Un beau jour, la professeure d’HGGMC en ECS à Louis-le-Grand donna à ses étudiants ce conseil mémorable :

“Je vous conseille d’être admissible à l’ESSEC”

Sur le moment, dans la salle, personne ne comprit. Evidemment qu’il vaut mieux être admissible à l’ESSEC, mais pourquoi dire ça? En exclusivité, et dans la droite ligne des Pierre Péan et autres Denis Robert (tu ne sais pas qui c’est ? Tu devrais te tenir plus au courant des actualités), Major-Prépa a maintenant l’explication de ce conseil et est en mesure de vous révéler les mystérieux secrets des grandes prépas publiques : elle voulait parler de la sélectivité aux oraux !

En effet, ce ne sont pas toujours les meilleures écoles au SIGEM qui ont la sélectivité aux oraux la plus sévère.

Le tableau ci-après récapitule la sélectivité aux oraux pour le programme grande école des ESC en 2017 :

SIGEM Ecole Admis Présents oraux Sélectivité aux oraux
1 HEC Paris 380 701 54,21%
10 SKEMA BS 1902 2996 63,48%
12 Rennes SB 1636 2396 68,28%
3 ESCP Europe 917 1300 70,54%
16 BSB 1037 1423 72,87%
13 Montpellier BS 1563 2085 74,96%
4 emlyon bs 1266 1658 76,36%
15 EM Strasbourg 1657 2162 76,64%
2 ESSEC BS 682 866 78,75%
5 EDHEC BS 1503 1850 81,24%
8 Toulouse BS 1755 2147 81,74%
13 TELECOM EM 677 828 81,76%
7 Grenoble EM 2087 2511 83,11%
9 NEOMA BS 2061 2425 84,99%
11 KEDGE BS 2606 3050 85,44%
6 Audencia 2067 2329 88,75%
17 ICN BS 1226 1264 96,99%
18 ESC La Rochelle X X 100%
19 INSEEC BS X X 100%
20 ESC Pau X X 100%
20 EM Normandie X X 100%
20 ISC Paris BS X X 100%
23 ESC Clermont X X 100%
24 ISG International BS X X 100%
25 ESC Troyes X X 100%
26 Brest BS X X 100%

Ce qu’on appelle “sélectivité aux oraux”, c’est le quotient du nombre d’étudiants qui passent les concours oraux et du rang du dernier admis pour chaque école. Ainsi, si 1500 personnes passent les oraux, et que 1000 d’entre elles sont admises, 1000/1500 = 2/3 des candidats sont admis. L’école a alors une sélectivité de 2/3.

Dans ce tableau, de nombreuses données semblent extrêmement surprenantes.

Les trois stratégies des barres d’admissibilités

Selon les stratégies des écoles, des écoles gagnent ou perdent un grand nombre de place au classement de la sélectivité par rapport à leur classement SIGEM.

On distingue trois types de stratégies:

Les barres d’admissibilité basses

La stratégie de SKEMA ou Rennes SB, qui maintiennent volontairement une politique de barre d’admissibilité basse afin de pouvoir sélectionner au maximum leurs étudiants avec les oraux – en particulier avec les entretiens de personnalité.

Cette stratégie de barre basse est aussi adoptée par les écoles qui ne remplissent pas, qui souhaitent avoir un maximum d’admissibles afin de maximiser leurs chances de remplir leurs rangs, toutefois elle ne peut pas augmenter la sélectivité de leurs oraux, puisque le dernier admis peut avoir le même rang que le candidat le moins bien classé à l’issue des oraux.

Typiquement, le cas de SKEMA est éloquent : son taux de sélectivité aux parmi les écoles post-prépas fait tout simplement d’elle la deuxième école la plus sélective aux oraux derrière HEC, avec une sélectivité de 63,48% en 2017. Pour comparaison avec des écoles rivales de l’école aux six campus, TBS a une sélectivité d’à peu près 80% (11è), NEOMA et KEDGE de 85% (14è et 15è).

Fort logiquement, comme le niveau d’exigence de ces écoles est relativement homogène, l’hétérogénéité des taux de sélectivité aux oraux entraine celle des barres d’admissibilité. Celle de SKEMA, qui était en 2017 de 9,20/20 selon nos informations, est inférieure à NEOMA, école qui la précède au classement SIGEM, mais – plus bizarrement, est aussi inférieure à celle de KEDGE, qui la suit au classement SIGEM (9,5 et 10,2).

Si cela est explicable notamment par le fait que ces deux écoles ne soient pas affiliées au concours BCE, la barre de SKEMA reste très loin de celle de TBS (1,5 point d’écart, stable à peu près depuis 2012).

De la même manière, la barre d’admissibilité de Rennes SB (8,2 en 2017) est inférieure à celle de IMT BS (alors Telecom EM, 8,5) ou celle de Montpellier BS (8,65), pourtant derrière Rennes au classement SIGEM. Si l’on peut arguer que c’est la conséquence du choix de Rennes SB d’opter pour les langues CCIP, nettement moins généreusement notées que les langues IENA, il est opportun de rappeler que – même avant ce choix, en 2013, l’ESC Rennes avait une barre nettement plus basse que ses concurrents directs, inférieure ou égale à celle des écoles qui la suivaient au SIGEM.

Cette stratégie est typique des écoles en forte progression, et du bas de tableau SIGEM : ces écoles n’osent pas trop monter la barre d’admissibilité dans un premier temps par peur de ne pas remplir, et accueillent donc beaucoup d’admissibles.

En effet, ne pas remplir est un désastre à la fois financier (les coûts engagés, de fonctionnement, sont identiques ou presque, les recettes sont inférieures nettement), et d’image. Cela explique pourquoi BSB n’a quasi pas augmenté sa barre (+0,3 depuis 2013) alors qu’elle a connu une progression de 2 places au SIGEM depuis lors.

Patrice Houdayer, directeur de Skema, nous a expliqués en quelques lignes sa stratégie :

“Jusqu’à présent, à SKEMA, nous avons toujours fait l’hypothèse que le concours était composé de deux parties essentielles, les écrits puis les oraux. Les écrits ne doivent pas limiter les chances d’intégration des candidats. C’est pour cette raison que nous avons toujours décidé d’accueillir un nombre très important de préparationnaires car même le dernier admissible a la possibilité d’intégrer SKEMA. En effet, nos oraux nous permettent d’identifier des capacités qui ne sont pas mesurées lors des épreuves écrites. Plus nous sommes en mesure d’accueillir d’admissibles, plus nous pouvons sélectionner via les oraux les profils que nous souhaitons voir intégrer SKEMA. C’est bien cela le plus important.

Ces différents éléments expliquent, comme vous l’indiquez, que note taux de sélectivité aux oraux est le second de toutes les écoles membres de SIGEM.”

Les stratégies de barres d’admissibilités hautes

La stratégie d’Audencia ou de l’ESSEC, qui sont conscients que, vis à vis des étudiants, une politique de barre d’admissibilité haute est marque de crédibilité vis-à-vis des étudiants, car au sein du concours BCE, hors le classement SIGEM, seules les barres d’admissibilités mettent dos à dos les exigences des écoles en termes de niveau académique, quand bien même la valeur de la barre a en fait peu de valeur (l’ESSEC et l’ESCP ont quasiment la même barre, mais l’ESCP a quasiment 50% d’admissibles de plus que l’ESSEC).

C’est ainsi que le choix de la barre d’admissibilité peut être une donnée capitale pour une école qui souhaite remonter au classement SIGEM et qui n’a aucun risque de ne pas remplir : une politique agressive de montée de barre a par exemple récemment été mise en place par Grenoble EM, qui souhaite de rapprocher d’Audencia. Ainsi, de 2007 à 2014, SKEMA (ou l’ESC Lille avant 2010)  n’a augmenté sa barre que de 0,5 quand Gem la faisait bondir d’1,5 points.

La stratégie de HEC

La stratégie de HEC est particulière, puisque l’école de Jouy cumule une très haute barre d’admissibilité (plus haute sélectivité après les écrits), et une très haute sélectivité aux oraux (la plus haute), qu’elle peut se permettre grâce à son rang historique de leader du classement SIGEM.

En fait, cet article nous permet surtout de dire que les admissibles ESSEC, Audencia ou Gem peuvent se féliciter de leur admissibilité stratégique, qui leur confère statistiquement de bonnes chances d’être admis dans ces écoles !

Si tu es un fou de stats, si tu as présenté l’ENSAE, viens donc voir tous nos classements et nos statistiques !