Drapeau Arabie Saoudite

En 2007, Youssef Courbage et Emmanuel Todd écrivaient dans Le Rendez-vous des civilisations : « le choc des civilisations n’aura pas lieu. C’est un puissant mouvement de convergence à l’échelle planétaire qui se profile, le monde musulman n’échappe pas à la règle ». Pourtant, cet adage semble loin d’être applicable à l’Arabie Saoudite, géant musulman et à son voisin l’Iran. En effet, ces deux puissances moyen-orientales s’affrontent aujourd’hui pour s’affirmer comme leaders de la zone. Et si une véritable guerre n’est pas encore d’actualité, les retentissements dans les pays voisins sont nombreux. Est-ce à dire alors que ce conflit déterminera l’avenir du Moyen-Orient ?

Iran et Arabie Saoudite : « guerre impossible, paix improbable ».

En effet, les deux pays cherchent à devenir le leader régional. L’armement généralisé du Moyen-Orient contribue d’ailleurs aux tensions croissantes. L’Arabie Saoudite est la troisième puissance militaire mondiale et premier acheteur d’armes. En face, l’Iran continue sa course au nucléaire, combattue par le groupe P5+1.

Les tensions entre les deux pays ont parfois engendré des affrontements : en 2016 un haut dignitaire chiite iranien est exécuté par l’Arabie Saoudite. Il avait été la figure de proue d’un mouvement de contestation contre la dynastie sunnite des Al-Saoud, qui avait éclaté en février 2011 à la suite des soulèvements arabes. En réponse, des manifestants iraniens perpétuent une attaque contre l’ambassade saoudienne à Téhéran et le consulat à Merchhed. Ils pénètrent à l’intérieur du bâtiment, enlèvent et brûlent le drapeau saoudien, cassent les équipements et pillent le contenu. Ces attaques conduisent à une coupure totale des relations entre Riyad et Téhéran.

Outre ces attaques directes, les deux puissances s’affrontent sur des terrains de bataille extérieurs. C’est le cas notamment au Yémen où l’Arabie Saoudite soutient le gouvernement de Hari contre les Houthis Zaydistes soutenus par l’Iran. Les deux pays prennent ainsi part à la guerre civile qui a fait jusqu’ici plus de 100 000 morts, dans un pays ou environ 21 millions de personnes sur 26 millions ont besoin de l’aide humanitaire.

Plus encore que le futur du Moyen-Orient, ce conflit détermine du moins son présent et ses enjeux.

En effet, plus qu’un conflit politique c’est un conflit religieux entre 2 idéologies. L’Arabie Saoudite est sunnite alors que l’Iran est le cœur chiite de la zone (90% de chiites). C’est d’ailleurs l’interventionnisme iranien (combattants iraniens en Syrie et au Yémen par exemple) qui donne corps à la crainte du Roi Abdallah II de Jordanie lorsqu’il définit la notion d’Arc Chiite.

En outre, la stabilité de la zone dépend de leurs relations. Les démonstrations de force impactent les pays voisins : en 2019 l’Iran saisit deux pétroliers britanniques (le British Heritage et le Stena Impero) et un pétrolier irakien (ce qui impacte le détroit d’Ormouz).

Quel avenir pour ce conflit ?

Le risque d’escalade semble atténué par la peur de la guerre. L’Iran garde un souvenir douloureux du conflit avec l’Irak alors que l’Arabie Saoudite prône une volonté de renouveau, notamment avec le Prince Mohammed Ben Salmane.

De surcroît, les États-Unis cherchent à limiter la possibilité d’un conflit. En effet, Ryiad et Washington sont interdépendants notamment dans le cadre des échanges de pétrole. C’est pourquoi d’un côté les États-Unis cherchent à diminuer leur dépendance et à produire de plus en plus d’énergie avec le gaz de Schiste, et de l’autre ils cherchent à apaiser leurs relations avec l’Iran. En septembre 2019, le conseiller à la sécurité nationale est limogé car partisan de la ligue contre l’Iran.

Finalement, le conflit entre les deux pays aurait un impact majeur sur le reste du monde. Il pourrait notamment conduire à un blocage du détroit d’Ormouz (faisable avec seulement 2 tankers), par lequel passe 40% du pétrole mondial. Il pourrait également impacter les exportations d’hydrocarbures des deux pays vers le reste du monde : l’Arabie Saoudite est le premier producteur (13% de la production mondiale) et 80% des exportations de l’Iran sont des hydrocarbures.

Ainsi, si le conflit entre l’Iran et l’Arabie Saoudite semble peu enclin à dégénérer en une guerre et ressemble plus à une Guerre Froide Moyen-orientale, ses impacts sont néanmoins indéniables, tant à l’échelle régionale qu’à l’échelle mondiale.