industrialisation

Pour une copie réussie, tu dois nécessairement faire une sous-partie historique, notamment au début de ta première partie. Elle te permet de poser les bases du sujet et de mieux appréhender son évolution au cours du temps. Cette dissertation étudie l’histoire du progrès technique, de l’industrialisation et de l’essor du capitalisme du XVIIIe au XXe siècle.

 

Introduction

Le XIXe siècle est celui de la « Révolution industrielle » ou des révolutions industrielles (la première démarrant à la fin du XVIIIe, la deuxième à partir des années 1880). C’est le siècle de la vapeur et du rail, du machinisme, des premiers grands capitaines d’industrie, de l’essor du capitalisme.

Les historiens estiment cependant que le terme « industrialisation » est encore mieux adapté, car il « s’entend comme un processus à double caractéristique. D’abord, […] il ne désigne pas la seule phase de démarrage de la Révolution industrielle, mais l’ensemble du processus. Ensuite, […] il se définit par des transformations de la totalité des structures économiques et sociales et ne se limite pas aux mutations de la seule industrie ».

En effet, le terme de révolution est ambigu ; il désigne un changement profond et rapide. Or, cette révolution économique ne s’est pas faite en un jour. Elle correspond à une lente évolution plus qu’à une révolution qui débute avec les transformations technologiques dans les industries cotonnière et métallurgique anglaises au XVIIIe siècle. En revanche, la notion de révolution traduit bien l’ampleur des changements : le nouveau mode de production industrielle consiste en un changement général d’échelle dans :

  • l’importance des investissements en capital fixe ; la diffusion de biens d’équipement dans les entreprises, dont les machines surtout ;
  • le développement des technologies en grappes (Schumpeter), avec effets d’entraînement. L’industrialisation implique en effet un lien de plus en plus étroit entre la science et les techniques de production. Dans un premier temps, les innovations sont le fait d’inventeurs de génie relativement isolés. À partir du milieu du XIXe siècle, selon la formule de D. C. North (1981), c’est le « mariage de la science et de la technologie » qui constitue une révolution économique en multipliant les innovations, donnant l’impression d’une « avalanche technologique » (J. Mokyr) ;
  • l’extension du marché national et l’ouverture à l’international avec recherche de spécialisation ;
  • le passage du domestic au factory system, avec la multiplication des usines introduisant un profond changement des modes de vie et des paysages. L’industrialisation se caractérise par l’augmentation de la taille des entreprises et un processus continu de concentration ;
  • la naissance de nouvelles élites sociales liées à la possession du capital au lieu de la terre ;
  • l’émergence de puissances modernes, à la fois technologiques et industrielles.

 

I – Les multiples déterminants de la révolution industrielle

A. L’essor des marchés nationaux et internationaux donne une impulsion décisive à la révolution industrielle

Une première internationalisation des échanges naît des Grandes Découvertes et du grand commerce colonial. Une origine lointaine de la Révolution industrielle est indéniablement le renouveau des échanges dû au développement de la vie maritime depuis les Grandes Découvertes jusqu’à la création des premiers empires coloniaux qui procurent à l’Europe des métaux précieux dont le commerce a besoin.

L’ère des « fabuleux métaux » s’ouvre en effet pour l’Europe à partir du XVIe siècle : des flux considérables d’or et d’argent sont extraits des mines des pays neufs (Mexique, Pérou, Brésil) et acheminés par bateaux vers l’Europe via l’Espagne et le Portugal (au XVIe siècle, la quantité de métal en circulation en Europe est multipliée par cinq). Cet afflux est une occasion d’accroître les productions, seules richesses réelles, et le commerce intraeuropéen.

De fait, le grand commerce maritime ne cesse de se développer avec l’extension des empires coloniaux. Au XVIIIe siècle, le commerce international est multiplié par trois en volume, c’est l’époque du « commerce triangulaire » qui relie Europe-Afrique et Amériques. L’Angleterre, et plus précisément Londres, devient le cœur économique du monde. La création des institutions de crédit qui accompagne l’accumulation des fonds dans le commerce colonial entraîne un début d’accumulation de capital financier. Pour les historiens, ce n’est pas un hasard si le Royaume-Uni, principale puissance maritime et coloniale, est le pionnier de la Révolution industrielle.

Les marchés nationaux constituent une demande nouvelle à satisfaire. Un marché des produits manufacturés émerge lentement au cours des XVIIe et XVIIIe siècles : habillement, objets d’ameublement, d’équipement ménager. C’est particulièrement marqué en Angleterre où le pouvoir d’achat moyen est plus élevé qu’ailleurs. Les classes moyennes anglaises, notamment, constituent un débouché important pour les produits de semi-luxe.

 

B. Les campagnes connaissent une révolution de l’agriculture et une proto-industrialisation également décisives

Un capitalisme agraire se développe. Il est la base d’une « accumulation primitive du capital ». On observe en effet une poussée de l’« individualisme agraire », selon l’expression de M. Bloch. L’Angleterre bascule ainsi du système collectif de l’openfield au système individuel de la propriété terrienne.

Ce développement a un double impact : à la fois l’apparition d’un marché de la terre et, avec l’expulsion des paysans les plus pauvres, le développement du marché du travail dans les villes. La demande accrue des villes engendre également une double activité au sein des populations paysannes : en plus du travail des champs, celles-ci sont employées dans l’artisanat rural et dans les travaux d’aménagement et remembrement agraires.

Une proto-industrialisation en milieu rural rendrait ainsi possible la révolution industrielle. Une proto-industrie rurale se développe, notamment en Angleterre, avec la généralisation du « domestic system ». Le système de la factory ou manufacture commence également à se mettre en place en Grande-Bretagne mais également France, dans des secteurs comme le textile (manufacture Oberkampf à Jouy-en-Josas), métallurgie, imprimerie, travaux publics, construction navale…

 

C. Le rôle de l’État a été indispensable dans le décollage industriel

La pensée économique est alors en plein essor avec le mercantilisme qui prône une forte intervention de l’État. Les mercantilistes enseignent que toute richesse réside dans l’abondance de métaux précieux. L’État doit créer les conditions de leur entrée dans le pays et être capable de les retenir.

Par conséquent, une partie de l’effort industriel doit être assumée par l’État. Le colbertisme en France en est un exemple abouti. J. B Colbert (1619-1683), contrôleur général des Finances du royaume sous Louis XIV, affirme la volonté de mettre en place un programme ambitieux : « Il faut rétablir ou créer toutes les industries, même de luxe ; établir le système protecteur dans les douanes ; organiser les producteurs et les commerçants en corporations… »

Le colbertisme est devenu synonyme d’une politique d’intervention de l’État visant à promouvoir l’ensemble de l’industrie pour renforcer la puissance de la nation.

 

II. Deux vagues successives d’industrialisation font entrer l’Europe dans l’ère du machinisme

A. L’Angleterre aux avant-postes de l’industrialisation

La hausse de la demande, particulièrement forte au Royaume-Uni au XVIIIe siècle, a achoppé sur l’état des techniques qui ne pouvaient y répondre. Les historiens de l’économie estiment que cette situation de blocage a suscité les inventions et les innovations qui ont ouvert la voie à l’industrialisation.

À la fin du XVIIIe siècle, les innovations se succèdent dans les industries cotonnières et métallurgiques anglaises. Dans le textile, la concurrence entre le coton, importé d’Inde et dont le prix dépend des aléas des transports maritimes, et la laine, tirée des moutons britanniques et dont le prix est stable, entraîne la nécessité dans l’industrie cotonnière d’appliquer très tôt des procédés d’organisation et de mécanisation du travail, à la fois pour réduire les coûts et satisfaire une demande internationale croissante. Les inventions se succèdent ainsi dans deux branches : la filature du coton et le tissage du coton.

La mise au point de la machine à vapeur révolutionne l’ensemble du système technique. La machine à vapeur moderne, inventée par James Watt en 1769, intègre un condensateur qui permet d’économiser le combustible et une bielle qui crée un mouvement rotatif et permet d’actionner n’importe quel type de machine.

Cependant, le génie de Watt a été également de s’associer avec un entrepreneur, Boulton, qui le persuade de modifier sa machine afin qu’elle trouve d’autres applications que l’utilisation dans les mines où elle se substitue lentement à la force des chevaux, tirant les wagonnets sur des rails. Les deux hommes font fortune. On peut estimer que l’acte de naissance de l’entreprise moderne est ainsi l’association, en Angleterre, de Watt (l’inventeur) et Boulton (l’organisateur). La machine à vapeur est associée rapidement à un nouveau mode de déplacement : le chemin de fer. En 1830 entre en fonctionnement la première ligne de chemin de fer entre Stockton et Darlington, ce qui entraîne une baisse du coût du transport de plus de 50 %.

La diffusion de la première Révolution industrielle s’effectue sur le continent dans les années 1830 à 1860. Durant ces années de diffusion de la révolution industrielle, les technologies se répandent depuis l’Angleterre jusqu’au continent. Experts et techniciens anglais interviennent en Belgique, en France, en Allemagne pour aider à monter les industries nouvelles puis les ingénieurs et industriels français, allemands, participent à leur tour à l’aventure industrielle en Espagne ou en Russie. Inversement, des capitaines d’industrie européens font le voyage en Angleterre pour découvrir les secrets de fabrication dans le textile et la métallurgie. C’est ce qu’on appelle le transfert de technologies. De même, les capitaux circulent librement et se placent hors des frontières dans les nouvelles activités. Le contexte de paix international est alors décisif (il s’ouvre en 1815). Une industrialisation par poches marque le continent. Le développement se fait avec un décalage chronologique de 50 à 80 ans par rapport à l’Angleterre, ce qui accrédite la formule de « pays suiveurs ».

Dans son ouvrage majeur, Peaceful Conquest (1981), Sidney Pollard soutient que l’industrialisation de l’Europe continentale n’a pas été un processus national, mais plutôt régional. L’industrie moderne est apparue en « taches géographiques » débordant les frontières nationales. La première à s’industrialiser est une vaste région en Europe de l’Ouest qui part du nord de la France jusqu’à la Suisse en suivant une forme de croissant comprenant Flandre, Belgique, Ruhr, Westphalie, Alsace. La deuxième, à l’est, inclut la Silésie, la Bohême et la Saxe. Leur développement s’explique par différents facteurs : l’existence de gisements de fer ou de charbon, la présence d’un vieux centre d’industries traditionnelles ayant permis un développement proto-industriel (Belgique, nord de la France), l’absence de réglementation corporatiste et/ou de contrôle étatique favorisant la montée des relations de marché (Flandre), la proximité d’un grand port…

 

B. Une nouvelle rupture technologique ouvre la voie à la deuxième Révolution industrielle

La science est mise au service de l’industrie, favorisant à partir de 1880 une rénovation du système technique. D’une part, les scientifiques s’intéressent de plus en plus à la recherche appliquée, ce qui leur permet de se lancer dans l’aventure capitaliste. Le scientifique Georges Claude fait de son invention, le gaz liquéfié, le point de départ d’une réussite entrepreneuriale qui traverse le siècle. Il fonde Air Liquide en 1901.

L’ingénieur Thomas Edison fait fortune en fabriquant la première lampe à incandescence (1878) et ouvre la voie aux grandes découvertes concernant la production du courant électrique (générateurs), son utilisation (ampoule, téléphone), son transport à distance (transformateurs, câbles à haute tension). Il a déposé au total plus d’un millier de brevets et est un des Américains les plus riches au début du XXe siècle.

D’autre part, les grandes entreprises industrielles se dotent de laboratoires de recherche. La période qui court des années 1870 à 1913 est de ce fait très fertile en innovations. Comme le montre la hausse rapide des demandes de dépôts de brevet : entre 1890 et 1910, un quadruplement en Allemagne.

L’entrée dans « l’âge de l’acier » caractérise la 2e Révolution industrielle. L’acier symbolise en effet la seconde révolution industrielle ; que l’on pense à la tour Eiffel construite en fer et en acier en 1889 à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris. Son utilisation est croissante dans la production de biens d’équipement à la fin du XIXe siècle : la production d’acier est multipliée par 100 en Europe entre 1865 et 1905 (de 0,5 Mt à 50 Mt).

L’électricité et le pétrole transforment les conditions de la production industrielle. En effet, jusqu’aux années 1880, la vapeur est la principale source d’énergie, mais elle présente des obstacles à l’expansion industrielle : machines volumineuses, faible rendement thermique (les neuf dixièmes de la chaleur produite ne se transforment pas en mouvement), récurrence des accidents (explosion des chaudières).

Le moteur électrique et le moteur à explosion permettent de résoudre ces difficultés. La maîtrise de l’électricité illustre l’importance nouvelle de la science. Le pétrole, qui était utilisé depuis l’Antiquité en petites quantités pour l’éclairage, devient une source d’énergie importante avec l’invention du moteur à essence. Ce système du moteur à essence est d’ailleurs développé par l’ingénieur allemand Gottlieb Daimler qui ouvre la voie à l’industrie automobile.

 

C. Les effets d’entraînement de ces inventions sur tout le secteur industriel sont considérables

La révolution électrique permet une révolution chimique. Les procédés de fabrication des produits traditionnels s’améliorent et des produits nouveaux apparaissent :

  • Dans le textile, les fibres artificielles s’ajoutent aux fibres naturelles.
  • Les matières plastiques (usage du caoutchouc).
  • L’apparition des engrais artificiels.
  • Des colorants.
  • Des médicaments synthétiques.

 

L’effet d’entraînement concerne aussi les constructions électriques. La fabrication de matériel électrique se développe :

  • Les grands réseaux d’éclairage urbain. Le premier réseau de distribution d’électricité destinée au grand public est créé à New York grâce à la centrale électrique d’Edison en 1882.
  • L’utilisation de moteurs électriques dans l’outillage industriel et les appareils électroménagers qui se multiplient au début du XXe siècle : aspirateur (1901), sèche-cheveux (1902), lave-linge (1907), rasoir électrique (1908), climatiseur (1910), réfrigérateur (1918).
  • Les ascenseurs électriques permettent de construire des immeubles toujours plus hauts : premiers gratte-ciel aux États-Unis (Chicago, New York), essor du BTP, moteur de l’économie.

 

Le moteur électrique facilite la révolution des transports urbains. Le tramway apparaît en 1879 à Berlin, Londres est la première capitale européenne à se doter d’un métro électrique (1890).

Les industries mécaniques liées aux transports se développent dans le sillage du moteur à explosion. Aux premières loges de l’industrie automatique, on trouve l’industrie automobile. La construction automobile prend son essor aux États-Unis. On peut dater la véritable naissance de l’industrie automobile de la création, en 1903, des usines Ford et surtout de la mise sur le marché, en 1908, de la Ford T (pour touring), dont 15 millions d’exemplaires sont vendus par la suite. En 1913, les États-Unis sont devenus très largement les premiers constructeurs mondiaux : 485 000 unités, contre 45 000 pour la France, 34 000 au Royaume-Uni, 23 000 en Allemagne. Les balbutiements de l’aviation complètent ce tableau.

Enfin, cette période laisse place à la révolution des communications. Le téléphone est inventé par l’Américain Graham Bell en 1876. Le premier réseau téléphonique est installé en 1878 aux États-Unis, Londres est équipé en 1879, Paris en 1881. Le télégraphe sans fil (TSF), utilisant les ondes électromagnétiques ou hertziennes, est réalisé par O. Lodge (1895) et G. Marconi (1896).

 

III – Cet essor industriel sans précédent rend possible l’affirmation d’un grand capitalisme libéral et oligopolistique

A. L’entreprise et l’entrepreneur, moteurs du changement économique et social

L’entrepreneur est au cœur de la dynamique du capitalisme, il est à l’origine du formidable enrichissement des sociétés industrielles. Joseph Schumpeter insiste sur l’importance du rôle de ces capitalistes innovateurs dans l’aventure industrielle. Il montre que le ressort de la croissance capitaliste réside dans les innovations promues par les entrepreneurs les plus dynamiques. Elles engendrent l’expansion et se traduisent, dans l’industrie, par une baisse des prix qui conduit à l’élimination des processus périmés (destruction créatrice), ouvre la voie à des grappes d’innovations (innovations connexes en chaîne), stimule la demande et accroît le niveau d’activité.

De plus, la création d’entreprises est facilitée par le changement rapide du statut juridique des entreprises, le bouleversement structurel le plus important est ainsi la réforme du statut des entreprises : les sociétés anonymes (SA) et les sociétés à responsabilité limitée (SARL).

Les entreprises multiplient également regroupements et ententes pour adopter une même stratégie de prix et se partager les marchés, souvent dans un contexte de récession économique (Grande Dépression, 1873 à 1896). Il existe là aussi trois formes de regroupements ou ententes :

  • La constitution de cartels : des ententes pour contrôler un marché.
  • La forme du trust : arrangement légal selon lequel les actifs des actionnaires sont placés sous la garde de trustees qui agissent dans l’intérêt de ces actionnaires.
  • La holding : il s’agit de groupes financiers qui contrôlent des entreprises, juridiquement autonomes, situées dans différents secteurs d’activités, par le moyen de participations majoritaires dans le capital de ces entreprises.

 

Toutefois, face à ces entreprises géantes, la petite ou moyenne entreprise (souvent artisanale) domine largement le tissu industriel : on peut parler de capitalisme moléculaire.

Au début du XXe siècle, les grandes entreprises capitalistes rationalisent leur activité et commencent à s’internationaliser. Elles utilisent les méthodes nouvelles du management qui constituent une révolution technique. Il faut rappeler que les origines de ces méthodes remontent loin au XIXe siècle et que Taylor n’a fait que les théoriser.

La méthode de Taylor (Frederick Taylor, 1856-1915) est en effet la première à être théorisée et systématisée : c’est la naissance du management, en 1904 dans Shop Management, puis en 1912 dans The Principles of Scientific Management. Cette méthode repose sur l’idée que le travail doit être rigoureusement organisé au sein de l’usine. Henry Ford, en mettant en pratique ce système, devient le pionnier de la parcellisation du travail dans ses usines automobiles de Détroit et l’inventeur de la consommation de masse. Le tayloro-fordisme, ou « système américain de production » comme on l’appelle à l’époque, se diffuse petit à petit dès les années 1910-1920.

 

B. L’environnement économique et financier des entreprises se modifie

Les conditions du financement de l’économie changent avec la modernisation des banques commerciales privées et des bourses de valeurs qui permettent de lever des fonds considérables, ainsi que la création des banques centrales qui encadrent et régulent l’émission de monnaie.

Les banques ne sont pas des institutions nouvelles, mais elles se modernisent considérablement à la fin du XIXe siècle. Avant la Révolution industrielle, le rôle des banques se limite à deux types d’activités :

  • Le commerce international, à l’image des merchant bankers londoniens qui financent et assurent le grand commerce maritime. Ils réalisent à partir du XVIIIe siècle de fructueuses opérations de négoce de produits coloniaux (tabac, coton).
  • Le financement des gouvernements, et notamment les fournitures aux armées, qui constituent le socle de la réussite de quelques grandes banques (en France, les Legendre, les Genevois).

 

La structure bancaire familiale reste archaïque, mal adaptée à la croissance industrielle. La contribution du secteur bancaire à la première révolution industrielle est donc très modeste. La révolution des chemins de fer constitue un tournant décisif pour la modernisation des banques puisque ce secteur est grand demandeur de capitaux.

De plus, les bourses de valeurs permettent de lever des fonds de plus en plus considérables. Certes, l’origine des bourses est ancienne comme celle des banques, elle remonte à l’essor du grand commerce européen au Moyen Âge, mais jusqu’au XIXe siècle, les bourses sont accaparées par les titres de la dette publique (rentes d’État).

Ensuite viennent les grandes compagnies de commerce et d’industrie qui se financent elles aussi largement sur les marchés boursiers. La mobilisation d’un important capital pour l’industrie au XIXe siècle nécessite un appel aux marchés financiers, si bien que les bourses connaissent un essor décisif avec l’industrialisation.

L’accélération de la concentration industrielle fait de la Bourse le point de passage obligé de l’expansion économique. Les compagnies de construction de canaux, de production d’énergie, la banque d’affaires, l’automobile s’y succèdent. Ainsi, entre 1885 et 1907, le nombre de sociétés cotées à la Bourse de Londres passe de 60 à 600 !

 

C. L’environnement politique et juridique évolue parallèlement

Les doctrines libérales classiques (XIXe siècle) ont redéfini le rôle de l’État en remettant en cause les vieilles doctrines mercantilistes. Elles viennent pour l’essentiel de trois penseurs classiques : Smith, Ricardo, Say, auxquels on peut ajouter John Stuart Mill, dont l’ouvrage principal (Principes d’économie politique, 1848) a longtemps constitué le manuel économique de référence.

Pour la plupart, ces libéraux s’accordent sur le rôle moteur de l’intérêt individuel, sur le caractère naturel d’un ordre fondé sur la liberté et le droit de propriété, sur le rôle régulateur du marché et de la libre concurrence (« la main invisible »), sur la légitimité du profit (et sa justification par le risque).

L’apparition des grandes libertés économiques (libre entreprise et propriété privée, liberté du travail, liberté du prix et des marchés, liberté de la circulation des produits…) semble fonder la doctrine du libéralisme inhérente au capitalisme moderne.

 

Conclusion

Une grande révolution technologique débutée à la fin du XVIIIe siècle est le fondement de la Révolution industrielle qui bouleverse les économies européenne et nord-américaine jusqu’à la Belle Époque. Une série impressionnante d’inventions qui marquent une rupture avec le passé beaucoup plus radicale que toute autre sans doute depuis l’invention de la roue. Ces inventions auraient été adoptées du fait de l’insuffisance croissante des anciens modes de production, incapables de répondre à une demande intérieure et surtout extérieure en croissance. Une première accumulation du capital réalisée dans l’agriculture et le grand commerce colonial auraient favorisé ces transformations avec des effets vertueux sur toute l’industrie et l’économie.

C’est à partir de ce moment que le capitalisme contemporain connaît une expansion extraordinaire, du fait de l’essor de l’industrie qui permet d’accumuler des profits considérables et de les réinvestir. Il repose sur trois principes : progrès technique et mécanisation, division du travail et économie de marché. Et ce, d’abord au Royaume-Uni : le grand historien, Peter Mathias, écrit à ce sujet que « la première nation à faire le saut industriel et technologique a bénéficié d’une avance de deux ou trois générations ». À ce défi technique et économique lancé par la Grande-Bretagne, le continent allait répondre en essayant de l’imiter. L’industrialisation du continent aurait donc dépendu d’une réaction aux nouvelles méthodes révélées outre-Manche, d’un processus de transfert technologique. Ces différentes vagues d’industrialisation déterminent largement la hiérarchie des puissances avant 1914.

 

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