Le marquis de Sade était un romancier et philosophe libertin français, très décrié du fait de la part importante qu’il accorde à l’érotisme, la pornographie et les actes de violence et de torture dans ses œuvres. Il fut ainsi emprisonné à de nombreuses reprises. Théoricien de la violence sexuelle, du fait de la violence cruelle dont ses personnages font preuve à l’encontre des femmes, son nom donne naissance au « sadisme » .

Le sadisme, ou le plaisir de la violence

Le sadisme affirme la primauté du plaisir et son assouvissement sans frein. Il se nourrit ainsi de la violence, dans une absence totale d’empathie et d’une jouissance face à la souffrance d’autrui.

Élevé dans l’aristocratie, le marquis de Sade avait un sentiment de supériorité qui justifiait selon lui, le fait qu’il puisse user de tout le monde selon son bon vouloir. Il théorise ainsi « l’isolisme » ,  doctrine selon laquelle autrui n’est qu’un instrument :

Toutes les créatures naissent isolées et sans aucun besoin les uns des autres […]. Le prochain ne m’est rien : il n’y a pas le plus petit rapport entre lui et moi.

Histoire de Juliette

Résumé des œuvres de Sade sur la notion de violence

Ici, on va surtout s’appuyer sur deux œuvres de Sade : La Philosophie dans le boudoir et Justine ou Les Malheurs de la vertu.

Dans La Philosophie dans le boudoir, une libertine, Mme de Saint-Ange, initie une jeune fille de 15 ans, Eugénie de Mistival aux plaisirs érotiques. Elle est aidée par son frère, le chevalier de Mirvel, un ami de celui-ci, Dolmancé, et son jardinier Augustin.

Dans Justine ou les Malheurs de la vertu, l’héroïne éponyme personnifie la vertu, et sera ainsi victime d’une succession d’infortunes : renvoyée du couvent à douze ans, orpheline et pauvre, elle va, entre autres, être accusée de vol, violée, marquée au fer rouge, captive et abusée par des moines, saignée pendant des mois, arrêtée avec des faux-monnayeurs ; elle échappe de peu à l’échafaud, puis évite de justesse d’être la victime d’un évêque guillotineur, est incarcérée à Lyon, violée par un juge, pour finir foudroyée à vingt-sept ans.

 Justine, personnage vertueux par essence, est malmenée tout au long du roman, abusée et soumise à chaque étape de sa vie, comme pour montrer que la vertu n’est que faiblesse et asservissement. Sade cherche ainsi à montrer qu’il est vain et même absurde de vouloir défendre sa vertu : l’Homme devrait plutôt laisser libre cours à ses désirs, car ils sont dictés par la Nature.

La violence est naturelle, donc légitime

Sade cherche en effet à légitimer l’égoïsme et la violence, notamment sexuelle, en évoquant la Nature. Ainsi, l’égoïsme et la violence seraient deux principes naturels chez l’Homme, et nous ne devrions donc pas nous fier aux concepts moraux, que notre société a créés, et qui vont à l’encontre de la Nature.

Les règles et les bonnes mœurs imposées par la société restreignent en effet la liberté humaine propre à sa nature. Dès lors, la violence serait l’expression même de la liberté de l’homme. Cela permet aux libertins de légitimer tous leurs désirs, notamment sexuels, qui associent leur jouissance à la souffrance de l’autre. Il y aurait donc une nécessité naturelle de la soumission d’un être face au plus fort.

Dès lors, si la douleur de l’autre est la seule capable de provoquer l’excitation et donc d’assouvir les plaisirs du bourreau, alors la violence est simplement la marque de sa capacité à dominer son environnement.

L’apologie de la violence au service de la politique

La violence est nécessaire à l’ordre social

Sade assimile ainsi le libertin avec le bourreau, et d’un point de vue politique, au tyran despotique. Par exemple, dans Justine, l’évêque qui prend plaisir à décapiter ses victimes et qui a fabriqué lui-même une guillotine se projette en politique : à ses yeux, la violence et la barbarie de cette guillotine ne sont en réalité qu’un moyen de maintenir les foules dans l’ordre.

Vous croyez, mes amis, que les supplices que j’érigerais, dans le cas où je me retrouverais revêtu de quelque autorité, deviendraient infiniment plus rigoureux que ceux qui sont maintenant en usage : assurément, ces supplices seraient, et plus affreux, et plus multipliés, sans doute. Souvenez-vous bien que la soumission du peuple (…) n’est jamais due qu’à la violence et qu’à l’étendue des supplices.

Justine

En faisant ainsi l’apologie du despotisme, la philosophie de Sade ne prône pas seulement la violence sexuelle, mais invite aussi les citoyens à agir eux-aussi avec violence dans l’exercice politique.

La violence est nécessaire à la liberté et la république

 Le citoyen doit en effet choisir entre le rôle de victime ou de bourreau pour renforcer la liberté et la république :

Français, encore un effort si vous voulez être républicains.

La Philosophie dans le boudoir

La cruauté et l’action violente sont donc nécessaires dans un régime politique corrompu. La liberté naturelle a disparue à cause de la monarchie tyrannique ; dès lors, la république qui lui succède doit, pour recréer un concept de liberté, impliquer une dimension de violence et d’injustice.

Une nation déjà vieille et corrompue, qui courageusement secouera le joug de son gouvernement monarchique pour en adopter un républicain, ne se maintiendra que par beaucoup de crimes ; car elle est déjà dans le crime ; et si elle voulait passer du crime à la vertu, c’est-à-dire d’un état violent dans un état doux, elle tomberait dans une inertie dont sa ruine certaine serait bientôt le résultat.

La Philosophie dans le boudoir

Conclusion

Les romans de Sade sont souvent considérés comme des incitations à la violence, et donc des menaces politiques. Ainsi « l’homme souverain » – c’est-à-dire le sadique – est celui qui refuse de se soumettre à sa raison et aux mœurs, seul capable d’affirmer sa liberté. Cet homme souverain est non seulement conscient de la violence naturelle qui l’habite et de celle qu’il fait subir aux autres, mais il tire aussi du plaisir de ce crime. Ainsi, pour Sade, l’usage de la violence n’est que l’expression de la liberté humaine, qui découle de la Nature même, et que l’on ne devrait donc pas refreiner par notre raison et nos mœurs.