dissertation de géopolitique

Nous avons sollicité Anne Battistoni-Lemière, professeur de géopolitique au lycée de Michelet de Vanves, pour vous proposer une méthodologie détaillée de la dissertation de géopolitique d’HGGMC. A noter que le sujet retenu “enjeux énergétiques, croissance et développement durable” a été traité AVANT que la crise sanitaire actuelle prenne l’ampleur que nous lui connaissons aujourd’hui. Bon visionnage !

Le script

Voilà un sujet avec une formulation à la fois classique et qui pose régulièrement des problèmes aux étudiants. Trois mots à relier entre eux, dont l’ordre a son importance.

Le premier terme est l’acteur du processus à étudier.

Prenons cet exemple avec deux termes :  la mondialisation et l’Afrique n’est pas le même sujet que l’Afrique et la mondialisation. Dans le premier cas, l’analyse est centrée sur l’impact de la mondialisation sur l’Afrique , dans le second sur le rôle de l’Afrique dans la mondialisation.

Notre sujet …. nous amène donc à nous interroger : quels sont les impacts des enjeux liés à l’énergie sur la croissance et le développement durable ?

Pour autant , l’exprimer ainsi n’est pas du tout poser une problématique, ce que certains font encore l’erreur de penser. Allons plus loin.

Je vous propose une méthode d’analyse de cette dissertation de géopolitique en 5 étapes.

1ere étape : De quoi parle -t-on ?

La définition des termes est une étape clé, qui devrait figurer de la manière la moins scolaire/la moins linéaire possible dans l’introduction
L’énergie est la propriété d’un système physique capable de produire du travail. Une force en action. Sans énergie, pas de révolution industrielle, c’est l’élément indispensable à toute production.

Les enjeux énergétiques vont permettre d’étudier ce que l’énergie va permettre ou pas, ce qu’elle conditionne.

La croissance, sans plus de précision désigne la croissance économique, traditionnellement mesurée par le PIB.

Le développement durable est à la fois le développement, c’est-à-dire une croissance dont les fruits profitent à l’ensemble de la population dont le niveau de vie progresse et le concept de développement durable, depuis le rapport Bruntdland de 1987 désigne la capacité de répondre aux besoins des populations actuelles tout en permettant celui des générations futures.

Rien de difficile dans ces définitions, même si le terme énergie est souvent mal défini cela dit. Définir les mots vous permet en effet de saisir les thèmes, le sujet d’étude. Ce n’est que la première étape. Cherchez les interactions entre les termes permet d’en saisir la problématique.

2e étape : Quel est l’intérêt de ce sujet ? son objet ?

Vos connaissances mobilisées doivent vous permettre d’avoir quelques pistes, idées sur le sujet.

Il n’y a pas de croissance sans énergie. Or la population mondiale augmente rapidement, ( 7, 7 mds, 9,7 mds en 2050) la production doit croître pour faire face aux besoins de pays en développement qui recherchent une croissance forte ( le mirage des 10 % de la croissance chinoise) pour sortir leurs populations de la pauvreté.  Il faut donc fournir au monde l’énergie dont il a besoin pour connaître une croissance forte, outil au service du développement ( de l’amélioration de la richesse de la vie humaine – Amartya Sen)

Mais la consommation croissante d’énergie a un impact sur les émissions de GES, ponctionne les ressources fossiles, elle compromet donc le développement durable. L’énergie est ainsi une donnée centrale pour comprendre l’anthropocène. L’historien J.B. Fressoz auteur de L’événement Anthropocène propose même le terme de capitalocène. Le capitalisme est régi par des analyses de court terme, il accapare les bienfaits de la terre, et externalise les dégâts environnementaux  qui seront payés par les générations futures.

On tient là un paradoxe structurant, une équation difficile : l’énergie est indispensable pour accroître la production, mais sa consommation croissante augmente les risques pour l’avenir de la planète.  Peut-on résoudre cette équation ?

3e étape : Dimensions du sujet

La dimension historique est facile à appréhender. L’énergie a été une question stratégique depuis les premiers temps de la révolution industrielle, en 1928 les accords d’Achnacarry permettent aux Majors de garantir une énergie bon marché facilitant la croissance. on pourra évoquer les Trente Glorieuses, la conscience des impacts négatifs de l’augmentation des GES apparaît surtout dans les années 1970 ( rapport Meadows, Sommet de Stockholm) le GIEC ne date que de 1988, le protocole de Kyoto de 1997 etc. On pourra s’interroger sur le fameux Peak oil : à quel date la production pétrolière aura-t-elle atteint son maximum ? la production des hydrocarbures non conventionnels redistribue en permanence les cartes.

L’actualité peut être mise à profit. Ne jamais l’oublier, elle vous aide à problématiser et vous fournit l’accroche de votre introduction…

Vous pouvez utiliser des données récentes sur le marché pétrolier, perturbé en ce moment par le ralentissement chinois et la production américaine croissante. Vous pouvez aussi évoquer les enjeux majeurs de la COP 26 à Glasgow en novembre prochain…

Tout sujet à une dimension géographique, qui vous conduira à changer d’échelle. Ici ce sujet global nécessite moult exemples régionaux. Un pays comme l’Union Indienne vous offre une très bonne illustration de cette équation difficile : quelle politique énergétique peut permettre au pays de répondre à ses besoins économiques et de préserver les conditions de vie des générations présentes et futures alors que les villes indiennes sont au palmarès des villes les plus polluées et que le pays subit les effets du réchauffement climatique ?

Le sujet a toujours une dimension économique. Il existe un marché mondial de l’énergie, en tous les cas pour les énergies fossiles, le pétrole au premier plan…La question du fonctionnement de ce marché, le prix de l’énergie est central. Une énergie bon marché favorise en effet la croissance, une énergie chère est donc souhaitable pour favoriser la transition énergétique, afin d’aller vers un développement durable avec une croissance plus économe.

La dimension géopolitique peut sembler moins présente dans le sujet. Pourtant posez vous toujours la question : n’implique-t-il pas des rivalités, des rapports de forces ? L’énergie est source de puissance pour celui qui la détient – c’est un autre sujet- , vouloir limiter l’usage des énergies fossiles au nom des impératifs de la lutte contre le réchauffement climatique est créateur de tensions. Pensez à l’Europe ( la Pologne refusant un objectif de neutralité carbone en 2050 pour l’Union), à Narendra Modi qui demande aux pays du Nord la « justice climatique »… Les logiques de court terme ( défense du King Coal par Trump) se confrontent aux objectifs climatiques.

4e étape : La problématisation du sujet

Elle gagnera à s’appuyer sur un ou deux chiffres clés ; une ou deux références…

Le mix énergétique mondial dispose d’une composition de 85 % d’énergies fossiles ( 34 % pétrole, 23 % gaz et 28 % charbon).

Et la consommation énergétique a augmenté de 67 % entre 1990 et 2015

une ou deux références :

 

L’insoutenabilité du système énergétique mondial apparaît ainsi moindre que sa résilience. Cette contradiction entre l’insoutenable et le résilient est sous-jacente à toutes les filières qui le constituent.

Une histoire de l’énergie . ( Debaier…) 2012

La croissance économique est la religion du monde moderne.

  1. Cohen, Le monde est clos et le désir infini. 2015

Mettre en valeur le paradoxe initial :

Alors qu’il n’y a pas de croissance sans énergie, comment empêcher que l’inéluctable hausse des besoins en énergie ne se traduise par des risques majeurs pour la planète empêchant un développement durable ?

5e étape : Le plan de la dissertation de géopolitique

Il découle directement de l’hypothèse de travail. La troisième partie doit boucler la réponse à la question posée.

1 – L’énergie est indispensable à la croissance économique, elle est donc un nécessaire levier de développement.

(partie intégrant de solides rappels historiques)

2 – Le système énergétique actuel, sollicité pour permettre la croissance est incompatible avec le développement durable.

( partie axée sur une approche plus géographique et économique des ressources et du mix énergétique,  avec des exemples précis comme la Chine bien sûr)

3 – Il faut une transition énergétique pour concilier croissance et développement durable. Cependant, notre système énergétique est aussi insoutenable que résilient. En cause un capitalisme mondialisé qui impose ses logiques prédatrices ( J.B. Fressoz).

En complément de cette analyse de la dissertation de géopolitique d’HGGMC, nous te proposons de découvrir ici les annales des dissertations de culture générale.