politique environnementale

L’année 2020 a marqué un tournant majeur pour l’économie mondiale. La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions dévastatrices sur la santé publique et l’économie mondiale, laissant de nombreuses nations se débattre pour trouver le meilleur moyen de se relever. C’est dans ce contexte que des économistes de renom de l’université d’Oxford, soutenus par le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, ont conclu que le meilleur chemin pour garantir que la reprise soit bien au rendez-vous après le choc pandémique est de « se mettre au vert ». Cette conclusion souligne l’importance cruciale de la politique environnementale dans l’économie moderne.

 

Introduction

La protection de l’environnement est devenue l’une des missions essentielles confiées à l’État. Au fur et à mesure que la croissance économique s’est accélérée, la lutte contre la pollution et les problèmes environnementaux a pris une ampleur croissante, engendrant un coût significatif pour les politiques environnementales.

La France, par exemple, a récemment annoncé un budget vert considérable, marquant un engagement financier substantiel en faveur de la transition écologique. En effet, le plan France Relance, conçu comme une feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays, vise à faire de la France la première grande économie décarbonée en Europe, en consacrant une part significative de son enveloppe globale à la rénovation énergétique, aux transports, à la transition agricole et aux technologies vertes.

Cependant, la transition écologique ne peut être laissée uniquement au marché pour être orientée de manière optimale. Elle nécessite des politiques publiques cohérentes et des choix stratégiques bien définis. La question de son impact sur l’emploi reste complexe à évaluer. Depuis le célèbre rapport du Club de Rome en 1972, les États ont progressivement pris conscience de la nécessité de politiques de développement durable, mais des défis subsistent, notamment en ce qui concerne la pression fiscale et l’efficacité des politiques environnementales.

Ainsi, il est crucial de se pencher sur la place de la politique environnementale dans l’économie d’aujourd’hui. Par conséquent, nous explorerons d’abord l’importance de la politique environnementale ainsi que ses divers instruments. Ensuite, nous examinerons la question de son efficacité et de son avenir pour l’économie, afin de mieux comprendre comment elle peut contribuer à une reprise économique durable et réussie.

 

Politique environnementale : le moteur méconnu d’une économie florissante

Lutter contre les défaillances du marché : les externalités

Le modèle de croissance économique actuel pose un défi majeur à la viabilité écologique de notre planète. Les principes économiques tels que le libre-échange, la mondialisation et la production de masse ne tiennent pas suffisamment compte des externalités environnementales telles que la pollution (Victor & Jackson, 2012).

Le dilemme de la croissance, qui oppose la nécessité de croître pour assurer la stabilité économique à l’impact environnemental néfaste, est un paradoxe complexe à résoudre. Les activités économiques génèrent souvent des effets nuisibles pour l’environnement, des « externalités négatives » (A. C. Pigou) que le marché, par son mécanisme des prix, ne parvient pas à internaliser. La pollution, notamment les émissions de gaz à effet de serre, en est un exemple flagrant.

Comment pouvons-nous sortir de ce dilemme ? C’est là que la politique environnementale entre en jeu, en intervenant pour réguler ces externalités, garantir la protection du capital naturel et promouvoir le développement durable. Mais comment ?

À cette fin, les gouvernements ont à leur disposition des outils incitatifs monétaires et non monétaires (les nudges [Thaler, Sunstein, 2008]). Les instruments mis en œuvre pour cette mission se regroupent en trois catégories distinctes, deux d’entre elles visant à inciter par la contrainte, et la troisième à encourager par les prix. Taxation, normes et marchés de quotas carbone tels que l’ETS au sein de l’Union européenne font partie des outils à disposition.

Par ailleurs, les mesures politiques environnementales, telles que les taxes environnementales, peuvent constituer une source de revenus pour l’État. Par exemple, les taxes sur les émissions de carbone peuvent non seulement réduire la pollution, mais aussi générer des revenus qui peuvent être réinvestis dans des projets environnementaux ou d’autres initiatives économiques.

 

La performance environnementale des entreprises

L’instauration de politiques environnementales a montré que les entreprises, en augmentant leur productivité par des changements de processus, peuvent souvent dépasser les coûts induits par ces mesures.

En effet, les mesures environnementales strictes imposées à une entreprise lui fourniraient donc un avantage compétitif par rapport aux entreprises soumises à des régulations moins strictes, voire inexistantes (Bontems & Rotillon).

Nous nous trouvons désormais dans une situation économique « win-win », où la relation entre performance environnementale et financière d’une entreprise serait positive.

 

Stimuler l’innovation, améliorer la santé publique et renforcer la compétitivité

La politique environnementale peut être un catalyseur d’innovation, en encourageant les entreprises à développer des technologies propres et durables. Elle améliore également la santé publique en réduisant la pollution de l’air et de l’eau.

De plus, les entreprises adoptant des pratiques environnementales responsables renforcent leur compétitivité en améliorant leur image de marque.

Enfin, la politique environnementale favorise la transition vers une économie circulaire, réduisant les déchets et préservant les ressources naturelles.

 

Les limites de la politique environnementale

La mise en œuvre des instruments de la politique environnementale se heurte à des obstacles majeurs sur le plan économique et social. D’une part, l’application générale de ces mesures peut pénaliser des entreprises pour lesquelles le coût marginal de dépollution est prohibitif, créant une asymétrie d’information et une sous-optimalité économique.

Effectivement, elles sont appliquées à titre général et pénalisent certaines entreprises pour lesquelles le coût marginal de dépollution est trop élevé quand, pour d’autres, il ne l’est pas vraiment. Ce qui ne les pousse pas à s’investir dans le développement de technologies vertes et moins polluantes.

D’autre part, la « fiscalité verte » peut entraîner une perte de compétitivité pour certaines industries. À titre d’exemple, les tentatives de concilier efficacité écologique et justice sociale à travers les taxes carbone en France ont souvent révélé des limites. La hausse proposée de la taxe Contribution climat énergie a déclenché le mouvement social des Gilets jaunes, perçu comme une injustice. L’absence de débat initial a conduit à un « grand débat » et au retrait du projet. Cela souligne l’importance de la communication et de la consultation publique dans la mise en place de politiques environnementales.

Ce n’est pas tout, les pressions financières liées aux coûts de la transition écologique peuvent peser sur les États, entraînant une augmentation de la dette et nécessitant une relance économique post-mise en œuvre des politiques. De plus, les taxes vertes sont parfois perçues comme socialement injustes, touchant plus lourdement les ménages modestes.

 

La mise en place de mesures correctrices

Pour atténuer ces effets, des mesures correctrices, telles que le chèque-énergie en France, ont été introduites pour accompagner la hausse de la fiscalité sur les carburants et aider les ménages en situation de précarité énergétique. C’est ainsi qu’un rapport du Comité pour l’économie verte, remis au gouvernement le 27 septembre 2018, estime que « la transition fiscale écologique ne pourra être réalisée que si elle est en même temps solidaire, en intégrant l’exigence de justice sociale ».

 

Inefficacité par rapport aux objectifs

La politique environnementale peut également présenter des inefficacités par rapport à ses objectifs, notamment en termes de réduction de la pollution et de préservation du patrimoine naturel. Les politiques actuelles peuvent favoriser la délocalisation des émissions d’un territoire vers un autre, ce qui contrecarre l’objectif de réduction absolue des émissions.

Pour être efficace, une politique environnementale devrait tenir compte de la notion de « biens économiques communs », en l’occurrence le capital naturel, et s’appliquer à l’échelle globale et planétaire de façon concertée et complémentaire.

De surcroît, les politiques environnementales actuelles peuvent présenter des difficultés à atteindre leurs objectifs, notamment en raison de l’impact sur la compétitivité des secteurs polluants, de la malveillance des normes imposées, de la faiblesse de la fiscalité environnementale et de la complexité de la mise en place d’un marché mondial de permis d’émissions.

 

L’influence des lobbies

L’action publique pour l’environnement est souvent assujettie à l’influence de lobbies, des groupes cherchant à influencer les décisions politiques.

L’exemple du Grenelle de 2001 en France illustre comment les acteurs du monde politique et industriel peuvent détourner l’action environnementale de ses objectifs initiaux. En effet, le processus de construction de la loi Grenelle de 2001 en France a révélé une inégalité significative dans la représentation des acteurs. Les acteurs politiques et du secteur privé marchand étaient surreprésentés par rapport aux associations environnementales.

Cela soulève des questions sur la véritable orientation des politiques environnementales lorsque les intérêts privés pèsent lourdement dans les décisions. À l’échelle européenne, les lobbyistes industriels peuvent exercer une influence disproportionnée, risquant de biaiser les politiques environnementales.

 

Les défis internationaux et le « passager clandestin »

La mise en place d’accords internationaux sur le climat est entravée par le « passager clandestin ». Les acteurs hésitent à s’engager unilatéralement tant qu’ils ne sont pas assurés que d’autres suivront. Pour chaque acteur pris isolément, il n’y a pas de corrélation directe entre le niveau de l’effort engagé pour réduire ses émissions et le bénéfice qu’il en tirera sous forme de moindres dommages.

De plus, les impacts les plus sévères sont éloignés dans le temps, ce qui incite chacun à reporter l’intégralité des coûts du changement climatique sur les générations futures. Dans un tel contexte, chaque joueur a intérêt à attendre que ses voisins lancent l’action. La position idéale étant celle du « passager clandestin », qui ne ferait aucun effort quand tous les autres s’engageraient pour protéger le bien commun.

Inversement, aucun acteur n’a intérêt à s’engager unilatéralement tant qu’il n’a pas la conviction que d’autres suivront dans le cadre d’une coalition plus large. Cela souligne, par conséquent, la nécessité d’une coopération mondiale pour adresser efficacement les enjeux environnementaux, car les actions unilatérales peuvent conduire à la délocalisation des émissions et à des résultats suboptimaux.

 

Conclusion

Dans la convergence cruciale entre la question sociale et la préoccupation écologique, Éloi Laurent suggère, dans Le Bel avenir de l’État-providence” (2014), une transformation fondamentale de notre modèle sociétal vers un État social-écologique. Cette réinvention s’avère essentielle pour rendre crédible la transition écologique, harmonisant ainsi justice sociale et performances économiques soutenables.

La politique environnementale émerge en protagoniste, non seulement en tant que rempart contre les externalités, mais aussi comme gardienne du capital naturel. Son déploiement mondial est impératif, bien que les dissensions entre nations pollueuses et écoresponsables créent des défis considérables.

Malgré ces discordances, l’urgence d’une coopération internationale demeure, car la politique environnementale reste la clé d’un avenir où l’économie prospère en symbiose avec la préservation de notre planète. Bien que le chemin soit semé d’obstacles, l’espoir réside dans une transformation collective vers un État social-écologique, où la prospérité partagée et durable émerge comme le nouveau paradigme.