Le Brésil : en voilà un pays dont la trajectoire est surprenante. Présenté au début de ce siècle comme l’un des émergents destinés à rejoindre les PDEM, la première économie d’Amérique du Sud appartenant au groupe des BRICS a récemment connu des remous.

Son PIB a augmenté pendant les 20 années de dictature (1964 – 1985), puis tout au long des deux mandats de Lula, qui est président de 2003 à 2010. Sur le plan économique, ce dernier poursuit la rigueur budgétaire exigée par le FMI et déjà mise en place par son prédécesseur, et ce jusqu’en 2004. Cette même année, il met en place la « bolsa familia », un programme qui augmentera les revenus des pauvres de 14%. Entre autres, il investira également plusieurs milliards pour sécuriser et améliorer les infrastructures des favelas. Tout ceci est à l’origine de la diminution des inégalités : le coefficient de Gini du Brésil baisse ainsi de 5 points entre 2003 et 2009. Ces dépenses sont permises par une croissance rapide (jusqu’à 7,5% en 2010), portée par le boom des matières premières dont le Brésil est un producteur de premier ordre (soja, pétrole, sucre de canne, minerai). Cette même année, le président cède finalement sa place à sa protégée, Dilma Rousseff.

Six années plus tard, l’économie subit une récession de 3,8% pour la deuxième année consécutive et Dilma Rousseff est provisoirement destituée en raison d’un scandale de corruption. Que s’est-il passé ?

Récession de 2015 et 2016 : facteurs externes et internes

Comme précédemment souligné, le Brésil est un producteur majeur de matières premières. 4ème exportateur de denrées agricoles comme le café, le jus d’orange, le sucre ou encore le soja, son économie pâtit de la chute du cours des matières premières qui intervient à cette même période. Par ailleurs, son principal partenaire commercial n’est autre que la Chine, aussi bien en termes d’exportation (en 2015, 18,6% des exportations brésiliennes étaient dirigées vers la Chine) que d’importation. Or, la locomotive chinoise ralentit, ce qui freine la demande extérieure et mécaniquement la production intérieure. Ceci entraîne ainsi une baisse du réal (la monnaie brésilienne), engendre l’augmentation du coût des importations et renchérit ainsi le coût de production, ce qui brigue la croissance. Mis bout à bout, tous ces éléments peuvent expliquer la récession subie par le Brésil entre 2015 et 2016, ou du moins en partie.

Car d’aucuns imputent la responsabilité de la crise à Dilma Rousseff elle-même, et notamment au tournant qu’elle insuffle à la politique budgétaire. Depuis 1999, les autorités brésiliennes visent 3% du PIB d’excédent primaire (solde budgétaire avant paiement des intérêts). Or,  elle mène une politique industrielle volontariste et met en place des exonérations de taxes proche du clientélisme qui pèsent sur le budget : l’excédent devient un déficit en 2016 (-2,3% du PIB). De plus, l’ancienne présidente a camouflé des dépenses publiques importantes en incluant dans le budget les recettes futures anticipées, afin d’assurer sa réélection, ce qui d’ailleurs met en exergue ce que Nordhaus montre dans The Political Business Cycle (1975) : à l’approche des élections, il y a un excès de dépenses publiques visant à satisfaire l’électorat.  Cette dépense est censée doper la production, pourtant, celle-ci n’augmente pas et engendre in fine un alourdissement de la dette publique. Ainsi, le Brésil fait face à un problème de soutenabilité de la dette publique (57% du PIB en mars 2016), ce qui effraie les prêteurs, ils perçoivent un risque plus élevé et augmente les taux d’intérêts. Finalement, le pays est soumis à un effet boule de neige de la dette publique. Ceci exige des mesures, comme celle proposée en décembre 2016 de réformer la sécurité sociale, qui ne verra pas le jour de sitôt, ou a tout le moins pas avant les élections d’octobre 2018.

La politique monétaire a elle aussi un rôle à jouer dans la débâcle du Brésil. Les taux d’intérêt sont les plus forts parmi les émergents afin d’attirer des capitaux étrangers, ce qui grippe le financement de l’économie et accélère la descente aux enfers. Par ailleurs, des taux d’intérêt élevés renchérissent la charge de la dette et contraignent le Brésil.

Le chômage a considérablement augmenté

Le taux de chômage connait une forte augmentation à cause de cette récession, la plus grave de l’histoire du Brésil. Le chômage est en effet passé de 4,8% de la population active en 2014, à 11,8% en août 2016, plongeant ainsi environ 12 millions de Brésiliens dans le chômage.

Au-delà de la dimension conjoncturelle de cette évolution, des facteurs structurels menacent et pèsent sur l’emploi au Brésil. Le pays manque en effet de main d’œuvre qualifiée et son système éducatif est défaillant. Même si les chiffres de 2017 sont encourageants pour la suite, puisque le chômage s’est établi à 11,8% cette année-là, ces difficultés structurelles peuvent empêcher le Brésil de se diriger vers une spécialisation qui le rapprocherait de la frontière technologique et accélérerait son ascension parmi les PDEM. Pour stimuler la reprise et in fine provoquer une diminution nette du chômage, Michel Temer, l’actuel président du Brésil, a mené une réforme du code du travail en Juillet 2017 visant à flexibiliser le marché du travail en offrant notamment la possibilité de négocier des accords d’entreprises.

La situation politique menace l’économie

Lula, le « président des pauvres », est empêtré dans des scandales de corruptions pour lesquels il a été condamné en 2017. Dilma Rousseff a été destituée pour avoir maquillé les comptes publics et est au cœur du scandale Petrobras, l’accusant d’avoir financé sa campagne à travers des pots-de-vin. Quant à Michel Temer, président depuis le 31 Août 2016, il est également accusé de corruption. Dans le même temps, les Brésiliens, dont l’intégration à la classe moyenne fut entérinée par les années Lula, sont déclassés par la crise et montrent leur mécontentement à travers des manifestations qui remuent le pays. Du fait de ces tensions politiques, les investissements ont reculé : la formation brute de capital fixe a diminué de 1,8% en 2017 et même si la situation s’améliore actuellement, les investissements devraient pâtir des élections présidentielles à venir (octobre 2018). Cette situation illustre parfaitement ce que Benhabib et Rustichini expliquent dans leur ouvrage paru en 1996 intitulé La distribution des revenus, l’instabilité politique et l’investissement, à savoir que les conflits sociaux et l’instabilité créent un contexte d’incertitude défavorable à l’investissement.

Des perspectives encourageantes

Alors que Standards & Poor’s a dégradé la note souveraine du Brésil à BB-, l’adoption par le congrès d’un gel des dépenses publiques jusqu’à 2038 met un coup d’arrêt au cercle vicieux dans lequel s’était empêtré le Brésil pendant le mandat de Dilma Rousseff. Michel Temer a par ailleurs entrepris une campagne de privatisations et de cession d’actifs publics, dans le but de renflouer les comptes publics. Afin de rassurer les investisseurs étrangers et confirmer le retour du Brésil, le président a formalisé la candidature du Brésil à l’OCDE, de même que la mise en place de réformes du système politique électoral promouvant la transparence. Tout ceci devrait permettre de mettre un point d’arrêt aux scandales récurrents initiés par l’enquête « Lava Jato » (Lavage Express) et in fine aux manifestations qui agitent le pays et effraient les investisseurs.

L’industrie et l’agriculture sont deux atouts pour le Brésil. La première (qui représente 27% du PIB) est diversifiée et en première ligne dans différents domaines. Embraer fait parti des deux principaux producteur d’avions de lignes long-courriers. De nombreux constructeurs sont installés au Brésil (Fiat, Volkswagen, Ford, PSA …) et son industrie agroalimentaire représente ¼ de la production mondiale, grâce à des géants comme JBS. Le second, dont la part dans la production Brésilienne gravite autour de 5% représente toutefois le premier poste d’exportation.  Entre autres, le Brésil dispose de l’Amazonie, ce qui lui permet d’être le 4ème exportateur de bois au monde. Enfin, les ressources en minerai de fer permettent à des entreprises comme Vale de se placer au rang de premier producteur et exportateur mondial. C’est grâce à des secteurs dynamiques que le Brésil a une balance commerciale excédentaire et a commencé à renouer avec la croissance (1,0% en 2017).

Enfin, la faible inflation et l’assouplissement monétaire entamée à la fin de l’année 2016 pose les jalons d’une reprise économique que la COFACE (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur) estime à 2,5% pour l’année 2018.

Résumé

Après un début de siècle marqué par une croissance rapide, l’ascension du Brésil est arrêtée par la fin du cycle des matières premières et le ralentissement de la Chine. Dilma Rousseff a également accentué le phénomène en usant des dépenses publiques pour booster l’économie, à grand renfort de collusion et de clientélisme, ce qui a creusé la part de la dette publique dans le PIB. Ceci a fait grimper le chômage et provoqué la résurgence des inégalités, disparues au cours des mandats successifs de Lula. Tout cela est amplifié par les scandales à répétitions et les mouvements sociaux, qui ralentissent l’afflux de capitaux étrangers.

Toutefois, cette situation n’est pas fatale et le Brésil de Michel Temer mène des réformes qui visent à réduire le déséquilibre budgétaire et à promouvoir transparence et démocratie. Ces avancés sont tout de même liés à l’élection présidentielle qui s’annonce, et qui décourage certaines réformes difficiles à mettre en œuvre, à l’instar de la réforme de la sécurité sociale. Les estimations sont optimistes pour 2018, d’autant plus que le Brésil jouit d’une industrie diversifiée, de ressources agricoles nombreuses et désormais d’une politique monétaire accommodante.

Suggestion : Fiche de lecture de L’économie des BRIC.

Sources :

Cristina Terra, Le crash brésilien, CEPII

France Diplomatie, Présentation du Brésil

Jean Yves Carfantan, Brésil, les illusions perdues

Coface, Brésil / Etudes économiques

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