Niger

Le coup d’État du général Tiani bouleverse la situation politique, militaire et économique du Niger et de la région. Zoom sur ses enjeux.

 

Que s’est-il passé ?

Les faits

Le 26 juillet 2023, des militaires ont renversé le régime du président nigérien Mohamed Bazoum. Le général Tiani s’est alors autoproclamé nouveau dirigeant du Niger. Il n’est pas reconnu par la communauté internationale.

Le 27 juillet, une manifestation de soutien aux putschistes a rassemblé des milliers de personnes dans la capitale, Niamey, devant l’Assemblée nationale. Des manifestations se sont également tenues devant l’Ambassade française. Certains ont brûlé des drapeaux français et brandi des drapeaux nigériens et russes. Certains jeunes scandaient des « « À bas la France, vive la Russie ». Ces manifestations résultent d’un appel du mouvement civil M62, qui avait déjà protesté contre l’opération Barkhane, alors même que la junte a interdit ces manifestations.

Le 30 juillet, un sommet historique de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a eu lieu. La Cedeao a lancé un ultimatum à la junte jusqu’au 6 août, imposant le retour de « l’ordre constitutionnel » ainsi que la libération du président Mohamed Bazoum.

Le 3 août, les putschistes démettent de leurs fonctions les ambassadeurs du Niger en France, aux États-Unis, au Nigeria et au Togo. Le 29 août, c’est l’ambassadeur français au Niger qui est sommé d’abandonner son poste.

 

Les raisons du coup d’État

Le général Abdourahamane Tiani justifie le coup d’État par « la dégradation de la situation sécuritaire », dans un Niger qui connaît la violence des attaques jihadistes.

Qui est le nouvel homme fort du Niger ? Âgé de 59 ans, il était à la tête de la Garde présidentielle depuis 2011. Il est décrit comme un homme de l’ombre, puissant, mais ne faisant pas l’unanimité. Il allait être remplacé dans les prochains mois par Mohamed Bazoum.

 

Les enjeux du coup d’État

L’avenir économique et politique du Niger

Le Niger fait face à des sanctions économiques imposées par la Cedeao. La Communauté « suspend toutes les transactions commerciales et financières » entre ses États membres et le Niger. Elle gèle les avoirs des responsables militaires et suspend l’aide financière accordée au pays.

En particulier, elle annule une émission d’obligations de 45 millions d’euros. L’Allemagne et l’Espagne ont annoncé la suspension de l’aide au développement au Niger. Ces sanctions pourraient conduire à un défaut de paiement du Niger, qui est déjà un des pays les plus pauvres du continent, fortement dépendant de l’aide internationale.

 

Les réactions de ses voisins africains

Le Burkina Faso et le Mali ont affirmé que toute intervention militaire pour rétablir Mohamed Bazoum serait considérée « comme une déclaration de guerre » à leurs deux pays et « entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cedeao ».

Proche des deux camps, le Tchad cherche à jouer un rôle de médiation. Le Président du pays tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, s’est rendu sur place le 30 juillet pour tenter de démêler la situation.

 

Un coup dur pour la stratégie militaire française

La France, ex-puissance coloniale au Niger, apparaît comme la cible privilégiée des putschistes. Ces derniers accusent la France, considérée comme le dernier pays à lutter contre l’extrémisme dans le Sahel, de vouloir « intervenir militairement » pour rétablir le président Bazoum. La France a démenti ces accusations.

Un scénario pourrait ainsi se répéter. En effet, après les putschs au Burkina Faso en septembre 2022 et au Mali en août 2020, l’influence française avait déjà vacillé, et cela pourrait être de nouveau le cas.

 

L’approvisionnement en uranium

Le Niger est le septième producteur mondial d’uranium. De fait, ce coup d’État a suscité des inquiétudes quant à l’approvisionnement en uranium, dont dépendent les centrales nucléaires. Néanmoins, cette inquiétude est à relativiser par la décroissante dépendance des autres pays.

L’Union européenne et la France sont bien moins dépendantes aujourd’hui de l’uranium nigérien, en raison d’une diversification de leur approvisionnement (Kazakhstan, Namibie, Canada).

 

Les relations avec la Russie

La Russie s’est rapprochée du Mali et du Burkina Faso, deux pays dirigés par des militaires putschistes qui ont exigé le départ des troupes françaises. Ces dernières sont toujours présentes au Niger, avec 1 500 hommes. Ainsi, il pourrait y avoir un changement d’alliance, au profit de la Russie. En effet, rappelons le contexte : le groupe Wagner cherche à développer ses capacités en Afrique de l’Ouest.

Cependant, cette prévision ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté des géopoliticiens. Par exemple, Thierry Vircoulon, chercheur de l’Ifri et auteur de La RussAfrique à l’épreuve de la guerre, décrit un ébranlement de l’image de la puissance militaire de la Russie. La Russie perdrait en crédibilité dans le continent africain à cause de la guerre en Ukraine.

 

Une multiplication des coups d’État dans la région ?

Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique et à Al-Qaida, est le troisième pays de la région à subir un coup d’État depuis 2020.

En conclusion, l’avenir politique, économique et militaire du pays est mis en jeu dans ce coup d’État. Les conséquences seront à suivre de près dans les jours à venir.

 

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