Introduction Major-Prépa:

“Pobre México, tan lejos de  dios y tan cerca de los Estados Unidos” (Pauvre Mexique, si loin de Dieu mais si près des Etats-Unis). Telles sont les paroles de l’ancien dictateur mexicain Porfirio Diaz. Car si aujourd’hui l’Amérique Latine semble panser ses plaies, s’émanciper de ces vieilles dépendances et revenir progressivement sur la scène mondiale comme le met en exergue Pierre Salama dans son ouvrage Les économies émergentes latino-américaines, il convient de rappeler que l’histoire de « l’extrême occident » (Alain Rouquié) n’a pas toujours été aussi en rose, en raison notamment du Vieux Continent et des Etats-Unis qui ont brutalisés l’Amérique Latine sous le regard bienveillant des latifundistas (grand propriétaire terrien) pendant bien des décennies. Eduardo Galeano (écrivain uruguayen qui estime son continent lésé par les puissances occidentales), dans un ouvrage certes daté (1971), met en exergue avec fougue les blessures structurelles laissées ouvertes par les Empires coloniaux d’abord, puis par les Etats impérialistes ou dominant dans la DIT [Division Internationale du Travail] ensuite, leur pillage des ressources naturelles et leur mainmise sur l’appareil économique et politique des pays latino-américains.

Partie 1 : La pauvreté de l’homme comme conséquence de la richesse de la terre

                L’Amérique Latine est avec l’Afrique le continent le plus riche au monde en termes de ressources naturelles. Cependant la réalité montre que beaucoup de Latino-Américains sont touchés par la pauvreté et la faim. Comment l’Amérique Latine en est-elle arrivée là ? Pourquoi des pays aussi riches ont pour corollaire tant de pauvreté ? « A quel moment le Pérou s’est-il foutu en l’air ? » (¿En qué momento se jodío el Perú?, Mario Vargas Llosa, Conversación en la Catedral). C’est à toutes ces problématiques que l’écrivain uruguayen tente de répondre.

                Chapitre 1 : Ruée vers l’or, ruée vers l’argent

Dans ce chapitre, Eduardo Galeano entonne une longue complainte sur les excès de la colonisation et le pillage de l’Amérique Latine entamé dès 1492 avec la découverte des Bahamas par Christophe Colomb. L’écrivain rappelle les atrocités commises par Pizarro à Cuzco chez les Incas et Cortes à Tenochtitlan (conquise en1521) chez les Aztèques. L’exploitation des ressources naturelles de l’Amérique Latine a eu pour corollaire l’essor de l’esclavage, de la traite et du commerce triangulaire. Les massacres d’Amérindiens étaient monnaie courante tandis que les maladies emmenées du vieux continent vers cet « extrême occident » ont favorisé la déliquescence des civilisations amérindiennes. Le territoire fut pillé si bien qu’en Bolivie, d’aucuns affirment qu’en 3 siècle l’Espagne a reçu suffisamment de métal du Potosi (région minière de Bolivie) pour créer un pont, tout en argent, du sommet du Cerro (San Cristobal, Chili) au palais royal de Madrid. Derrière cette boutade Galeano cherche à nous faire saisir l’ampleur de l’exploitation subie par l’Amérique Latine.

            Chapitre 2 : Le roi sucre et autres monarchies agricoles

Ce chapitre est très utile pour comprendre le dualisme agricole actuel de l’Amérique latine, qui est largement hérité de la période coloniale et postcoloniale.

Eduardo Galeano montre également comment les ressources agricoles en particulier ont été « accaparées » par les grandes puissances européennes (le sucre cubain ou encore le caoutchouc brésilien par exemple).

Après les indépendances (autour de 1821), les structures agraires héritées de la colonisation ont perduré. Les latifundistas (grands propriétaires terriens), déjà en place à l’époque coloniale, ont continué d’avoir la mainmise sur les structures agricoles et ont ainsi favorisé l’extraversion des économies. Car Eduardo Galeano nous explique que les latifundistas, du fait de leurs richesses, étaient intimement liés au pouvoir, si bien que l’écrivain compare les latifundistas à des monarques qui fixent les règles du jeu. Et quand bien même des révolutions voient le jour pour mettre en place des réformes agraires, celle-ci ne sont que très peu effectives comme le dénonce Carlos Fuentes dans son œuvre La Muerte de Artemoio Cruz.

Annexe Major-Prépa : Extraits du roman La Muerte de Artemio Cruz, Carlos Fuentes (1962)

Artemio Cruz, ex révolutionnaire mexicain de 1910 devenu magnat, est sur son lit de mort. Dans plusieurs Flashback de sa vie il raconte son histoire et il montre notamment l’ironie du sort : Les Révolutionnaires se battent contre les privilèges, accèdent au pouvoir mais une fois en place ne changent rien et oublient de ce fait les idéaux pour lesquels ils combattaient… Opportunisme et corruption telle était la réalité en Amérique Latine.

« Desventurado país que a cada generación tiene que destruir a los antiguos poseedores y sustituirlos por nuevos amos tan rapaces y ambiciosos como los anteriores » (« infortuné pays qui à chaque génération doit détruire les anciens possesseurs et les remplacer par de nouveaux maîtres, aussi cupides que les précédents »)

Or Eduardo Galeano estime que la culture de rente (tournée vers les exportations) ne favorise pas l’émergence d’une agriculture vivrière [Rappelons que le livre ne parle pas de la conjoncture actuelle mais est daté des années 70].

Par la même l’Amérique Latine est selon l’auteur dans une situation défavorable au sein de la DIT. Ils déplorent à l’instar de Raul Prebisch, président de la CEPAL, une DTE (dégradation des termes de l’échange) qui se matérialise par une baisse inéluctable du prix des produits de base non transformés des pays du Sud face à ceux des pays du Nord.

Il montre également que l’Amérique latine est un réservoir en matières premières essentielles pour les USA (pétrole vénézuélien et mexicain, cuivre chilien,…). Dans ces conditions tant que les E-U étaient « dépendants » de ce réservoir en matière première, ils devaient assurer la conservation de leurs intérêts. Par conséquent l’impérialisme américain, de surcroît aux raisons géopolitiques, se déploie pour préserver les intérêts économiques des entreprises américaines. L’exemple le plus célèbre est celui des républiques bananières. En 1954, au Guatemala, en réaction aux réformes agraires du gouvernement Arbenz qui menaçait les intérêts de la compagnie américaine United Fruit, la CIA en collaboration avec la FTN américaine ont financé et ordonné un coup d’état pour destituer Arbenz.

            Chapitre 3 : Les sources souterraines du pouvoir

Dans ce chapitre assez rude, Eduardo Galeano insiste sur les atrocités et crimes perpétrés dans les mines (esclavage, condition de travail médiocre,…). Le tribut social fut élevé.

            Partie 2 : Le développement est un voyage avec plus de naufragés que de navigants 

            Chapitre 4 : Histoire d’un décès précoce

Ce chapitre exprime les causes des difficultés actuelles de l’Amérique Latine. Selon l’auteur les divisions sociales couplées à l’échec politico-économique (clientélisme, corruption, extraversion des économies et donc dépendance économique) ont précipité l’Amérique Latine dans une profonde misère.

L’endettement des économies est également pointé du doigt par l’écrivain car il met les pays latino-américains dans une situation de dépendance financière vis-à-vis de l’extérieur.

Enfin le manque d’unité est frappant comme en témoigne la guerre du pacifique (Chili opposée au Pérou et à la Bolivie de 1879 à 1884). De plus Eduardo Galeano déplore la Guerre de la triple alliance (Brésil, Uruguay et Brésil) contre le Paraguay qui annihila l’unique expérience prospère de la tentative d’un développement indépendant de la tutelle américaine.

Annexe Major-Prépa : La guerre de la triple alliance

Quand ? Entre 1865 et 1970

Qui ? Paraguay opposé à l’Argentine, au Brésil et à l’Uruguay

Résultat : pire défaite de l’histoire d’un Etat moderne, véritable humiliation, 90% des hommes paraguayens sont morts, et près de 60% de la population totale de l’époque (source : The Economist). L’ex-président paraguayen Federico Franco parle même d’holocauste.

Pourquoi la guerre ?

En 1862 Francisco Solano Lopez arrive au pouvoir au Paraguay et succède ainsi à son père. En 1864 alors que l’Uruguay est en guerre civile le Brésil décide d’intervenir malgré les menaces paraguayennes de sanction. Le Brésil fait fi des simagrées de Lopez (qui voulait seulement garder un certain équilibre régional des puissances et en aidant l’Uruguay avoir un allié lui permettant un accès à l’océan). Ainsi le Brésil envahit l’Uruguay, alors en 1865 le Paraguay lui déclare la guerre et attaque le Mato Grosso. Il demande à l’Argentine un droit de passage par ces terres pour pouvoir aider l’Uruguay : c’est refusé. Mais Lopez les envoie tout de même. Une fois que le Brésil a conquis l’Uruguay il signe un pacte secret avec l’Uruguay et l’Argentine pour annexer et partager une partie du territoire Paraguayen. De plus blocus sur le pays qui ne pouvait plus rien importer.

Jusqu’en 68 le Paraguay qui enchaîne défaite sur défaite arrive tout de même à contenir l’avancé mais ensuite ils sont surpassés et Lopez au lieu d’abdiquer devient paranoïaque et fou à lier. Il va exécuter et torturer des milliers de personnes dont sa sœur sa mère et son frère les accusant de conspiration, il va vider les campagnes de ces hommes pour les envoyer au front donc il y aura une famine sans pareil, des maladies ravageront le pays, et une fois qu’il n’y aura plus d’homme il enverra des enfants nus (car il n’y avait pas de quoi faire des uniformes) se battre simplement car il ne voulait pas se rendre. Alors que le Paraguay est envahi il déplace sa capitale de ville en ville jusqu’à Cerro Cora ou il sera exécuté en 1870 avec sa phrase « Je meurs avec mon pays ».

Cependant l’auteur estime que des voies nouvelles s’élèvent. L’Église, longtemps pointée du doigt en Amérique Latine, est résolument aux côtés des persécutés et des pauvres notamment via la théologie de la libération.

Chapitre 5 : La structure contemporaine du dépouillement

Le principal acteur pointé du doigt est le FMI. Il est vu comme un instrument de pillage moderne qui pousse les économies latino-américaines à s’ouvrir, à subir de plein fouet la mondialisation et à favoriser la place peu avantageuse (économie rentière) de l’Amérique Latine dans la DIT.

Conclusion Major-Prépa:

L’ouvrage est clairement partisan et ne remet peut-être pas assez en question les facteurs endogènes du retard de l’Amérique Latine par rapport aux pays de l’OCDE. Il n’empêche qu’il met en lumière des réalités certaines et dénonce le talon d’Achille des Etats-Unis : l’Amérique Latine.

Ezékiel SEDAMINOU

Major-Prépa