migrations

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La dissertation : « Les migrations internationales, chance ou menace ? »

Introduction

Jacques Chirac, l’ancien Président français, déclarait : « En 2040, les Africains inonderont le monde. » Ainsi les potentielles migrations venant du continent africain étaient déjà considérées à l’époque comme une menace, comme en témoigne l’usage du verbe péjoratif inonder, pour certains dirigeants politiques. Aujourd’hui encore cette vision des migrations internationales, c’est-à-dire des déplacements, définitifs ou de longue durée (le tourisme est exclu), d’un individu ou d’un groupe d’individus d’un pays à l’autre à l’échelle mondiale, est très présente dans les politiques opérées par les dirigeants de nombreux États. Les migrations internationales sont perçues comme un facteur de déstabilisation pour les États puisque l’afflux conséquent d’individus étrangers pourrait bouleverser l’ordre et la stabilité au sein de ceux-ci ainsi que leurs logiques de développement.

Pourtant, cette conception plutôt négative des migrations internationales est fortement contestée par d’autres penseurs qui envisagent les migrations comme une opportunité, voire une chance pour les États, puisque ces derniers pourraient tout à fait s’appuyer sur ces premières afin de répondre et faire face à certaines problématiques actuelles telles que le vieillissement de la population. L’historien français Gérard Noiriel prétend en effet que « l’Europe est démographiquement déprimée et qu’elle a besoin de l’immigration ». En outre, le découplage entre États récepteurs de flux migratoires qui seraient fondamentalement opposés à ceux-ci et les États émetteurs de flux migratoires qui seraient incapables de les contrôler doit être dépassé afin d’appréhender la manière dont les migrations internationales peuvent être intégrées à des politiques d’État s’inscrivant dans le développement et la volonté de puissance de certains pays.

 

Problématique

Le problème est alors de savoir si les migrations internationales représentent une opportunité en s’inscrivant dans des stratégies et des politiques d’État totalement maîtrisées et calculées, ou bien si les migrations internationales sont en réalité des éléments de déstabilisation que les États subissent puisque celles-ci sont incontrôlables.

 

Plan

Les migrations internationales sont un phénomène ancien qui s’intensifie et met au défi les États (I), ce qui génère des appréhensions différentes de celles-ci avec une ambivalence entre des pays réticents aux migrations et à leur utilisation menant des politiques souveraines de protection (II) et d’autres pays où les migrations jouent un rôle crucial dans les stratégies de puissance des États.

 

Partie I

Les migrations internationales sont un phénomène ancien (A) qui prend de l’importance dans la deuxième partie du XXe siècle avec l’accélération du processus de mondialisation et le développement de la technologie (B) et semble essentiellement géré par les États au détriment de la gouvernance mondiale (C).

Les migrations internationales ne sont pas un phénomène propre au XXIe siècle, elles ont toujours existé, ce qui a laissé place à de nombreux flux massifs d’humains au cours des siècles. Ainsi, au XIXe siècle, par exemple, des millions d’Européens, principalement des Irlandais, Siciliens et Allemands, sont partis s’installer en Amérique comme l’illustre l’envergure des communautés européennes aux États-Unis ou même en Argentine. Ces flux de migrations n’étaient pas perçus à l’époque comme des menaces pour les États et ils pouvaient même constituer de véritables apports, étant donné que les Européens apportaient leur savoir et d’autres contributions significatives, notamment certaines avancées technologiques, issues de leur pays d’origine. C’est principalement au XXe siècle qu’un tournant s’opère et que les migrations ont été limitées, notamment aux États-Unis avec un quota temporaire en 1921, puis un quota définitif en 1924. Des politiques sélectives sont mises en place pour privilégier les apports, notamment l’utilisation de travailleurs étrangers comme main-d’œuvre, aux aspects négatifs tels que les difficultés d’intégration des migrants.

Cette sélectivité s’est largement intensifiée à la fin du XXe siècle puisque le processus de mondialisation a contribué à mettre en concurrence les pays, favorisant ainsi la disparité des richesses au sein des territoires et la mise en place d’une hiérarchisation de ceux-ci. Ces inégalités ont donc engendré de nouveaux flux migratoires pour répondre à des attentes économiques. De plus, le développement de la technologie ainsi que la numérisation des informations ont participé à la fois à mettre en lumière les flux migratoires partout dans le monde, ceux-ci n’ayant pas une si grande visibilité jusqu’alors, et de nourrir l’imaginaire de certains migrants. De même, la réduction des temps et du coût des transports est à l’origine de la fluidification des migrations internationales, étant donné que le passage d’une frontière à l’autre est plus accessible, remettant ainsi en question l’intangibilité des frontières.

Dès lors, les États ne peuvent pas négliger l’accroissement de ce phénomène. Bien que certains acteurs interrogent la capacité des États à gérer ce phénomène majeur, comme ce fut le cas de la politologue française Catherine Wihtol de Wenden dans son livre La Globalisation humaine. Il s’avère que les politiques migratoires sont avant tout des politiques d’État souverain, ce que désigne Stephen Castles en les nommant « bastion de la souveraineté ». Les tentatives d’approche des questions migratoires sous forme de gouvernance mondiale semblent difficiles à mettre en place, puisque c’est l’État qui contrôle ses frontières et il semble inenvisageable que ce pouvoir régalien soit remis en cause comme l’explique Michel Foucher dans L’Obsession des frontières. En outre, les solutions proposées par les institutions comme le Haut Commissariat des Réfugiés, afin de réguler les migrations, sont partielles puisque le HCR ne dispose en réalité pas de pouvoir coercitif.

 

Transition

Il apparaît donc que l’appréhension et la gestion des migrations internationales sont des questions inhérentes à l’État. Les migrations internationales peuvent être perçues dans un premier temps comme invasives et déstabilisatrices par les États sur le plan diplomatique (A), social (B) ainsi que sécuritaire (C).

 

Partie 2

Les relations diplomatiques des pays européens se sont largement dégradées, du fait de la déstabilisation engendrée par les crises migratoires. En effet, celle-ci est facteur d’opposition entre les pays de l’Union européenne comme le montre le décalage entre les discours d’Angela Merkel en 2015, qui déclarait : « Wir schaffen das! » concernant l’accueil de plus de 800 000 Syriens, tandis que le Premier ministre italien, Matteo Salvini, affirmait en 2018 : « Nous ne serons plus le camp de réfugiés d’Europe. » Les migrations constituent une menace pour l’unité des pays de l’Union européenne. Les pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Slovaquie et République tchèque) s’opposent aux migrations puisque ce sont eux qui subissent le désordre généré par l’afflux des migrants, qui se dirigent vers les pays attractifs, du fait de leur localisation géographique en zone tampon. Ces pays sont déstabilisés par le simple passage des migrants et cela peut être à l’origine de tensions diplomatiques comme cela avait été le cas en 2016 lorsque 180 000 migrants sont arrivés sur le territoire italien et que l’Italie a reproché alors aux autres pays européens la fermeture de la route des Balkans.

De plus, les migrations peuvent bouleverser les États de l’intérieur en créant des divisions sociales. En effet, certaines politiques populistes instrumentalisent la peur des migrations d’une partie de l’opinion publique à travers ce qu’Amartya Sen nomme « miniaturisation de l’individu ». La montée du populisme en Europe illustre ce phénomène, particulièrement en France où certains politiques instrumentalisent la théorie du « Grand Remplacement » de Renaud Camus. En outre, l’intégration complexe de certains immigrés qui se retrouvent marginalisés et en situation de précarité contribue à renforcer la vision négative de ces migrations. Au début des années 1970, c’est ce qui poussera Valéry Giscard d’Estaing à mettre un terme aux migrations du travail en France.

Enfin, les migrations internationales constituent une menace du point de vue sécuritaire pour les États. En effet, les flux migratoires peuvent permettre aux groupes terroristes d’insérer des combattants dans ces flux afin de s’y camoufler, puisqu’ils deviennent moins détectables. Certains attentats commis en Europe avaient ainsi été réalisés par des terroristes s’étant insérés dans les flux de réfugiés syriens. Cette menace a d’ailleurs remis en cause la liberté de circulation promue par l’espace Schengen en Europe. Certains pays ont pris des initiatives face à ce phénomène en menant des politiques de contrôle des migrations grâce à la « barriérisation » comme ce fut le cas en Israël, en 2002, avec la construction d’une barrière avec la Cisjordanie après les attentats palestiniens, ou encore même le cas de l’Inde qui a construit un mur sur 4 000 km  entre l’État d’Assam et le Bangladesh afin de répondre à un besoin sécuritaire.

 

Transition

Pourtant, l’Inde ne semble pas percevoir les migrations uniquement comme invasives puisqu’elle mène des politiques stratégiques grâce à celles-ci. Il est donc fondamental de constater l’ambivalence de certains États quant à la gestion des migrations. Les migrations internationales s’inscrivent dans des stratégies d’État, ce que l’on peut constater avec les bénéfices de l’implantation de ressortissants dans d’autres pays (A), ainsi que les pressions exercées en recourant à la menace migratoire (B), ou même l’accueil des migrations pour répondre à des intérêts économiques et démographiques (C).

 

Partie 3

Certains pays disposent de diasporas conséquentes et influentes aux quatre coins du globe, ce qui favorise leur développement. En effet, les flux financiers entre les diasporas et les pays d’origine, c’est-à-dire les remises, sont très importants. En 2017, ces remises s’élevaient à hauteur de 6 000 milliards dans le monde et certains pays en sont presque intégralement dépendants, notamment le Népal puisque les remises représentent environ 30 % de son PIB. En outre, lorsque la Chine s’est ouvert économiquement au monde avec la mise en place de ZEE, c’est la diaspora chinoise qui représentait 70 % des investissements, ce qui a facilité la croissance du pays. De même, la diaspora indienne dispose d’une influence croissante dans certains pays. La présence de plus de 3,2 millions d’Indiens aux États-Unis, plus particulièrement au sein de la ville de San Francisco, avec des postes à hautes responsabilités,  illustre bien le rayonnement de l’Inde par le biais de sa diaspora.

Les migrations peuvent s’inscrire dans la volonté de puissance des États en devenant des moyens de pression considérables. Certains États peuvent en effet menacer les pays récepteurs des flux migratoires en jouant sur la menace qu’ils peuvent représenter si ceux-ci ne sont pas contrôlés. C’est de cette façon que le Maroc exerça une pression sur les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla afin d’obtenir des concessions diplomatiques de l’Espagne, c’est-à-dire des avancées dans la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental au détriment du Front Polisario. Ce phénomène de pression migratoire avait aussi été utilisé par le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko en 2021 contre l’Union européenne. De plus, certains pays bénéficient d’aide économique afin de gérer les flux migratoires sur leur territoire. Or, cette rente économique n’est souvent pas utilisée en vue de cet objectif, comme on peut le constater avec l’exemple de la Libye. Celle-ci était accusée de détourner la contribution économique de l’Union européenne pour la formation de gardes-côtes.

Enfin, certains pays s’illustrent par la régulation des migrations pour répondre uniquement aux intérêts de l’État. Les pays du Golfe, par exemple, utilisent la migration pour répondre à leur besoin de main-d’œuvre sans pour autant accorder de visas. À Singapour, les migrants sont expulsés lorsqu’ils perdent leur travail, c’est une vision uniquement pragmatique des États qui font primer leurs intérêts économiques. Outre le plan économique, les migrations peuvent être perçues comme une solution face au vieillissement démographique, une problématique actuelle comme le rappelle cette affirmation d’Alfred Sauvy : « Le XXIe siècle est un siècle de vieillissement démographique. » L’Allemagne, pays en dessous du seuil de renouvellement des générations avec seulement 1,3 enfant par femme, s’est ainsi appuyée sur les migrations en 2015 pour faire face à ce défi. Il existe bien d’autres stratégies de pays afin de tirer profit des migrations internationales. Les États-Unis mènent par exemple une politique d’attraction des jeunes étudiants talentueux, phénomène du « Brain Drain », afin de perpétuer l’influence et le rayonnement du pays. Cependant, l’ambivalence vis-à-vis des migrations est encore constatable puisque les États-Unis sont conscients des risques que peut générer l’afflux conséquent d’une migration non sélective, comme l’illustre le renforcement du Security Force Act par Donald Trump en 2018.

 

Conclusion

Les migrations internationales nécessitent donc d’être appréhendées de manière ambivalente puisque celles-ci peuvent à la fois constituer des défis non négligeables et des opportunités primordiales selon les prismes abordés. Il convient donc de dépasser la dialectique simplifiée de menace et de chance. Une chose est certaine, la sélectivité des États vis-à-vis des migrations tend à s’accentuer à l’avenir. Il est donc fondamental de s’intéresser aux futurs enjeux de cette sélectivité sur les rapports de force entre les États et aux enjeux d’une réponse globale aux défis migratoires, qui s’accentueront notamment avec les conséquences du réchauffement climatique, qui ne nierait pas la souveraineté des États.

 

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