Alors que la prépa économique et commerciale vient d’intégrer le premier millésime d’étudiants titulaire de la nouvelle formule du baccalauréat en « ECG », les sujets de la rentrée sont nombreux pour une filière qui doit s’adapter à la nouvelle donne du lycée. Attractivité des différents parcours, réforme à venir des concours et débats autour de l’attribution de points bonus pour les étudiants boursiers : nous avons évoqué tous ces sujets avec Alain Joyeux, le président de l’Association des Professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC).

Une première rentrée en prépa ECG contrastée

Cette rentrée 2021 sonnait le glas, pour les classes préparatoires économiques et commerciales, des filières calquées sur celles du lycée (ECS et ECE, tandis que la voie ECT demeure inchangée). Avec le recul, quel est le bilan de cette première année pour la prépa “ECG” sur Parcoursup et, par extension, sur l’attractivité globale de la filière ?

Nous n’avons pas encore les chiffres définitifs mais l’APHEC a fait une enquête sur 120 lycées. Il s’avère que nous aurons très probablement une baisse globale du nombre d’élèves en ECG en comparaison du total des effectifs ECE et ECS de la rentrée 2020. Pour autant, les situations sont très contrastées. Certains prépas connaissent des chutes importantes d’effectifs tandis que d’autres ont mieux rempli que d’habitude. Le contexte sanitaire que nous avons connu a perturbé le recrutement. Les professeurs de CPGE n’ont en effet pas pu aller rencontrer les élèves de terminale pour les informer. Or, cette année, il y avait un besoin énorme d’informations pour expliquer la réforme ECG. Les moyens en distanciel ne remplacent pas les rencontres en présentiel : la plupart des salons de l’enseignement supérieur et des journées portes ouvertes ont été annulés. Les immersions d’élèves de terminales en prépa pour une journée, un moyen très efficace pour l’orientation vers les CPGE, n’ont pu avoir lieu.

Paradoxalement, il y avait eu une augmentation des candidatures en CPGE ECG sur Parcoursup. Mais cela tenait à une hausse du nombre des candidatures par candidat et non à un nombre de candidats supérieur.

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Dans le détail, quels sont les établissements qui ont pu tirer leur épingle du jeu et, à l’inverse, ceux qui ont connu plus de difficultés qu’à l’accoutumée pour remplir leur promotion ?

Sous réserve de résultats plus complets, nous percevons trois tendances :

  • Les grands lycées des centres des grandes métropoles ont bien ou très bien recruté, parfois mieux que l’année précédente ;
  • Les « prépas de proximité » où celles qui se trouvent dans des territoires où plusieurs CPGE ECG sont présentes ont souffert avec des chutes d’effectifs parfois brutales. Dans le détail, ces prépas ont eu plus de difficultés à recruter lorsqu’elles proposent le parcours avec mathématiques approfondies. Les parcours avec mathématiques appliquées s’en sortent un peu mieux ;
  • D’une manière générale, les CPGE sont remontées plus loin dans la liste de leurs candidats classés que l’année dernière.


Au niveau des profils retenus, pouvez-vous nous donner une estimation de la part de bacheliers retenus ayant suivi l’option maths expertes, la seule spécialité maths, l’option maths complémentaires (voire pas de maths du tout) pour les deux profils de prépa (maths approfondies et maths appliquées) ? 

Nous n’avons pas de chiffres encore et les situations sont contrastées d’un établissement à l’autre. Dans mon établissement (lycée Joffre à Montpellier), qui propose le parcours maths approfondies, 40% avaient suivi en terminale la spécialité maths plus l’option maths expertes, 50% la seule spécialité maths et 10% l’option maths complémentaires. Il est probable que les parcours avec mathématiques appliquées recrutent une part moindre de bacheliers ayant suivi l’option mathématiques expertes.

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Au niveau de la seconde spécialité, quelles sont les tendances qui se dégagent ? Était-il finalement obligatoire d’avoir choisi HGGSP ou SES au lycée pour se retrouver dans les prépas les plus sélectives ?

Absolument pas ! Il n’est pas obligatoire d’avoir suivi l’une de ces deux spécialités pour aller en ECG, le discours a été constant sur ce point depuis le début des réflexions sur la réforme. C’est vrai dans toutes les prépas, y compris les plus sélectives. .

Fort de l’expérience de ce premier recrutement, quelles tendances anticipez-vous pour l’année prochaine ? Des prépas vont-elles devoir changer le “menu” qu’elle propose, ou bien collaborer avec des établissements voisins pour proposer les quatre parcours ? Certains lycées Certaines prépas sont-elles menacées selon vous ?

Nous ne savons pas encore quelle marge de manœuvre sera laissée aux établissements car il y a des logiques de bassins à l’appréciation des recteurs. Mais il est probable que certains chefs d’établissement demandent à changer de menu, en espérant qu’ils le fassent en accord avec leurs équipes pédagogiques. Concernant les menaces, l’APHEC demande à nos tutelles un moratoire sur la fermeture de classe sur la base des effectifs en cette rentrée 2021. En effet, inaugurer une réforme sans avoir la possibilité de l’expliquer directement en raison du contexte sanitaire aboutit à un recrutement non significatif dans certaines prépas. Nous demandons de manière officielle que la tutelle laisse cette réforme s’installer sur trois ans.

Le point sur… les points bonus aux concours

L’actualité de cette rentrée a aussi été marquée par l’officialisation pour certaines écoles (HEC Paris, ESSEC BS et EDHEC BS pour le moment) de la mise place d’une bonification en faveur des boursiers aux concours, à l’écrit et/ou à l’oral. A HEC, ce sont seulement les cubes non boursiers qui se retrouvent pénalisés.
L’APHEC s’est toujours positionnée contre ce type de mesure, et demande à l’ESSEC de repousser la mise en place de ce dispositif au vu de l’annonce tardive de l’école cergyssoise. Pouvez-vous expliciter votre position à ce sujet et nous dire ce qu’il en est de l’ESSEC ?

L’APHEC est très dubitative sur l’utilité de ces mesures qui n’ont jamais été demandées par les boursiers, cela peut même les stigmatiser. C’est en amont qu’il faut agir pour lutter contre l’autocensure qui touche certains milieux et territoires. Pour autant, agir pour la diversité sociale est un impératif et chacun trouvera toujours des raisons pour repousser toute mesure qui pourrait être proposée. C’est pourquoi, dans une tribune commune publiée en juin 2021 avec le CDEFM (Conférence des Directeurs des Ecoles Françaises de Management) et le BNEM (Bureau National des Etudiants en Ecole de Management), l’APHEC accepte le principe d’expérimentations dont les effets seront objectivement mesurés dans trois ans. Cette évaluation est d’ailleurs un engagement d’HEC lorsque sa mesure a été annoncée par communiqué au printemps 2021.

En revanche, il n’est pas acceptable d’annoncer un changement des règles du concours au mois de septembre pour le concours suivant. Cela revient à tromper les préparationnaires qui ont décidé – ou pas – de cuber sans connaître ces nouvelles règles qui s’appliquent à eux.

Malgré mes demandes en direct lors d’une réunion en juin du CDEFM expliquant pourquoi il était important d’annoncer ces mesures avant fin juillet, l’ESSEC a attendu septembre. Cette école n’a certes sans doute pas agi intentionnellement mais plutôt par négligence en confondant des intentions évoquées vaguement dans des articles de presse et un communiqué officiel aux principaux intéressés (cela aurait été la moindre des choses !), les élèves, proviseurs et professeurs de prépa.

Il reste que malgré cette erreur, l’école a décidé de ne pas tenir compte de notre argumentation et maintient sa mesure pour le concours 2022. Nous le déplorons et cet entêtement nous a profondément déçus alors que nous sommes engagés dans le continuum CPGE-GE. Inversement, nous saluons la décision de l’EDHEC qui, suite à nos échanges, a pris la courageuse décision de reporter sa mesure au concours 2023 pour les prépas. L’école lilloise a ainsi réaffirmé son profond attachement à l’esprit du continuum.

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La réforme du concours 2023

Enfin, la réforme des prépas EC qui résulte de celle du lycée suppose également de revoir, au moins en partie, les modalités des épreuves du concours 2023. Où en sont l’APHEC et les écoles conceptrices vis-à-vis de ce sujet ?

Le processus est en cours, l’APHEC a été consultée à plusieurs reprises par la BCE et Ecricome, le dialogue a été constructif. Pour autant, nous attendons encore les sujets zéro dans les disciplines dont les épreuves évoluent. Il y a un net point de tension sur les propositions de la banque Elvi en langues vivantes. Les propositions initiales ont suscité une très vive opposition des professeurs. Nous sommes à la recherche d’un compromis acceptable par tous, celui-ci n’est cependant pas encore trouvé.

Les concepteurs de la banque Elvi doivent absolument tenir compte de l’expertise des professeurs de CPGE qui, rappelons-le, sont tous agrégés et pour la plupart Docteurs de l’université. Ceux-ci attendent avec impatience les sujets zéros, les barèmes et corrections. Notons que les professeurs de langues ont démarré l’année avec les ECG en ignorant la forme finale de l’épreuve Elvi. Cette situation très inconfortable ne rassure pas élèves et enseignants.

Enfin, nous attendons les propositions de coefficients pour les concours 2023. L’APHEC appelle à respecter les équilibres et, dans la logique de la réforme, à aligner les coefficients d’ESH et d’HGG.

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