Depuis l’élection de Donald Trump, un grand débat économique est relancé, celui du libre-échange et du protectionnisme. En effet, le businessman, désormais président des Etats-Unis, a fait du protectionnisme économique son argument majeur durant les campagnes. A première vue, cela peut paraître étonnant qu’un pays aussi puissant économiquement parlant que les Etats-Unis puisse faire le choix du protectionnisme. Mais si ce choix est contesté (et contestable), il faut cependant dire que certaines périodes de l’Histoire corroborent la thèse protectionniste du nouveau président américain.

Paul Bairoch dit d’ailleurs dans Mythes et paradoxes (1995) que « les vingt meilleures années de la croissance américaine furent celles de la période protectionniste pendant que les principaux concurrents des USA suivaient une politique libérale ». Ainsi les USA ne jouaient pas le jeu du libre-échange, ils sont restés protectionnistes au moment ou les autres pays étaient devenus libre-échangistes.

Ainsi, aujourd’hui, les EUA sont en train de revenir sur les principes qui guidaient depuis Bretton-Woods le commerce mondial.

I – Le G20 sous le choc après le blocage des Etats-Unis sur le libre-échange

Le refus américain de lutter contre toutes les formes de protectionnisme a laissé le ministre allemand sous le choc, c’est une première depuis 2005. Malgré 48 heures d’échanges intenses, le G20 n’a pas su faire changer les USA d’avis. Le nouveau secrétaire d’Etat américain au Trésor, Steven Mnuchin, a déclaré samedi que les EUA n’excluent pas de renégocier les accords multilatéraux de l’OMC, et a aussi affirmé que les plaidoyers passés du G20 en faveur du libre-échange n’étaient absolument pas pertinents.

« Nous pensons que certaines parties de l’OMC ne sont pas appliquées, et nous allons tenter avec pugnacité de les faire appliquer dans l’intérêt des travailleurs américains (…) ces accords sont de vieux accords et s’ils ont besoin d’être renégociés, nous envisagerons cela également. » – Steven Mnuchin – Samedi 18 mars

Mais comment expliquer ce retournement de veste américain ? La nouvelle administration veut réduire le déficit commercial américain, au plus haut depuis 2012 (502,2 milliards de dollars en 2016), quitte à bousculer les règles établies et à ne pas prendre en compte les besoins et les envies de ses voisins. De plus, le président américain estime que depuis plusieurs années les Etats-Unis « ont été très mal traités par certains pays », c’est pourquoi il a affirmé que « maintenant, c’est fini ».

II – Rappel historique des règles du commerce international depuis la création de l’OMC

Les accords de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) ont été signés en 1994 et sont entrés en vigueur en 1995. Ils servent de cadre multilatéral pour la libéralisation du commerce international.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est une organisation internationale qui s’occupe des règles régissant le commerce entre les pays. Au cœur de l’Organisation se trouvent les accords de l’OMC, négociés et signés par la majeure partie des puissances commerciales du monde et ratifiés par leurs Parlements. Le but est d’aider les producteurs de marchandises et de services, de même que les exportateurs et les importateurs, à mener leurs activités.

L’OMC vient remplacer et compléter le GATT, ou Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (en anglais, General Agreement on Tariffs and Trade), qui est un traité signé à Genève en 1947 par les représentants de 23 nations non communistes.

Le principal effet de cet accord était de constituer une organisation internationale destinée à favoriser l’expansion du commerce multilatéral en assurant une réduction de barrières à l’échange tant tarifaires (droits de douane) que non tarifaires (quotas), mais également de faciliter le règlement des différends commerciaux internationaux.

III – Se dirige-t-on aujourd’hui vers une refonte du commerce international ?

Le message américain est fort, mais dire que ce protectionnisme va se répandre à travers le monde est prématuré. On peut cependant prévoir une sorte de réformisme.

Les réformistes se situent entre les libéraux et les altermondialistes. Pour eux, la mondialisation est bien porteuse de progrès économiques pour tous, à condition qu’elle soit maîtrisée par des institutions de gouvernance mondiale. Ainsi l’OMC aura un rôle important à jouer dans les années à venir. Joseph Stiglitz, dans La grande désillusion (2002), montre que le passage trop brutal au libéralisme est un méfait mais que le passage au protectionnisme serait une réelle catastrophe pour l’économie mondiale et pour le commerce international. Il poursuit sa thèse dans Quand le capitalisme perd la tête (2003), en expliquant qu’au vu de l’histoire, le libre-échange non encadré est une réelle catastrophe, mais qu’il reste une évidence. Il préconise alors, plutôt qu’un protectionnisme globalisé, un libre-échange totalement encadré.

La mondialisation économique doit être impérativement suivie d’une gouvernance politique mondiale. Nous pouvons de plus rappeler que Joseph Stiglitz a reçu le Prix Nobel 2001 pour son analyse sur les asymétries d’information sur les marchés. Pourquoi est-ce important ? Tout simplement parce que cela montre que les marchés sont fondamentalement imparfaits. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre l’Etat et le marché plutôt que de laisser le règne du marché agir. Mais avec cette conclusion, il ne faut pas préconiser un total contrôle de l’Etat sur le commerce international comme le préconisent aujourd’hui Donald Trump et son gouvernement.

Ainsi, il faudrait plutôt s’orienter vers un « juste-échange » plutôt qu’un « libre-échange sans règles ». C’était déjà la théorie de John Rawls qui développait dans Théorie de la justice (1997), que l’Etat doit intervenir pour adopter « des politiques économiques qui améliorent le sort des plus défavorisés« .

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