Le 26 septembre 2017, les PDG de ces fleurons européens du ferroviaire ont annoncé une fusion de leur entreprise. Est-ce une menace ou une véritable opportunité pour l’industrie française ? Points de comparaison économiques et politiques.

 

Une Europe et un couple Franco-Allemand retrouvés ?

Un mariage « entre égaux », une bien jolie expression sur le papier que celle de Joe Kaeser et d’Henri Poupart- Lafarge, respectivement PDG du groupe allemand Siemens et du groupe français Alstom, pour désigner ce projet de fusion qui devrait, sauf contre-indication de l’autorité de la concurrence européenne, voir le jour à l’horizon 2018. Cela coïncide d’ailleurs extrêmement bien avec les propos d’Emmanuel Macron lors de son discours à la Sorbonne le mardi 25 septembre 2017 qui souhaite une Europe « souveraine, unie et démocratique » et qui a appelé Angela à faire preuve d’« audace ».

Ce projet de fusion permettrait donc, dans un contexte où les nationalismes semblent resurgir, de s’unir pour faire face à la concurrence chinoise de CRRC, leader mondial du secteur, et permettrait de bâtir un projet viable dans le long terme qui puisse favoriser les deux pays de part et d’autre du Rhin. Plus que la simple réalisation d’économie d’échelle, ce projet est d’autant plus crédible que les deux entreprises sont extrêmement complémentaires. Si Alstom est idéalement implantée dans toute l’Europe, Siemens, surtout localisée en Allemagne, est très avancée dans le secteur du numérique. D’où des potentielles synergies , estimées selon les Echos à 470 milliards d’euros par an. Rien d’étonnant a priori que les cours d’Alstom aient grimpé de 5 points en quelques jours après une telle nouvelle !

Un mariage inégal et incertain.

 Si les deux dirigeants ont certes assuré maintenir une garantie de quatre ans sur le niveau d’emploi actuel, les salariés français craignent pour la suite. En effet, Siemens sera majoritaire dans la part du capital de l’entreprise, et 6 membres sur 11 du nouveau conseil de direction représenteront les intérêts de Siemens. De même, la situation d’Alstom avant cette fusion ne présage d’ailleurs rien de bon pour l’industrie française : la vente de la filière « énergie » à General Electric en 2015, ou encore l’annonce en 2016 de l’arrêt de production des TGV à Belfort d’ici 2018. Tout cela s’apparente donc plus à une acquisition allemande qu’à une fusion européenne, d’autant plus que l’Etat français n’est pas partie prenante comme il peut l’être avec STX dans le secteur naval.

En plus de cela, il faut également prendre en compte la possible future alliance entre CRRC, le leader chinois et Bombardier, le fleuron canadien. Aussi, la culture d’entreprise est extrêmement différente entre Siemens et Alstom. Il n’est pas sûr que les méthodes de travail soient facilement uniformisées. Pour réussir, les entreprises devront donc faire preuve d’adaptabilité et de coopération.

Une réponse de l’Europe attendue ?

 Il est aujourd’hui peu probable de nous retrouver dans une Europe des « peuples » où fédéralisme serait maître-mot. Les élections allemandes du mois de septembre avec le surprenant résultat du parti nationaliste Alternativ für Deutschland au Bundestag ont malheureusement confirmé la tendance à la montée des nationalismes en Europe. Christoph Lindner, le potentiel successeur de Wolfgang Schäuble au ministère des finances allemandes, resterait dans la même lignée de politique économique et serait hostile à une plus grande coopération économique entre les pays. En bref, Angela Merkel, déjà affaiblie par son propre parti (CDU) pour sa prise de décision éthique lors de la crise migratoire, se retrouve attaquée de tous les bords et semble être forcée à garder une position ferme avec les autres pays d’Europe tant sur le plan politique que social.

Dès lors, le projet SIEMENS-ALSTOM semble bien être aux bénéfices de nos voisins d’Outre-Rhin. Afin de devenir un fleuron européen compétitif sur le marché mondial, cela n’est donc plus qu’une simple affaire d’entreprise, il appartient véritablement à la France et à l’Allemagne de s’engager conjointement afin d’apporter des garanties plus crédibles sur le plan de l’emploi et des stratégies de l’entreprise. La France a bien appelé l’Allemagne, mais comme le dirait Henry Kissinger, l’Europe, « quel numéro de téléphone » ?