Mario Draghi de dire en 2016 lors d’une déclaration : « Nous mettrons tout en œuvre pour rétablir l’économie de l’Europe, qu’importe les mesures à prendre. » Il parlait là de l’helicopter money, mais ça on y reviendra plus tard. Mais les politiques monétaires non conventionnelles, c’est quoi ? Et ça vient d’où ? Alors on entend souvent par politique monétaire non conventionnelle, le fameux Quantitative Easing. Pas que, pardi !

Définitions

Revenons un peu sur les définitions : on veut dire par politique monétaire conventionnelle une politique normée. C’est-à-dire quand la Banque Centrale, organisme de régulation, suit la politique monétaire qui s’est imposée au fil du temps. Elle joue alors sur les taux d’intérêt directeurs (elle augmente les taux pour contrer l’inflation et inversement). Et avec la quantité de monnaie en circulation (moins de monnaie en inflation, plus de monnaie pour relancer l’économie). Ces idées viennent surtout des monétaristes (David Hume, John Hicks et Friedman pour les plus connus). On retient souvent l’équation suivante :

M.V = P.T

M = Masse monétaire / V = vitesse de circulation de la monnaie

P = indice général des prix / T = Volume des transactions

On considère chez les monétaristes que c’est M qui influence P (V et T étant constants à un moment donné) alors que chez les keynésiens, c’est P qui influence M. Bref, on part de cette hypothèse de M qui influence P, donc on applique depuis les années 1970 la politique dite conventionnelle.

Donc une politique monétaire non conventionnelle finalement, c’est quoi ? Ce n’est pas que le fameux Quantitative Easing dont tout le monde parle. Premièrement, la politique monétaire non conventionnelle se caractérise par des taux d’intérêt directeurs négatifs, c’est-à-dire que les banques gagnent de l’argent par rapport à la BCE quand elles en prêtent. Par exemple, si avant, le taux d’intérêt directeur était de 1% et que la banque demandait 100 €, alors elle payait 101 €. Si le taux est de -1%, elle va payer 99 €.

Vous y êtes ? Ce n’est que le début !

Deuxièmement, on a le Quantitative Easing (oui oui, on y arrive !). La Banque Centrale décide d’intervenir sur le marché en rachetant des titres qu’elle juge non risqués pour elle ou stratégiquement influents sur le marché (des dettes d’État par exemple). Quand elle décide d’acheter 60 milliards d’euros par mois de dette, c’est du Quantitative Easing. Troisièmement, on a le Qualitative Easing. Hein ? C’est le fait que la Banque Centrale prenne plus de risques lors de ses achats de titres sur les marchés. Par exemple, des entreprises dont la note est de AA au lieu de AAA ou des pays plus endettés. Le Quantitative Easing couplé avec le Qualitative Easing forment le Credit Easing. Enfin, dernièrement, une politique monétaire (théorique) qui n’a jamais été appliquée pour l’instant, c’est l’Helicopter Money. Théorisé par les monétaristes, c’est d’ailleurs assez étrange. La Banque Centrale décide en fait de relancer l’économie directement en donnant de l’argent aux ménages plutôt que de racheter des titres et de faciliter le crédit aux entreprises.

Voilà pour la remise au clair de ce qu’est une politique monétaire non conventionnelle.

D’où viennent ces politiques ?

Mais comment est-on passé à une politique dite non conventionnelle ? D’où ça vient, le changement ? On s’accorde à dire que cela vient du Japon des années 1990. Ces années-là, le Japon était englué dans la récession et les taux d’intérêt de la Bank Of Japan (BoJ) avaient déjà atteint le minimum : 0%. J’ai analysé cela comme une politique monétariste inversée : si on doit baisser la masse monétaire en circulation pour faire baisser le niveau d’inflation, alors le principe contraire devrait fonctionner. Si on crée énormément de monnaie, on inverse l’équation et on relance l’inflation (et l’économie repart) et le tour est joué. Bon, ça a quand même mis pas loin de 25 ans pour fonctionner au Japon.

Le plus gros problème des politiques monétaires non conventionnelles, c’est qu’une fois qu’on est dedans, il est difficile d’en sortir. On le voit en Europe, au Japon, aux États-Unis… On serait dans une situation de « Trappe à liquidité » théorisée par John Maynard Keynes. Paul Krugman a dit que la décennie perdue de la croissance japonaise (les années 1990) n’est qu’un exemple de trappe à liquidité. Concrètement, ça fonctionne comment, la trappe ? Selon Keynes et ses successeurs, si on réduit trop les taux et qu’on donne trop d’argent, ça ne relance plus rien. Graphiquement, c’est beaucoup plus clair.

Les banques et les personnes qui profitent de la politique monétaire non conventionnelle ont tellement d’argent si peu cher qu’elles ne l’investissement plus dans l’économie, ce qui ne relance pas la machine.

Aujourd’hui, ça donne quoi ?

Aujourd’hui, ces politiques sont omniprésentes dans les pays développés et ont tendance à apparaître dans certains pays émergents comme la Chine ou la Russie. L’Europe est aujourd’hui engluée dans ce type de politique qui devrait prendre fin en 2020 voire plus tard pour le Quantitative Easing. Les États-Unis commencent péniblement à s’en sortir avec une remontée très progressive des taux d’intérêt. Le Japon quant à lui, après plus de 20 ans de cette politique, sort enfin de la récession qu’il a connue, non sans mal.

Le bilan de ces politiques est assez mitigé : les ultra-riches ont pu s’enrichir encore plus facilement, les pauvres ont vu leur pouvoir d’achat très peu augmenter (la faute à une quasi déflation qui ne pèse pas à la hausse sur les salaires). Les pays ont pu emprunter de l’argent à des taux beaucoup plus avantageux, voire négatifs (les investisseurs payaient et paient parfois encore pour acheter une partie de la dette de l’Allemagne par exemple). Les entreprises trouvent leur financement mais pas aussi facilement qu’elles devraient le trouver. Les banques ont énormément d’argent et ne l’envoie pas forcément dans la sphère réelle de l’économie (on voit un retour en fanfare des Credit Default Swap aux États-Unis, …).

Un autre problème au niveau de cette sortie est pour les pays émergents : les taux sont extrêmement bas dans les pays développés. Les investisseurs se rapatrient donc sur les émergents qui ont des rendements plus élevés et des risques parfois faibles. Mais si les taux se mettent à augmenter dans les pays développés, alors les investisseurs vont revenir vers ces pays et retirer leurs liquidités des pays émergents. Cela peut donc conduire à une nouvelle crise des émergents, d’autant plus si les liquidités sont retirées de manière brusque.

En bref, les politiques monétaires non conventionnelles ont sûrement permis de sauver l’Europe de la déflation post-crise des subprimes. Il n’en reste pas moins que ces politiques sont dangereuses pour les pays qui les pratiquent, car il est difficile d’en sortir. Cela ne peut se faire que progressivement. C’est aussi dangereux pour les émergents qui ont vu les investisseurs affluer grâce à leurs rendements.

Si vous deviez retenir une chose : les politiques monétaires, on ne sait pas quand on en sortira, ni comment.

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