Il ne fait aucun doute que le football soit géopolitique ! En 2018, la France est championne du monde. Un joli titre qui unit la nation et qui renforce un soft power déjà bien solide. Ce titre, la France l’avait déjà obtenu en 1998, une victoire qui a tout fait basculer. Avant la France était loin d’être un pays de football. En effet, il était un sport moins noble que le rugby, entre autres, dans l’esprit des Français. Mais l’image a évolué avec le discours de classe. En 1998 on salue l’équipe «Black-Blanc-Beur». Aujourd’hui encore aussi d’une certaine façon.

Indéniablement, le football, comme tout sport, est un terrain symbolique ; il reflète les tendances sociales donc, mais aussi économiques en devenant un réel marché mondialisé, et bien évidemment géopolitique. C’est ce dernier point que nous illustrerons.

La mondialisation est centrale pour la géopolitique, le football en traduit l’apparition

Revenons tout d’abord sur la naissance d’une compétition internationale.La FIFA est paradoxalement créée en 1904 par un journaliste français –Robert Guérin- et sept pays membres. Il faudra néanmoins attendre 1930 pour que soit organisée la première Coupe du Monde de football.  Elle se déroule en Uruguay. On notera que plusieurs pays européens en avaient fait la demande. Mais la FIFA a préféré confier l’organisation au pays vainqueur des JO. Treize pays participent à cette première édition –beaucoup de pays refusant de faire la traversée en bateau- dont la France, les Etats-Unis et le Brésil. L’Uruguay sort vainqueur.

Les horaires adaptés aux médias occidentaux à forte audience dès leur développement dans les années 1970 sont révélateurs. L’internationalisation renforce l’intérêt des médias et de leurs auditeurs pour les évènements internationaux, en particulier dans les pays les plus ouverts aux échanges commerciaux, entre autres, les pays d’Europe de l’Ouest. Ainsi en 1970, la finale de la neuvième édition se déroule à Mexico mais, malgré les conditions climatiques, est programmée à midi pile. Elle oppose l’Italie et le Brésil –sacré champion du monde de cette édition. On notera que les traditions politiques ont une forte influence sur le jeu des équipes nationales. Ce n’est pas un hasard si ce sont les ouvriers anglais qui soutiendront  le style de jeu « terrain vague » et populaire du Brésil, alors qu’il était vivement critiqué par les Allemands, formés selon un modèle institutionnalisé et très académique.

Les tensions et conflits font la géopolitique et se sont eux aussi internationalisés

Les matchs en ont été le symbole à différents moments de l’histoire

On pourra penser à la guerre des cent heures en 1969 qui a opposé le Honduras et le Salvador, mais aussi à l’affrontement, sur le terrain, de la RFA -République Fédérale d’Allemagne- et de la RDA -République Démocratique d’Allemagne- lors de la Coupe du Monde de 1974. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale –et surtout depuis la création des deux Allemagnes, après 1949- s’affrontent ainsi l’Est et l’Ouest du pays alors que la Guerre Froide bat son plein. Dans un premier temps on pense que l’Allemagne de l’Ouest va gagner, mais c’est l’Est qui triomphe. À une époque où idéologies capitaliste et socialiste s’affrontent, les socialistes y voient un symbole de l’insuffisance du capitalisme. Finalement l’Allemagne de l’Ouest –pays hôte de la compétition- se qualifie et remporte la finale.

Le terrain est aussi un lieu où se sont exprimées les tensions entre Palestine et Israël. L’existence même de la Palestine faisant débat, la reconnaissance de son équipe par l’institution officielle de la FIFA n’était pas évidente. Des joueurs Chiliens choisirent de jouer en arborant un maillot avec en guise de chiffre « 1 ». Une carte de la Palestine aux frontières conformes à celles revendiquées avant le tout premier découpage établi par l’ONU. Un message hautement politique qui n’a pas été du goût de l’Israël, si bien que le premier ministre avait demandé des sanctions à l’égard des joueurs chiliens.

Politique et soft power sont des paramètres cruciaux en géopolitique, à leur service, le football

N’en déplaise à la Chine qui souhaitait affirmer sa puissance à sur et à travers le terrain, cette année la Coupe du Monde aura tout particulièrement profité aux puissances française et russe. Certains acteurs, l’Angleterre en première ligne, avaient appelé au boycott de la cérémonie. Elle s’est finalement bien déroulée. Attirant des regards amicaux sur la Russie, et ce après des épisodes tels que celui de la Crimée, et de l’empoisonnement d’un journaliste qui avaient fortement terni l’image du pays.

L’importance du pouvoir que génère un tel événement avait été pressentie par l’Italie fasciste dans les années 1930. Ironiquement, alors que le football a contribué à redorer son image * –l’Italie remporte la Coupe du Monde de 1930 puis de 1934 et dans les tribunes, même les supporters français font le salut fasciste avec les joueurs italiens- l’Italie fasciste s’est méfiée du football. Elle en interdira même la pratique et tentera de promouvoir un sport hybride pour fédérer la nation : la “Voleta”. Selon elle, football encourageait le campanilisme et donc la division de la nation.

De façon plus contemporaine, le stade reste un lieu de «propagande» et le vecteur de messages politiques. Le cas de la catalogne est emblématique. Elle souhaite son indépendance et le sujet a été particulièrement brûlant ces dernières années. Si le stade de Barcelone rappelle que le Barça est plus qu’un club de football, sous-entendu que le Barça est la nation, ces dernières années, le drapeau indépendantiste catalan –l’estelada–  a souvent été brandi lors des matchs. Lorsque les matchs étaient diffusés à l’étranger, les messages portés par certains supporters étaient écrits en anglais –« Catalonia is not spain » par exemple- afin d’être compris par l’ensemble de l’audience. Mais ce n’est pas tout, Jacques Chirac embrassant le crâne de Fabien Barthez, Emmanuel Macronphotographié euphorique lors de la finale, la présidente croate filmée plaisantant avec l’équipe française… la proximité avec les joueurs de football est devenue un moyen d’insuffler une image positive. Les chefs d’état l’utilisent allégrement.

Conclusion

Le football est ainsi très révélateur en géopolitique. Le terrain devient un lieu d’affrontement symbolique et parfois-même bien réel entre nations. Son marché internationalisé évolue avec la mondialisation économique globale. De grands acteurs tels que Coca-cola, partenaire de la Coupe du Monde de 1975, sont désormais impliqués. Le football est aussi une carte maîtresse en matière de soft power. Que ce soit par l’organisation d’évènements internationaux qui attirent touristes et attention médiatique ou par le prestige de gagner de tels évènements. C’est ainsi que le Qatar a pu obtenir une reconnaissance internationale. En effet, sa seule « puissance » démographique et sa richesse n’auraient pas permis d’accéder.

* en 1970 Jean-Marie Brohm et Marc Perelman publiaient Le football, une peste émotionnelle , dénonçant le potentiel d’utilisation du football pour la maîtrise des foules

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