Héraclit est un philosophe présocratique : cela signifie qu’il écrit avant Platon, à la fin du VIe siècle et au début du Ve siècle av. J-C. Sa théorie de la contrariété et de l’unité des opposés stipule que l’Être, c’est-à-dire l’Univers, est animé par le conflit (polemos).

Cet exemple peut donc servir à alimenter tes copies de Culture Générale sur le thème de la violence : Héraclite soutient en effet que la violence est le principe générateur du monde et de la vie.

La violence est source de changement

Héraclite soutient l’idée d’une créativité des luttes : selon lui, chaque changement, et plus largement toute chose, est engendrée par la discorde. Par exemple, sans le jour, la nuit n’existerait pas et n’aurait pas de singularité. Inversement, sans la nuit, le jour ne serait plus un jour.

Ainsi, la violence, qui est le rapport conflictuel des antagonismes, permet d’introduire une dynamique créatrice :

Il faut savoir que le combat (polemos) est universel, que la justice est une lutte (eris) et que toutes choses naissent selon la lutte et la nécessité.

Fragment 80

Cet affrontement perpétuel des contraires est à l’origine d’une mobilité incessante dans la nature. D’où cette expression célèbre d’Héraclite, selon laquelle

On ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve.

Fragment 91

Comment la comprendre ? Dans la nature, tout s’écoule, rien ne demeure figé : l’eau du fleuve, dans laquelle on se baigne, ne sera pas la même que celle dans laquelle on se baignera une heure plus tard, du fait du caractère mouvant de cette eau. De même que l’eau, tout élément est changeant : tout semble donc « couler », c’est-à-dire se transformer en permanence. Ainsi, le polemos régit l’intégralité du monde.

On peut donc, avec Héraclite, défendre l’idée d’une violence bienfaisante et créatrice. Mais il va encore plus loin : pour lui, non seulement la violence régit le cours du monde, mais elle en est le principe générateur.

La violence comme principe engendrant le monde

En effet, Héraclite soutient la thèse selon laquelle le conflit se produit aussi bien dans la nature que dans le monde humain. Il écrit ainsi que :

Le conflit est père de toutes choses, roi de toutes choses.

Fragment 53

Il soutient alors que dans chaque chose co-existent les opposés : par exemple, le bien et le mal, la pauvreté et la richesse, la vie et la mort, chaud et froid, etc,. dans des proportions qui peuvent bien sûr varier. Or, l’intégralité de l’univers est régie par une même loi : l’unité du monde repose donc sur le fait même que chacun des éléments qui le composent est en fait un mélange d’opposés.

Ainsi, tous les phénomènes qui existent sont ordonnés par des couples de contraires, qui ne font qu’alterner :

C’est la même chose en nous que la vie et la mort, la veille et le sommeil, la jeunesse et la vieillesse, car ceux-ci se transforment en ceux-là̀, et inversement ceux-là̀ se transforment en ceux-ci.

 Fragment 83

La violence, qui correspond ici au conflit entre des éléments opposés, est donc l’élément générateur de toute chose puisque l’univers tout entier obéit à ce principe d’oscillation, à ce jeu d’alternance des contraires : l’antagonisme différencie et fait varier tout chose entre des pôles contraires.

La lutte, et donc la violence, sont ainsi paradoxalement les garants de l’ordre du monde naturel, mais aussi de l’ordre humain : le monde est ce qui englobe les différences, et la lutte des contraires permet d’engendrer le monde. Pour citer Héraclite, « La divinité est l’ensemble de tous les contraires ». En d’autres termes, chacun exprime, selon la diversité de son mode, la loi fondamentale de l’union des opposés.

Mais  cela signifie-t-il que la guerre est souhaitable, ou même nécessaire, puisqu’elle régit le monde ?

Le drame cosmique n’est pas une guerre brutale et destructrice, mais une source d’harmonie

Certes, Héraclite soutient la thèse d’une créativité de la lutte, et souligne donc les bienfaits des violences qui engendrent du nouveau. Mais sa vision belliqueuse du monde n’est pas pour autant liée à la folie destructrice. A rebours de cette idée, il soutient en effet également que le polemos est harmonie : le conflit est une source et un moyen d’assurer la justice et le progrès.

Cette harmonie polémique est donc une sorte d’ajustement générée grâce à l’action de sens contraires. De fait, la vie humaine est elle aussi une guerre constante ; mais elle ne doit pas pour autant être fondée sur une violence inutile. Héraclite ne prône donc pas la division de l’humanité :

Ils ne comprennent pas comment ce qui s’oppose à soi-même est en même temps en harmonie avec soi.

Fragment 51

Conclusion

Héraclite soutient la thèse d’une violence créatrice, car génératrice de toute chose. Cette unité dynamique des contraires – en d’autres termes, cette guerre permanente -, que l’on retrouve partout dans la nature, en est le moteur: c’est ce qui lui permet d’être en mouvement. Cette opposition se résout donc finalement en une unité fondamentale, qui s’identifie au divin.