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« On ne peut pas parler de colonialisme chinois, en revanche il est possible de dire qu’elle développe aujourd’hui une forme d’impérialisme économique. Ce qui est sûr c’est qu’elle développe une hégémonie ». Par ces mots, le sinologue Jean-Pierre Cabestan marque bien toute l’ambiguïté de cette relation sino-africaine ; entre impérialisme et hégémonie, entre partenariat économique et liberté politique, entre influence et dépendance. Dans quelle mesure l’implication chinoise est-elle une opportunité pour l’Afrique ? Quel est l’avenir de cette relation ?

La relation sino-africaine : du 15ème siècle aux années 2000

Dès le 15ème siècle, l’Empire du Milieu tourne son regard vers l’Afrique. L’Amiral chinois Zeng He aborde les côtes de l’Afrique orientale entre 1421 et 1422. Au même moment la Chine fait face à des attaques frontalières et l’Empereur décide de recentrer ses efforts sur la Muraille. Le pays opère un pivot, de l’extérieur vers l’intérieur et détruit sa flotte. Sous Mao, la Chinafrique fait ses premiers pays, notamment à travers la participation de la Chine à quelques projets industriels en Afrique. En 1976 est inauguré en Zambie une ligne de chemin de fer désenclavant le pays. C’est le prototype de cette stratégie chinoise : le pays prête de l’argent et envoie 50 000 ouvriers chinois. Dans ce projet gagnant-gagnant la Zambie bénéficie d’infrastructures alors que la Chine fait travailler une partie de sa population et gagne un meilleur accès aux matières premières.

Mais le développement réel des relations Chine-Afrique se fait au début des années 2000. En 2005 se tient le premier sommet Chinafrique à Pékin, sous Hu Jintao. La Chine propose alors aux pays africains de devenir des partenaires commerciaux majeurs. Cela se fait dans le cadre d’un partenariat win-win : le développement pour eux, les matières premières pour la Chine. Dès 2006 le deuxième forum réunit 48 des 53 états africains. En 2018 se déroule le 7ème sommet rassemblant 53 pays et consacrant la pénétration de l’influence chinoise en Afrique. La Chine est devenue le premier partenaire commercial du continent ainsi que le premier investisseur sur le territoire. Xi Jinping promet alors 60 milliards de dollars d’aides nouvelles pour l’Afrique.

Un partenariat présenté comme gagnant-gagnant

En ce sens, la stratégie de Pékin est bien différente de celle de ces confrères américains et européens. La Chine mise en effet sur le commerce et sur les investissements. De leurs côtés les États-Unis misent sur la coopération militaire (en témoignent par exemple les Accords de Camp David) et l’Union Européenne sur le culturel (à travers la francophonie notamment). C’est pourquoi le commerce entre la Chine et l’Afrique a été multiplié par 20 en 20 ans. Mais si la Chine est certes devenue le premier partenaire commercial du continent l’Afrique ne continue de représenter que 4% des investissements chinois. En termes de produits échangés, la Chine achète à 60% des hydrocarbures africaines et 40% de minerais.

Pour les pays africains, ces investissements sont synonymes de grands travaux. 50% des grands chantiers du continent sont contrôlés par les 10 000 entreprises chinoises installées en Afrique. D’ailleurs, les entreprises chinoises remportent 40% des appels d’offre de la Banque Mondiale, du fait de leurs prix en moyenne 40% inférieurs à leurs concurrents. On peut par exemple penser à la rénovation de la ligne de chemin de fer Adis Abeba-Djibouti ou encore à la construction de la plus grande autoroute est-ouest en Algérie, deux projets menés à bien par des entreprises chinoises.

La puissance chinoise en Afrique est de plus en plus marquée, au détriment parfois des puissances anciennement présentes. En effet, signe du tournant chinois, certains grands groupes historiques ont perdu leur influence en Afrique. Bolloré, historiquement implanté en Afrique de l’Ouest a perdu un vaste projet de 3 000 kilomètres de voies ferrées qui devaient relier Cotonou à Abidjan, confié à une entreprise chinoise. En outre, les échanges sino-africains sont maintenant deux fois plus élevés que les échanges franco-africains. Finalement, la Standard Bank est devenue un exemple de Chinafrique. Créée en 1882, la première banque d’Afrique était historiquement une filiale (Standard Bank of South Africa) du groupe britannique Standard Bank. Aujourd’hui la banque chinoise ICBC est premier actionnaire, détenant 20% du capital.

La stratégie chinoise connaît ses premiers déboires en Afrique 

Tout d’abord car aujourd’hui un très grand nombre de pays africains dépendent de plus en plus de la Chine pour leurs budgets ou alimenter leur croissance. En témoigne l’effondrement en 2008 du cours du cuivre en Zambie car Pékin avait sans préavis suspendu ses investissement dans le secteur.

L’autre risque qui ne cesse de grandir est celui de l’ampleur de la dette publique africaine. Ainsi, depuis le début du siècle l’endettement moyen public des états africains est passé de 35% du PIB à 50%. La Chine reste le premier pourvoyeur de capitaux en Afrique ce qui contribue à faire gonfler cette dette publique.

Finalement, certains états cherchent à se dégager de la dépendance vis-à-vis de Pékin. Tout d’abord car cette dernière nourrit des débats politiques. Au Kenya par exemple, l’opposition au pouvoir en place lui reproche d’avoir trop fréquemment misé sur la Chine. De plus, certains pays se tournent de nouveau vers des partenaires historiques. C’est le cas de l’Ouganda qui en 2017, alors que le pays était proche de la Chine, confie 2/3 de l’exploitation de nouveaux gisements pétroliers à Total alors que CNOOC n’obtient que le tiers restant.