Pedro Castillo

L’élection présidentielle au Pérou a été plutôt chaotique et s’est effectuée sous fond d’accusation de corruption et de fraude. Mais le 19 juillet, Pedro Castillo, instituteur et syndicaliste, est déclaré vainqueur, soit plus d’un mois après les résultats officiels, avec 50,1 % des voix.

Un mot sur le contexte péruvien

Tu as sûrement vu, grâce aux synthèses d’actualité de Major-Prépa, que la situation au Pérou est très compliquée. Au-delà d’une crise sanitaire, avec plus de 200 morts pour 100 000 habitants pendant le pic, faisant du Pérou le pays le plus touché, c’est dans un marasme politique qu’il s’est enfoncé.

En effet, avec quatre présidents distincts en trois ans, le Pérou a expérimenté un semblant de IIIᵉ République française. En septembre 2020, suite à des enregistrements attestant de sa corruption, le Président Martín Vizcarra connaît une première procédure de destitution, à laquelle il échappe. Toutefois, il ne réchappera pas à une affaire de pot-de-vin en novembre 2020. Il est destitué le 9 novembre, provoquant une vague de manifestations dans le pays !

L’ampleur de ces manifestations et leur répression sont telles que le président par intérim Manuel Merino est contraint de démissionner le 15 novembre 2020. Le 16 novembre, Francisco Sagasti est élu président du Congrès et prend la présidence par intérim jusqu’en juillet 2021, où un nouveau président élu doit prendre place.

La campagne se fait sur fond de révélations qui prennent aujourd’hui le nom de « vacunagate ». L’ex-président Vizcarra est en effet accusé d’avoir utilisé sa position pour recevoir des doses du vaccin chinois et d’en faire bénéficier des personnalités péruviennes alors que le Pérou atteignait des records de mortalité.

Les élections de 2021

Après un premier tour qui a vu le parti fujimoriste Force Populaire perdre plus de 25 % des voix, par rapport à 2016, deux candidats sortent du lot.

Keiko Fujimori

Son nom ne t’est peut-être pas inconnu. En effet, elle est la candidate malheureuse aux élections de 2011 et de 2016, atteignant chaque fois le second tour mais perdant avec près de 49 % des suffrages. Elle est surtout la fille d’Alberto Fujimori, président du Pérou entre 1990 et 2000, connu pour son autoritarisme, sa corruption et sa condamnation à 25 ans de réclusion pour crimes contre l’humanité. Tout cela, sous prétexte de lutte contre Sendero Luminoso, le Parti communiste péruvien devenu organisation terroriste aux yeux de l’Occident.

Elle se veut l’héritière de son père, même dans les affaires : elle est candidate et en même temps condamnée pour corruption. C’est la pandémie de Covid qui lui permet de sortir provisoirement de prison. Elle est d’ailleurs condamnée en mars 2021 à trente ans de prison. L’immunité présidentielle est donc pour elle une opportunité supplémentaire pour se porter candidate.

Pedro Castillo

Lui est beaucoup plus discret, instituteur de formation d’une famille extrêmement modeste, il se fait connaître par son engagement syndical. Notamment, en 2017, lorsqu’une grève nationale, portée par les enseignants, fait vaciller le président Kuczynski. Ces derniers demandant une augmentation de leur salaire et une amélioration des conditions d’enseignement.

Son ascension est singulière. Pedro Castillo est avant tout le candidat du syndicat des professeurs. Ce n’est qu’ultérieurement qu’il est approché par le parti marxiste-léniniste Péru Libre et que l’idée d’une présidentielle se dessine. Son résultat au premier tour surprend (premier avec 18,9 % des voix), ayant mené une campagne dans les territoires sur les thématiques sociales qui lui sont chères. Ses résultats provoquent une levée de boucliers des médias et des milieux d’affaires. Le sol péruvien (unité monétaire au Pérou) chute drastiquement et les élites tentent de convertir leurs économies en dollars.

À la surprise générale, Pedro Castillo est déclaré vainqueur avec 50,12 % des voix au second tour, soit 40 000 voix d’avance, par l’Organe national du processus électoral. Ce résultat fait suite à 10 jours d’incertitude voyant chaque candidat se doubler successivement. La candidate malheureuse, qui s’était auparavant engagée à respecter les résultats, accuse le vainqueur de fraude, notamment dans les régions rurales. Elle engage des actions en justice pour invalider 200 000 bulletins dans ces provinces, sans toutefois apporter de preuves de ses allégations, s’inspirant de Donald Trump.

Le 14 juillet 2021, des partisans de Fujimori tentent de forcer les portes du palais présidentiel et attaquent des voitures de ministres. Finalement, le 19 juillet 2021, elle est contrainte d’admettre sa défaite, faisant de Pedro Castillo le président officiel.

Depuis l’arrivée de Castillo

En plus des thématiques sociales, Castillo avait inclus dans son programme une réforme constitutionnelle incluant la remise en application de la peine de mort. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Il s’avère qu’à peine un mois après sa prise de pouvoir, son parti Péru Libre est mis en examen pour blanchiment d’argent et corruption. Son Premier ministre, Guido Bellido, est notamment visé. Ce dernier est contraint à la démission le 6 octobre 2021, accumulant nombre de controverses : homophobie, apologie du terrorisme, attitude autoritaire au sein même du gouvernement, etc.

D’après les sondages, Pedro Castillo est le président le plus impopulaire pour un début de mandat depuis Fujimori, avec moins de 50 % d’opinions favorables. N’étant pas majoritaire au Congrès, il ne peut engager aucune de ses réformes, devant même s’incliner sous peine de connaître une motion de censure. La seule réforme qu’il a lancée est la réforme agraire, qui faisait partie de son programme. Une réforme « sans expropriations de terres » pour ne pas se mettre à dos les grands producteurs.

Reste à voir si ce dernier finira son mandat sans être renversé. Notons tout de même que Pedro Castillo a atténué sa radicalité depuis octobre 2021. Avec une mise à l’écart de Péru Libre, en plus du Premier ministre Bellido, ce sont sept ministres de Péru Libre qui sont démis. La nouvelle Première ministre Mirtha Vásquez étant d’une gauche plus modérée, son gouvernement a rassuré le Congrès qui a unanimement applaudi la démission de Bellido.