ce que tu as préparé les concours ?

J’ai préparé les concours en alternant entre apprentissage de mes cours et recherche d’informations complémentaires dans des livres ou articles. Je pense qu’en prépa, il faut savoir prendre les choses en main. Il faut faire confiance à ses professeurs bien sûr, mais il faut toujours avoir la curiosité d’approfondir certains points du cours en allant chercher par soi-même.

Quel souvenir gardes-tu des concours ?

Pas un super souvenir, je l’avoue. Ce n’est pas très original de le souligner, mais il est vrai que les écrits sont un réel marathon. J’étais si peu sûre de moi que j’ai énormément travaillé pendant la semaine de révision qui les a précédés et je le regrette, car je suis arrivée déjà fatiguée à la première épreuve. Malgré tout, je tiens à rassurer les khâgneux. Même après une nuit blanche (que je n’ai pas passée à réviser, je précise, mais à stresser), on peut survivre à une épreuve de 6 heures, car l’adrénaline nous permet quand même d’être à fond dedans.

Plusieurs mois après avoir intégré l’ENS, je rêvais encore la nuit que j’oubliais mes crayons de couleur le jour de l’épreuve de géo ou mon dictionnaire le jour de celle d’Italien. Il faut reconnaître que l’expérience des concours est très marquante, que c’est un moment difficile à passer, mais quel bonheur une fois la dernière épreuve terminée ! Je garde un mauvais souvenir des oraux, j’avais très peur de me ridiculiser devant les jurys, mais j’ai finalement constaté qu’ils étaient plutôt bienveillants et que cette épreuve, bien que difficile, n’était pas insurmontable.

Quelle a été ta réaction lorsque tu as appris que tu étais admise ?

J’avais si peu d’espoir d’être admise que je n’étais pas vraiment stressée. J’ai consulté la liste en étant certaine que mon nom n’y figurerait pas. Aussi, quand je l’ai vu inscrit, j’ai eu du mal à réaliser pendant quelques instants.

Quel est le parcours que tu suis depuis ton entrée ? De quelle manière se déroule ton cursus en philosophie ?

J’ai commencé par une année de pré-master de philosophie. Les personnes qui intègrent l’ENS après une seule khâgne et avec une équivalence L2 entrent à l’école en L3 et valident leur année à cheval entre l’ENS et l’université de Lyon. Celles qui entrent après avoir khûbé, en revanche, ont déjà leur L3 et sont invitées à s’inscrire plutôt en pré-master qu’en M1 (car le diplôme de l’ENS s’organise en quatre ans, et celles qui entrent directement en M1 doivent valider en une année scolaire les deux premières années du diplôme, ce qui fait beaucoup).

L’année de pré-master n’est pas une année de perdue à mon sens. Elle est l’occasion de remplir sereinement les obligations liées à la première année du diplôme, mais surtout d’avoir une année un peu plus tranquille entre la khûbe et le M1, sans concours à passer ni mémoire à rendre en fin d’année.

Cette année, je suis en Master 1. En philo, on a le choix entre deux Masters : Histoire de la philosophie et Philosophie contemporaine. Mais en réalité, il y a très peu de différences entre les deux puisque les cours sont communs.

Ta scolarité à l’ENS de Lyon te plaît-elle ?

Je suis très satisfaite de ma scolarité à l’ENS. La première année a été un peu difficile. Par exemple, en philo, le choix des cours est très libre, mais les informations concernant les différents cours ne sont pas toujours disponibles en temps et en heure en début de semestre. Ce qui est souvent source de stress chez les étudiants primo-arrivants. Cette année, j’ai pris les choses de manière beaucoup plus détendue et j’ai beaucoup mieux vécu les rentrées de septembre et de janvier.

Je peux donner quelques exemples de cours qui m’ont particulièrement intéressée cette année. Un cours d’introduction à la philosophie médiévale, un cours d’introduction à la phénoménologie, un cours sur les interprétations phénoménologiques de la théorie aristotélicienne du mouvement et un cours sur la manière dont la science politique s’est constituée à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, en s’inspirant des méthodes et principes de la science médicale, qui a porté essentiellement sur Marsile de Padoue et Machiavel.

Je me suis impliquée dans l’association étudiante de l’ENS qui propose du soutien scolaire. Je profite de mon temps libre pour aller au cinéma une fois par semaine, pour aller passer un week-end à Paris de temps en temps et profiter de la vie culturelle de la capitale.

Quels sont selon toi les avantages de cette école ?

Pour moi, un des grands avantages de cette école est la liberté laissée aux profs quant aux cours qu’ils dispensent. Alors que généralement, à l’université, on attend de chaque prof qu’il donne des cours uniquement sur le domaine, l’auteur ou la période dont il est spécialiste, à l’ENS, les profs sont libres de choisir de donner cours sur n’importe quel sujet. Cela explique la grande diversité des enseignements malgré le petit nombre de profs de philo.

L’école est un endroit agréable, en particulier ses jardins. J’aime bien aller rendre visite aux grenouilles ou aux mouflons (aux moutons de Soay plus précisément), surtout quand il y a des agneaux au printemps ! La vie associative est très riche. Il y a des assos et des clubs pour tous les goûts. Nous avons par exemple, pour en citer quelques-unes, une asso de théâtre, une d’arts plastiques, une d’apiculture, une asso écolo, une asso féministe, une asso queer et LGBTI+, une de soutien scolaire, une qui dispense des cours de Français à des immigrés, une qui prend en charge l’intégration des étudiants étrangers, un club d’échecs, un club cuisine, un club d’œnologie, une fanfare, mais aussi un club fromage, un club origami ou encore un club Just Dance.

L’ambiance au sein de ta promotion est-elle bonne ?

C’est sûrement l’objet de mon plus grand regret. Ma première année à l’école a été interrompue par le confinement de mars 2020, les amitiés qui avaient tout juste commencé à se nouer ont vite été oubliées. L’année d’après, je n’ai pas du tout retrouvé les mêmes personnes, car les gens de ma première promo se sont éparpillés. Certains ont préparé l’agrégation, d’autres sont partis en césure à l’étranger, d’autres en échange universitaire, d’autres en M1, etc.

Apprécies-tu la vie lyonnaise ?

Beaucoup, et en particulier la gastronomie ! On peut manger si bien pour des prix si raisonnables à Lyon que c’est un réel péril pour la ligne (et le porte-monnaie tout de même si on va au resto trop souvent…). Mais le régal des papilles en vaut la peine ! J’aime bien aussi le fait qu’à Lyon, on peut beaucoup se déplacer à pied, car le centre-ville est finalement assez ramassé.

Comment envisages-tu les années qui viennent, à l’ENS et après ? Quel est le parcours que tu veux suivre pour tes deux dernières années ?

J’envisage de faire une césure l’année prochaine pour sortir un peu la tête des livres et m’offrir une grande respiration avant l’année d’agreg. Je prévois de partir au Canada, en Afrique du Sud et en Italie travailler dans des associations auprès d’animaux. L’année suivante, je présenterai l’agrégation, puis je ferai mon M2 à l’ENS avec peut-être un semestre d’échange universitaire à l’étranger. Après l’ENS, je ne sais pas encore, soit je préparerai une thèse, soit je me lancerai tout de suite dans l’enseignement.

Pour finir, quels conseils pourrais-tu adresser aux préparationnaires en A/L qui souhaitent intégrer l’ENS de Lyon en philosophie ?

Le conseil qui m’aurait le plus aidée et que je choisis donc de donner aux khâgneux est le suivant : à chacun sa méthode de travail, il y a autant de manières de travailler et de s’organiser que de personnalités. Trop souvent, en prépa, je me comparais aux autres et je me disais que j’étais moins bien organisée, que je faisais tout au dernier moment, que je devrais travailler en bibliothèque plutôt que chez moi, etc. Ce n’est que vers le milieu de ma seconde khâgne que j’ai compris que ma personnalité faisait que je travaillais mieux chez moi et que j’étais très efficace dans l’urgence et l’adrénaline du dernier moment.

Le plus grand danger en prépa est de se comparer aux autres et de vouloir copier leurs méthodes de travail. Je l’ai compris parce que j’ai longtemps essayé d’imiter un garçon qui me semblait être le khâgneux parfait. Il nageait une heure à la piscine chaque matin avant d’aller en cours. J’ai voulu faire pareil et quand je suis sortie de la piscine à bout de souffle, j’ai compris que je n’étais ni sportive ni du matin, et que ce n’était pas dramatique. J’ai alors décidé de faire le pari d’être moi-même, et ça a porté ses fruits !

Nous espérons que ce témoignage t’aura permis d’en apprendre plus sur la philosophie à l’ENS de Lyon ! En cette période de révisions des oraux, nous t’apportons tout notre soutien ! Si tu souhaites en savoir davantage sur les parcours proposés à l’ENS de Lyon, consulte le témoignage d’Irma qui est actuellement en lettres modernes, ou celui de Judith qui étudie l’histoire et de Louise qui est en espagnol. Si tu es plutôt à la recherche d’articles sur la prépa littéraire, n’hésite pas à consulter notre rubrique dédiée !