les femmes du Panthéon

Au sommet de la montagne Saint-Geneviève trône fièrement le Panthéon. Prévu au départ pour devenir une église, ce monument accueille depuis la Révolution Française les dépouilles des personnalités qui ont forgé l’Histoire de France. Sur son fronton y est inscrit « Aux grands hommes la Patrie reconnaissante », un écho au ratio homme/femme quelque peu inégal ? À l’heure où la question de l’égalité entre les hommes et les femmes a pris une place prépondérante dans le débat public, le Panthéon fait figure d’allégorie de l’inéquité persistante entre les deux sexes. Le ratio est en effet sans appel : les femmes au Panthéon représentent à peine 7 % des personnes qui y reposent. En 2022, sur les 81 « panthéonisés »,  les femmes au Panthéon sont au nombre de six. Peut-être seront-elles bientôt sept ?

Gisèle Halimi, la prochaine des femmes au Panthéon ?

Gisèle Halimi
Auteur Marie-Lan Nguyen – Wikimedia

Verra-t-on prochainement une nouvelle femme au Panthéon ? L’Élysée a annoncé se pencher sur le cas de Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet 2020 à 93 ans et figure de proue de la lutte féministe.

Elle est l’unique avocate signataire du manifeste des 343 femmes qui déclarent avoir avorté et réclament le libre accès aux moyens contraceptifs et l’avortement libre en 1971. Elle est particulièrement remarquable pour ses combats en faveur de l’abolition de la peine de mort, la parité en politique ou encore la dépénalisation de l’homosexualité. Elle occupe également le poste d’ambassadrice de France à l’Unesco de 1985 à 1986. Autrice de la plaidoirie de Bobigny, elle a fondé l’association « Choisir la cause des femmes », basée sur un courant du féminisme français marqué par une lutte émancipatrice qui ne peut se passer des hommes.

Si un hommage national lui a été rendu début 2022 aux Invalides, la panthéonisation de Gisèle Halimi n’est pour l’heure pas encore actée. Selon France Inter, il se pourrait même qu’elle soit compromise : « Il y a de fortes chances qu’Emmanuel Macron y renonce. En cause, l’engagement de Gisèle Halimi pendant la guerre d’Algérie ». Le rapport rendu par Benjamin Stora à l’Élysée en 2021 sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie commandé par Emmanuel Macron, présente Gisèle Halimi comme une « figure d’opposition à la guerre d’Algérie ». Le Président qui a investi beaucoup d’efforts durant son précédent quinquennat afin de « réconcilier les mémoires », hésite aujourd’hui à raviver le sujet auprès notamment des associations de harkis et de pieds-noirs qui pourraient mal le prendre.  

Plus largement, on peut espérer que cette proportion homme/femme au Panthéon s’équilibre quelque peu dans les années à venir : les femmes étant de plus en plus émancipées et libres d’accomplir de grandes choses, elles sont donc plus enclines à recevoir de tels honneurs. En attendant, voici ci-dessous un récapitulatif des femmes qui y reposent déjà. 

Joséphine Baker : la dernière des femmes au Panthéon 

Joséphine Baker
Auteur Noske, J.D. / Anefo – Wikimedia

Joséphine Baker est la dernière des femmes à être entrée au Panthéon, en novembre 2021, 46 ans après sa mort, le 12 avril 1975 à l’âge de 68 ans. La cérémonie de sa panthéonisation a eu lieu trois jours après avoir fêté ses noces d’or sur la scène. Emmanuel Macron lui rend hommage en décrivant sa vie « placée sous le signe de la quête de liberté et de justice ». 

Pourtant, elle avait à sa mort peu de chances d’entrer au Panthéon. Femme noire, artiste de scène et née à l’étranger, elle provient d’un milieu très pauvre et a du fuir le Missouri et son domicile familial dès son jeune âge. Intégrant une troupe de vaudeville noire, elle réussit à se faire repérer par un producteur. Elle se retrouve ainsi à Paris à l’âge de 19 ans et elle est portée sur les devants de la scène de la Revue nègre, spectacle musical populaire de jazz et culture noire américaine. 

Au-delà d’être une artiste-star, elle s’engage également notamment lors de la Seconde Guerre mondiale où elle joue un rôle important dans la Résistance en tant qu’agent de renseignement. Elle utilise alors son rôle d’artiste pour faire  passer des informations via ses partitions de musique. Récompensée et décorée de la Légion d’honneur, la Croix de guerre et la médaille de la Résistance, elle est maintenant également l’une des femmes au Panthéon.

Simone Veil, l’une des personnalités préférées des Français

les femmes du Panthéon

En juin dernier, Simone Veil a été la cinquième femme, sur proposition d’Emmanuel Macron.

Rescapée d’Auschwitz, elle entame des études de droits et de sciences politique qui la mèneront à endosser de prestigieuses fonctions et à être plus tard une des femmes au Panthéon :

  • En tant que Ministre de la santé sous Valéry Giscard d’Estaing, elle fait adopter la loi dépénalisant le recours à l’IVG le 17 janvier 1975.
  • De 1979 à 1982, elle contribue à la réconciliation franco-allemande depuis son poste de première Présidente du Parlement européen.
  • Au sein du gouvernement Balladur, elle occupe les fonctions de ministre d’État, ministre des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville (1993-1995).
  • Pendant presque dix ans, entre 1998 et 2007, elle siège au Conseil constitutionnel. Elle surpassera son devoir de réserve lorsqu’en 2005 elle appelle les français à voter oui au référendum pour une constitution européenne.
  • Elle fait son entrée au sein de l’Académie Française en 2008. Sur son épée d’Immortelle sont gravés le numéro qui lui avait été attribué à Auschwitz et les devises de la République française et de l’Union européenne.

De 2001 à 2007, elle est Présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
Depuis 2019, elle est l’une des femmes au Panthéon.

Germaine Tillion : l’ethnologue entrée en résistance

les femmes du Panthéon

Tout d’abord ethnologue, Germaine Tillion effectue plusieurs missions, dont deux en Algérie entre 1935 et 1940. Après l’armistice de 1940, elle entre en résistance. Elle donne les papiers de sa famille à une famille juive afin de la protéger.

Créatrice du mouvement résistant Réseau du Musée de l’homme, elle sera la seconde femme à recevoir la distinction de la Grande Croix de la Légion d’Honneur et sera honorée pour ses actes héroïques durant la Seconde Guerre mondiale.

A la fin de la guerre, elle intègre le CNRS mais délaisse l’ethnologie et se consacre à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en enquêtant sur les crimes commis par les nazis : « Au terme de mon parcours je me rends compte combien l’homme est fragile et malléable. Rien n’est jamais acquis. Notre devoir de vigilance doit être absolu. Le mal peut revenir à tout moment, il couve partout et nous devons agir au moment où il est encore temps d’empêcher le pire ». On comprend pourquoi elle deviendra plus tard l’une des femmes au Panthéon.

En 1954, elle est missionnée par le ministre de l’Intérieur Pierre Mendès France afin de mener des observations. Elle devient membre du cabinet des affaires sociales et éducatives de Jacques Soustelle, à Alger. Après le départ de ce dernier en 1957 elle passe trois mois chez des Touaregs dans le Sahara avant de rentrer à Paris.

La seule femme deux fois “nobellisée”

les femmes du Panthéon

D’origine polonaise, Marie Curie est bien connue pour ses travaux sur la radioactivité menés avec son mari Pierre Curie, qui ont abouti à la découverte du polonium et du radium. C’est pour ces travaux qu’elle recevra le prix Nobel de chimie en 1911. Mais elle n’en était pas à son coup d’essai puisqu’en 1903, avec son mari, ils reçoivent un demi prix Nobel de physique (partagé avec Henri Becquerel).

Elle sera la première femme en France à devenir directrice d’un laboratoire de recherche. De même, après la mort de son mari en 1906, elle sera la première femme professeure à la Sorbonne. Le Journal soulignera cet évènement en ces termes ironiques : « c’est […] une grande victoire féministe que nous célébrons en ce jour. Car, si la femme est admise à donner l’enseignement supérieur aux étudiants des deux sexes, où sera désormais la prétendue supériorité de l’homme mâle ? En vérité, je vous le dis : le temps est proche où les femmes deviendront des êtres humains. »

Sur décision du président François Mitterand, conseillé par Simone Veil, elle est la première femme à entrer au Panthéon. La cérémonie de 1995 permet aux époux Curie d’être déposés ensemble au sous-sol du monument, plus de 60 ans après la mort de Marie Curie. Il s’agit ainsi de l’explication du comment Marie Curie est devenue l’une des femmes au Panthéon.

Geneviève De Gaulle-Anthonioz, la nièce du général de Gaulle

Geneviève De Gaulle-Anthonioz

Durant la Seconde Guerre mondiale, elle rejoint la résistance et est déportée dans le camp de Ravensbrück où elle côtoie Germaine Tillion. D’ailleurs, elles sont toutes deux devenues des femmes au Panthéon en 2015.

Par la suite, elle travaille avec son mari pour la culture, auprès du ministre André Malraux. C’est là qu’elle rencontre le père Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD Quart Monde. Militante pour les droits de l’Homme et contre la pauvreté, elle prend la tête de l’association en 1964.

Son projet de loi pour la cohésion sociale, qu’elle a défendue en 1996 à la suite de sa nomination au conseil économique et social, sera adopté deux ans après.

Elle a été la première femme à être décorée de la Grande Croix de la légion d’honneur en 1997.

Sophie Berthelot, première des femmes au Panthéon, ou plutôt “la femme de…”

Pierre et Marie Curie

En plus des quatre autres femmes au Panthéon citées précédemment, une cinquième y repose : Sophie Berthelot.  Première femme a avoir été panthéonisée, elle est reconnue pour avoir aidé son mari, le chimiste Marcellin Berthelot, dans ses recherches. À sa mort, elle fut distinguée « en hommage à sa vertu conjugale ».

Marcellin Berthelot, célèbre chimiste, a déposé plus de 1200 brevets en l’espace de 50 ans (1850-1907). Bien que certains industriels lui proposent de belles sommes pour les racheter, il refuse et en fait don, non pas à la France, mais au monde entier.

Pour respecter la volonté de leur famille qui a accepté que son époux soit « panthéonisé » qu’à la condition qu’elle soit enterrée avec lui. Sophie Berthelot a donc pu avoir l’honneur d’être la première à reposer au Panthéon. Cette situation s’est reproduite lors du décès de Simone Veil, puisque son mari, Antoine Veil, a pu lui aussi bénéficier de ce traitement de faveur.

J’espère que cet article sur les femmes au Panthéon t’aura aidé à comprendre quelles sont les femmes qui y reposent et les raisons qui l’expliquent. Si tu souhaites t’intéresser davantage aux femmes à l’étranger, tu peux aller voir cinq femmes influentes en Espagne ou encore en Amérique-Latine.