Paul Masson (1)

La crise de l’effet tequila au Mexique en 1994 s’est suivie de pressions spéculatives dans les autres pays de l’Amérique Latine, ce qui a fait émerger l’idée d’une contagion de la crise. On peut définir ce phénomène par le fait qu’un pays qui ne connaît pas de crise se voit touché par une crise venue d’ailleurs [Gerlach & Smets (1995) (2), Sachs, Tornell & Velasco (3) (1996), Valdès (4) (1995)].

Eichengreen, Rose et Bordo (5) montrent en 1996 que sur un échantillon de 20 pays industriels entre 1959 et 1993 la probabilité qu’un pays connaisse une crise de contagion est d’autant plus grande que le pays partage des similarités macroéconomiques avec le pays touché par la crise. La crise asiatique de 1997 ayant pour origine la Thaïlande a renouvelé les théories économiques sur l’effet de contagion.

  • La Thaïlande dévalue sa monnaie, abandonnant son raccrochage au dollar, ce qui oblige les autres pays de la région à dévaluer leur monnaie pour ne pas perdre de compétitivité.
  • De plus, ces pays ont des similarités avec la Thaïlande (déficit du compte courant).
  • Plus étonnant, certains pays qui menaient une politique de monnaie forte et une stricte fiscalité ont été également exposés à la crise comme Hong-Kong et Singapour.

Masson reprend le modèle de première génération de Flood & Garber (6) [1984] et Krugman (7) [1979] et suit un raisonnement économétrique afin de montrer que la crise peut venir d’une inadéquation entre les réserves de change, les fondamentaux et la politique laxiste des autorités. On peut alors suivre le raisonnement du modèle de première génération afin de résumer les calculs.

  • S’il y a une politique laxiste de la part des autorités (politique de relance disons) alors, suivant les hypothèses néoclassiques de la monnaie (i.e le marché de la monnaie se fait sous le joug de l’offre et de la demande, le point d’équilibre étant la rencontre entre l’offre et la demande), la banque centrale doit dévaluer sa monnaie car autrement il y aura un surplus d’offre.
  • Or, les réserves de change ne sont pas infinies et donc il y a une inadéquation entre la politique exercée par les autorités et les réserves qui diminuent : au bout d’un moment, le marché s’en rend compte et on a un retrait des capitaux et une dépréciation du taux de change avant même que les réserves ne soient épuisées.

L’effet mousson qui est à l’origine de la contagion, pourrait provenir des flux de capitaux et du taux d’intérêt notamment si on s’appuie sur la naissance de la crise au Mexique avec un relèvement des taux d’intérêt aux Etats-Unis. Cependant, cela n’explique pas la propagation de la crise dans les autres pays. Peut-être que la contagion prend alors sa source dans les liens commerciaux entre les pays industrialisés et les marchés émergents : appartenir à un panier de monnaies mené par le dollar fait qu’une appréciation du dollar amène par exemple une dépréciation du yen, ce qui peut déboucher en crise. Une autre explication serait les « spillover effects » avec la coïncidence des attaques spéculatives. Mais encore une fois, empiriquement rien n’explique -par cette voie- la propagation de la crise vers la Corée par exemple. Le modèle de première génération est trop limité pour pouvoir être assez réaliste quant aux situations connues en Asie en 1997.

De nouveaux facteurs plausibles ont été alors mis en avant comme les problèmes du secteur bancaire [Kaminsky & Reinhart (8), 1996] ou l’aversion pour le risque des investisseurs. Pour le secteur bancaire, il s’agit de l’idée que les banques sont exposées aux risques liés au taux d’intérêt et à la monnaie : si la banque centrale combat la dépréciation par une hausse des taux d’intérêt, cela fragilise les banques qui se sont endettées en monnaie étrangère (idée reprise par le modèle de troisième génération). Pour l’aversion au risque des investisseur : s’ils investissent dans les marchés émergents c’est que la compensation y est forte car plus le risque est grand, plus le revenu sera grand. Les effets du risque alors peuvent être le résultat de la contagion, s’ils viennent du fait que des crises se sont déjà déclenchées dans les pays voisins [Flood & Marion, 1996 (9)].

Finalement, le modèle présenté n’étant pas assez réaliste, doit être complété par différentes hypothèses amenées par d’autres économistes. Mais encore, bien souvent, les explications ne répondent qu’au cas de la crise au sein d’un seul pays et non la propagation de la crise. Encore, ils n’expliquent finalement qu’une possible conséquence à l’effet même «Mousson». Cela est dû au fait que bien souvent, du moins si on s’attache aux crises de 1994 et 1997, les évènements ne sont pas prévisibles lorsqu’il s’agit de signaler l’arrivée d’une crise venue d’un autre pays.

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  1. Le terme d’effet Mousson vient de Michel Mussa. L’apport de cet article -fait dans le cadre du FMI- par Eichengreen, Fisher, Flood, Isard, Jeanne, Krueger, Wyplosz est à souligner.
  2. Gerlach Sefan & Smets Frank, 1995 « Contagious Speculative Attacks », European Journal of Political Economy, Vol 11, pp.45-63
  3. Sachs, Jeffrey, Tornell, Velasco, 1996 « Financial Crises in Emerging Markets : The Lessons from 1995, » NBER Discussion Paper No.5576
  4. Valdés, R, 1996, « Emerging Market Contagion:Evidence and Theory », MIT, 1996.
  5. Eichengreen, Rose & Wyplosz, 1996 « Contagious Currency Crises » NBER Working Paper No.5681
  6. Flood, G & Garber, P, 1984 « Collapasing Exchange Rate Regimes : some linear examples » Journal of International Economics, Vol 17, pp 1-13.
  7. Krugman, P, 1979 « A model of balance of payment crises » Journal of Money, Credit, and Banking, Vol 11, pp.312-325

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Signé: Morgan Sachs